Les Rohingya : le combat continue

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Par Laetitia Santos

Posté le 20 septembre 2017

Ils sont des centaines de milliers à fuir vers le Bangladesh encore plus fort que par le passé depuis août 2017. À fuir un régime armé qui les extermine méthodiquement, dans le silence quasi total et l’inertie de la communauté internationale. Eux, ce sont les Rohingya de Birmanie, minorité de confession musulmane, privée de citoyenneté dans un pays à dominante bouddhiste. Un génocide terrible aux chiffres honteux que Babel met en lumière aujourd’hui dans ses pages web pour ne pas être complice de silence, à l’image de bien des rappeurs français qui ont donné l’alerte sur le sort de ces "apatrides en prédation au pays du pacifisme"... "On ne nourrit pas l’injustice en la dénonçant mais en la taisant"... Le point sur fond de rap musique.


Ils seraient plus de 420 000 à avoir fui l’état birman d’Arakan - appelé aussi Rakhine - pour le Bengladesh depuis le 25 août dernier.

La première ministre bengali Sheikh Hasina, vient ainsi de renouveler son appel ce jour, mercredi 20 septembre, à l’attention du gouvernement birman afin qu’il réadmette les réfugiés rohingya : « Nous avons dit à la Birmanie : ils sont vos citoyens, vous devez les reprendre, assurer leur sécurité, les abriter, il ne devrait y avoir ni oppression ni torture. Le gouvernement birman ne répond pas aux appels. À la place, la Birmanie dispose des mines antipersonnel le long de la frontière pour empêcher le retour des Rohingya dans leur pays natal... »

« Les Rohingya, ce peuple d’apatrides dont personne se soucie

pas même la Noble de la paix Aung San Suu Kyi », Médine

L’ONU dit d’eux qu’ils sont la minorité la plus persécutée de la planète. Pour comprendre la genèse de ces persécutions emmenées par une minorité de moines extrêmistes dirigée par un dénommé Wirathu, le "Ben Laden birman", il faut revenir des siècles en arrière et s’intéresser à l’Histoire depuis le XVIème siècle, aux forces politiques en place, aux nombreux changements de frontières. De colonisations en migrations, les Rohingya se retrouvent aujourd’hui à être un million d’apatrides, sur une terre du Nord-Ouest birman où la foi bouddhique est si vive. Des musulmans sunnites au beau milieu de 52 millions de bouddhistes, plus de 90 % de la population du pays...

Si les Rohingya seraient des descendants de commerçants et de soldats arabes, mongols, turcs ou bengalis convertis à l’islam au XVe siècle, le gouvernement birman lui, soutient qu’ils seraient arrivés pour le compte de la colonisation britannique à la fin du XIXème siècle et qu’ils seraient donc des émigrés illégaux de leur voisin le Bengladesh, ayant profité du système colonial. Depuis 1982 et une certaine loi militaire, les voilà apatrides et non répertoriés parmi les 135 ethnies composant la Birmanie. La Commission Européenne reconnait ainsi une "ségrégation communautaire institutionnalisée" entre les Rohingya et la communauté bouddhiste du Rakhine. Pas d’accès à l’éducation et aux soins, interdiction de voyager sans autorisation, de travailler hors de son village ou encore de se marier sans validation au préablable des autorités, voilà les réjouissances auxquelles est confronté le peuple Rohingya en plus de ne pas avoir accès à la citoyenneté. Sans compter que la limite d’enfant en vigueur pour un couple, très restrictive, conduit les Rohingya à ne pas déclarer toute leur progéniture, des milliers d’enfants se retrouvant ainsi sans acte de naissance aucun... Une abjecte privation des droits et de la dignité humaine.

Résonne alors un couplet de Kery James, étendard rappé pour la Palestine qui collerait tout aussi bien au sort de la minorité rohingya en détresse : "*Se taire c’est parfois cautionner la violence et le non-droit, Je ne serai pas complice du silence. (...) Je n’ai que la parole pour treillis, P**our ceux qu’on traite en étranger dans leur propre pays, Pour ceux qu’ont été spoliés, volés, Qu’ont vu leurs droits les plus fondamentaux violés...*"

« Secte de prêtre bouddhiste au service d’un état raciste

Et d’une police complice qui extermine son peuple à la racine... », Medine

Lassés d’être malmenés et abandonnés à leur sort par l’État et l’ensemble de la communauté internationale, un groupe de rebelles Rohingya a donné naissance assez récemment à l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan (ARSA) et attaqué une vingtaine de postes-frontières le 25 août dernier. Il n’en fallait pas plus à l’armée birmane pour se retourner contre eux avec plus de violence encore et lancer une épuration sans précédent, répondant à cette attaque avec plus de mille morts musulmans dans la foulée, des brasiers et des charniers entiers pour les exterminer, sans distinction de sexe ou d’âge.

"Cette fois, les Rohingya birmans sont la cible d’une campagne de déportation systématique, dont l’objectif semble être qu’elle soit totale et définitive. Une fin de leur monde. Ceux qui restent derrière les fuyards sont exécutés, et les villages sont systématiquement brûlés." rapporte un envoyé spécial au Monde. Un nettoyage ethnique en bonne et dûe forme admis par le haut-commissaire de l’ONU aux droits humains, Zeid Ra’ad Al Hussein : "Nous avons reçu de multiples rapports et des images satellitaires montrant des forces de sécurité et des milices locales brûlant des villages rohingya, et des informations cohérentes faisant état d’exécutions extrajudiciaires, y compris de tirs sur des civils en fuite." Une brutalité à son paroxysme, un crime contre l’humanité qui se déroule dans une indifférence quasi totale de la communauté nationale et interationale...

« Que se passe-t-il en Birmanie ?

Pourquoi les médias font un déni ? », Kery James

Les combattants rohingya ont bien fini par demander un cessez-le-feu le 10 septembre dernier mais le gouvernement birman a déclaré refuser traiter avec "des terroristes".

Si le Conseil de Sécurité de l’ONU s’est réuni trois jours plus tard, le 13, pour exhorter le gouvernement birman à "des pas immédiats" pour mettre fin à "une violence excessive", aucune action véritable n’a jusqu’alors été engagée.

Aung San Suu Kyi, célèbre Prix Nobel de la Paix à la tête du gouvernement birman depuis avril 2015, a elle aussi été sévèrement pointée du doigt pour être restée trop longtemps mutée dans le silence. Elle en est sortie hier avec quelques timides paroles qui n’ont pas étouffé les flammes : "Nous sommes profondément désolés pour les souffrances de tous ceux qui se sont retrouvés pris au piège de ce conflit." Si elle a promis de punir les abus, elle a ajouté qu’il fallait pour cela détenir des preuves solides. Une "politique de l’autruche" selon Amnesty International pour qui "*i**l existe des preuves écrasantes que les forces de sécurité sont engagées dans une campagne de nettoyage ethnique.*"

Les quelques voix perçant dans cette asphyxie ? Celles des rappeurs français, à l’image de Médine qui s’est rendu aux côtés des musulmans de Birmanie en décembre dernier pour mettre en image le dernier titre de son emblématique série, Enfant du destin - Nour et le premier à être clippé. Lyrics choc, story poignante, l’homme a fait preuve une fois de plus d’un engagement exemplaire. Seth Gueko, El Matador, Nekfeu ou encore Kery James ont eux aussi eut leur mot en faveur du peuple Rohingya.

On concluera en fredonnant... "Liberté agonisante... Silence du monde dit libre... J’espère, j’espère toujours voir la paix dans la justice se lever à l’horizon..."