"Genesis" : Salgado à la recherche du paradis perdu

Culture

Par Cécile Le Maitre

Posté le 26 novembre 2013

"Genesis", l’œuvre de Sebastião Salgado actuellement exposée à la Maison Européenne de la photographie, est belle. Indéniablement belle. D’une beauté qui dépasse tout jugement esthétique car c’est avant tout la démarche engagée de l’artiste que l’on admire et que l’on a envie de saluer.


Genesis est un mélange de photographie animalière, ethnographique et de paysages, qui donne à voir un monde hors du temps, une sorte de paradis retrouvé aux antipodes du monde que le photographe brésilien avait l’habitude de représenter. Des réfugiés du Sahel aux « damnés de la terre », travailleurs exploités aux quatre coins du monde, en passant par les paysans pauvres du Brésil, Salgado a beaucoup photographié la misère humaine. Cette fois, c’est la richesse de la Terre qu’il met en lumière.

Témoigner de la violence du monde et du courage des hommes

Économiste devenu photographe de manière autodidacte, Salgado débute comme reporter pour les prestigieuses agences Magnum et Gamma. Pendant quelques années, il couvre l’actualité brûlante du monde. Puis il s’émancipe, fonde sa propre agence de photo et commence à parcourir le monde à la rencontre d’exilés, de réfugiés, d’exploités, de révoltés. Pour montrer ces populations luttant contre la pauvreté, l’exploitation et les migrations forcées, il abandonne la couleur et adopte un noir et blanc très contrasté, qui devient sa marque de fabrique. L’esthétique extrêmement travaillée des images de Salgado peut parfois sembler excessive, mais a-t-elle d’autre ambition que celle de rendre hommage au courage et à la combativité de ces hommes, femmes et enfants dans la détresse ?

Agir pour la Terre

Avec Genesis, ce n’est plus l’Homme que Salgado place au cœur de son témoignage mais son espace de vie, la Terre. Ce changement de point de vue n’est pas surprenant quand on connaît l’engagement personnel du photographe dans la préservation de l’environnement. Au Brésil, dans la vallée du Rio Dolce, il a mis en œuvre un programme ambitieux de reforestation et de restauration de la biodiversité sur près de 17 000 hectares de terres appartenant à sa famille.

L’Institut Terra, qu’il a créé avec sa femme, gère ce projet, produit des semences de plantes endémiques et mène des actions de sensibilisation et d’éducation à la préservation de l’environnement. Lancé en 1998, le projet est un succès sur le plan environnemental, démontrant qu’il est possible de restaurer entièrement un écosystème. N’en déplaise aux fatalistes, il n’est pas trop tard pour agir pour notre planète !

Retrouver l’harmonie avec la nature

A travers Genesis, Salgado a choisi de représenter la nature la plus intacte et préservée possible, des animaux à l’état sauvage, des populations vivant selon des traditions et des modes de vie ancestraux, comme pour nous dire : « Voici, sous vos yeux, la richesse séculaire de notre planète » et nous inviter à respecter et protéger cet héritage. Certes, Salgado use de nombreux artifices pour nous fasciner et nous émouvoir. On l’a dit, les images sont belles. Retouchées ? Mises en scène ? Spectaculaires ? Il y a sûrement un peu de tout cela. Qu’importe en fait. Ce qui nous touche au fond, c’est autre chose.

Le sentiment d’être à la fois témoins et gardiens, et pas les derniers on l’espère, d’un équilibre puissant, car millénaire, et cependant précaire. Les menaces auxquelles notre planète est exposée viennent inévitablement à l’esprit en parcourant l’exposition. Mais celle-ci se veut positive, porteuse d’espoir et d’initiatives comme celle de Salgado sur ses terres familiales. A travers Genesis n’est-ce pas l’antidote à la violence du monde que Salgado a voulu nous donner ?

Genesis - Sebastião Salgado
Maison Européenne de la Photographie
5/7 Rue de Fourcy
75004 Paris

Tarifs : 8 € ou 4,5 € en tarif réduit
Gratuit chaque mercredi entre 17h et 20h.
Ouvert du mercredi au dimanche de 11h à 19h45.