Nus & culottés : "Il faut questionner les clichés" (2/2)

Interview voyage

Par Frédéric Scarbonchi

Posté le 11 juin 2015

Deuxième partie de notre interview de Nans et Mouts, les deux joyeux drilles de Nus & Culottés, qui nous livrent aujourd’hui leurs expériences au travers des différentes régions de France.


> Relire la 1ère partie de l’interview avant de démarrer la seconde...

De tous vos voyages, quel endroit vous a le plus bluffés ?

Nans : Soi-même ! (rires).

Mouts : Un pays magnifique qui s’appelle soi-même. Il faut passer le col de la honte, puis à un moment, il y a le carrefour de la Solitude. Mais si on continue, à droite derrière les aiguilles de la colère…

Nans : En dehors de l’humour, sérieusement, c’est le seul pays qui compte. C’est pour ça d’ailleurs qu’on fait ces voyages en France. C’est pour prouver que la beauté est partout, et elle commence là où on est.

Mouts : Au-delà de ce constat qui est le fruit de plusieurs années d’expériences, on est effectivement passés par certains lieux qui nous ont aidés à faire ce cheminement vers nous mêmes. J’ai une pensée pour le Costa Rica, le Guatemala, la Californie. Ce sont des endroits où on a eu une facilité à pouvoir être nous-mêmes en dehors de ces ornières de tourisme de masse. On y a trouvé quelque chose de très épanouissant dans nos voyages.

Dans les différentes régions de France, avez-vous senti une différence dans vos rapports aux gens ?

Nans : Il y a des espaces, des régions en France, où il semble que les codes sociaux favorisent le lien avec les inconnus. Le Larzac, par exemple, on a réalisé que c’était facile de rentrer en lien avec les gens. Dans le Nord de la France aussi. Plus on zoome, plus on se rend compte que c’est difficile de dire « telle région accueille, telle région n’accueille pas ». C’est vraiment un ensemble d’individualités, et la relation avec ces individus est à chaque fois unique. Quand les gens voient arriver deux vagabonds qui sont souriants et légers, ça ne va pas forcément évoquer trop de peur. Par contre si on arrive stressés et pas bien dans nos baskets, on risque d’éveiller de la méfiance. C’est finalement un cocktail entre la culture et l’histoire locale, et puis l’état dans lequel on arrive nous-mêmes.

Mouts : Il y a eu un voyage important pour nous, c’était le premier voyage qu’on a fait dans cette saison 3, qui sera diffusé en deuxième : Objectif Mont Aiguilles. Il est important car on est parti de Haute-Marne, l’endroit où j’ai grandi et on est allé dans le Vercors, dans le Trièves, la où Nans habite en ce moment. C’était comme un trait d’union entre nous. Ca nous a permis de revisiter les régions que l’on connaissait bien mais en tant que sédentaires et non pas en tant que voyageurs. En Haute-Marne, les premières personnes que l’on a rencontré, on était habillés avec des jupes de fleurs, on n’a pas passé une minute à discuter avant que le grand-père nous propose de jouer de l’accordéon et de danser avec la grand-mère à l’intérieur. Moi j’avais des clichés de la Haute-Marne comme étant un endroit où les gens ne sont pas super ouverts et se jugent les uns les autres. Je me suis donc rendu compte qu’effectivement, moi je juge des co-départementaux, mais qu’on peut toujours être surpris.

Nans : Et ça marche dans le sens inverse : j’avais une image de la Drôme comme un département hyper accueillant. Donc notre premier voyage avec Mouts on l’a fait à partir de la Drôme. La première personne qu’on a rencontré nous a vus, a pris peur et est repartie. Du coup, c’est difficile de généraliser… J’ai envie de vous inviter à cultiver notre curiosité, à questionner les clichés.

Mouts : Il faut aussi se rappeler que les gens sont autonomes dans leurs choix. Ça m’a beaucoup adouci quand j’ai commencé à accepter que si les gens ne nous accueillaient pas, ce n’était pas grave. Je préfère qu’ils ne m’accueillent pas plutôt que de me dire un « faux oui », et qu’on se retrouve avec des gens qui n’ont pas du tout envie de nous accueillir.

L’exemple de la Corse est un super bel exemple qui prouve que c’est très difficile de faire une conclusion sur une région. En l’espace de deux journées, on a rencontré deux meurtriers, un grand-père avec un humour extraordinaire et puis un barman avec un cœur immense qui passait sa vie à rendre service aux gens. Sur la même terre, on a rencontré toute cette diversité. Chaque fois qu’on a pris le temps de discuter avec les gens, que ce soit ceux qui avaient tués, hébergés, ou de l’humour, il y avait une humanité commune, la même envie de vivre une forme d’intégrité…

Mouts : Moi ça m’a beaucoup touché cette intégrité. Le côté « je n’en démordrai pas, moi je suis comme ça et point barre ».

Nants : J’aime bien cet exemple, il me permet de bien illustrer qu’il est difficile de se faire une seule idée d’une région. La Corse l’illustre bien car on a tous des clichés. Quand je dis « lui il est meurtrier » je lui colle une étiquette pour un acte qu’il a commis mais cet homme n’est pas que cette étiquette-là. Quand on se rend compte de ça on voit davantage ce qu’on a en commun que ce qui nous sépare. Ce qui nous sépare c’est l’étiquette. Je ne suis pas trop fan de mettre des étiquettes et en même temps je réalise que ça nous aide à prendre une direction, savoir où partir, où aller, savoir se préparer. Pourtant, derrière les étiquettes, il y a un humain et c’est l’humain que j’ai envie de rencontrer.

Est-ce que c’est vous qui choisissez vos itinéraires ou est-ce qu’ils sont imposés ?

Nans : C’est le voyage qui décide (rires). Nous, on choisit le lieu de départ, on fait un petit repérage. Dernièrement, ce qu’on faisait, c’est que seulement l’un de nous faisait le repérage, comme ça l’autre avait la surprise de découvrir l’espace. Et après on sait qu’on vise un rêve mais bon, chercher de l’or en Suisse c’est vaste. Rencontrer une chanteuse d’opéra en Italie c’est pareil. Le voyage, il se fait sur le moment, avec les rencontres. D’un seul coup on peut être emmené dans une voiture à 500km comme on peut poireauter dans le même village pendant trois jours. L’itinéraire suit cette temporalité-là.