L’Himalaya de demain avec Sonam Wangchuck

Éthique, et toc !

Par Sophie Squillace

Posté le 3 mars 2017

Dans les vallées désertiques du Ladakh, Sonam Wangchuk lutte contre le réchauffement climatique en créant des glaciers artificiels. Un projet hors du commun qui redonne vie à l’agriculture et à toute une communauté.


Le Ladakh se situe à l’extrême Nord de l’Inde, sur les hauts plateaux himalayens. Ce désert d’altitude, surnommé « le Petit Tibet », se caractérise par ses espaces lunaires, ses sommets enneigés, sa culture bouddhiste tibétaine authentique. Mais le Ladakh est aussi un territoire rude marqué par de faibles précipitations, une végétation rare et des températures qui peuvent descendre en dessous de - 30 degrés. Les villages situés entre 3000 et 4600 m d’altitude sont extrêmement isolés, voire coupés du monde une bonne partie de l’année.

L’or bleu, une ressource rare

Les Ladakhis vivent essentiellement de l’agriculture et l’eau disponible pour l’irrigation de leurs champs provient principalement de la fonte des glaciers. L’irrigation, qui commençait toujours aux mois de mars-avril, permettait l’épanouissement des cultures (orge, blé, luzerne, abricots, pommes…). En raison du changement climatique, les précipitations et les températures sont perturbées, les glaciers rétrécissent voire disparaissent, d’autres fondent à vitesse grand V. La sécheresse s’intensifie, il y a moins d’eau disponible au début de la période cruciale d’irrigation.

Des hommes et des glaciers artificiels

Chewang Norphel, ingénieur civil à la retraite, a eu l’idée en 1987 de créer les premiers glaciers artificiels au Ladakh. Il en a construit une dizaine, dans des vallées de haute altitude très isolées. Surnommé « L’homme des glaces », ses glaciers se sont retrouvés à l’abandon après les inondations de 2010, faute de financement et d’entretien. En 2013, un autre homme, Sonam Wongkchuk reprend l’idée des glaciers artificiels et décide de trouver une solution adaptée aux villages. A la fois ingénieur et éducateur, Sonam est plus jeune et déjà reconnu auprès d’un réseau actif qui va l’aider à développer son projet à une échelle supérieure. Reconnu internationalement pour son apport révolutionnaire dans l’éducation des jeunes du Ladakh, il est le fondateur de l’école innovante SECMOL, située à quelques kilomètres de Leh, la capitale de la région.

Les stupas de glace

Le principe des glaciers artificiels, repris par Sonam Wangchuk, consiste à détourner l’eau du ruisseau du village, inutilisée et gaspillée durant l’hiver, pour la conduire par des canalisations jusqu’à de grands réservoirs. De là, elle jaillit en fontaine et gèle au contact de l’air. Sur un dôme recouvert de branchage, l’eau gelée forme un cône gigantesque, une sculpture de glace qui rappelle l’architecture des stupas, ces monuments bouddhistes. Il souhaite faire jaillir eau, arbres et champs sur ces terres frappées de plein fouet par la sècheresse et la désertification

Durant l’hiver 2013-2014, un premier prototype voit le jour. La pyramide atteint 15 mètres de haut, capable de stocker environ 2 millions de litres d’eau. Au mois de mai, le glacier artificiel commence à fondre et à irriguer les environs. Sonam Wangchuk a déjà pu planter 5000 arbres sur une parcelle de terrain derrière le monastère de Phyang, à quelques kilomètres de Leh. Récompensé par le Rolex Award 2016, Sonam bouillonne d’idées pour la suite. Sur ce même terrain, il veut construire entre 80 et 90 stupas, d’environ 30 m de haut et pouvant stocker 10 millions de litres d’eau chacun pour irriguer le désert avoisinant. Il souhaite ainsi développer sur ce site une université unique dédiée aux enjeux d’adaptation dans l’Himalaya pour les étudiants originaires de cette région du monde, l’Himalayan Institute of Alternatives (HIAL).