Van Gogh et Hiroshige, voyage au Japon depuis la Pinacothèque de Paris

Culture

Par Laetitia Santos

Posté le 21 décembre 2012

La Pinacothèque de Paris expose jusqu’à mi-mars deux œuvres complémentaires à voir pour tous les amoureux de voyage et de Japon. D’un côté de la rue, Hiroshige, l’artiste nippon le plus célèbre avec Hokusai, qui a peint le Edo d’avant 1868 et les routes mythiques qui reliaient la ville à Kyoto. Sur le trottoir d’en face, Van Gogh et ses rêves de Japon, largement influencé par le travail d’Hiroshige. Une confrontation unique, pleine de sens, et une plongée délicate dans le Japon traditionnel d’autrefois.


Van Gogh avait beau être le plus torturé des Impressionnistes, bon nombre de ses toiles ont été inspirées par un artiste dont le travail dégage sérénité, paix intérieure et solidité dans la composition, Hiroshige. Notamment celles peintes dans le Midi de la France, région à laquelle Van Gogh prêtait des airs de Japon, son refuge fantasmé.

Une quarantaine de toiles, principalement des paysages, sont disposées en regard avec celles d’Hiroshige, dont Van Gogh semble avoir pioché l’élément central de chacune de ses peintures pour en réaliser des reprises modernes et tourmentées. Le jardin de l’asile de Saint Rémy, avec son trop-plein de matière qui accroche la lumière, est d’une beauté saisissante. Les courbes et la chaleur d’Allée dans un parc transportent elles aussi. Des décors bien français fréquentés par Van Gogh dans son quotidien mais au japonisme plus qu’évident…

Si Van Gogh n’a jamais eu la chance de mettre les pieds au pays du Soleil Levant, pour lequel il vouait une passion sans borne, c’est le commerce de Siegfried Bing, un collectionneur près de la rue de Provence à Paris, qui l’a initié à l’art japonais et l’a transporté dans un Japon ancien, raffiné, où la nature domine. À la manière de Van Gogh, les estampes d’Hiroshige nous conduisent à notre tour en voyage et dans l’histoire.

Alors que l’exposition Hokusai est prolongée jusque début janvier au musée Guimet à Paris, on découvre l’art d’Hiroshige, l’autre maître de l’estampe, sur le trottoir de la Pinacothèque face à celui consacré à Van Gogh, au cours d’une exposition intitulée Utagawa Hiroshige, l’art du voyage.

Des dizaines de planches sont réunies là, paysages et scènes de vie d’un Japon aujourd’hui presque éteint peints sur les routes reliant l’ancienne Tokyo, Edo à Kyoto, celle du Nord baptisée Kisokaido et celle du Sud, Tokaido. Le foisonnement de ces oeuvres, dont la minutie, le détail, et la couleur sont absolument remarquables, invite à un voyage dans le temps en même temps qu’à un voyage intérieur. C’est d’ailleurs le véritable objectif de l’ukiyo-e, genre de peinture de l’époque d’Edo qui se traduit poétiquement par "images d’un monde flottant". Nos yeux se concentrent sur les cerisiers en fleurs, sur les voyageurs en chaussures de paille à changer chaque jour, sur les salons de thé traditionnels où faire une pause sur la route, sur ces cimes enveloppées de neige, sur ces visages un chignon noir et brillant tiré au sommet du crâne. On se concentre et on est alors transporté à l’autre bout du monde, dans un autre temps, force irrépressible de cet art méticuleux, passionné, enivrant. Le bleu de prusse, prédominant sur ces représentations à côté du vert, qui évoque la nature, reste en nous comme un souvenir latent qui nous évoque délicatesse et raffinement.

Après vous être baladé dans le Japon rêvé de Van Gogh et dans celui délicieusement désuet d’Hiroshige, faites un crochet par l’exposition gratuite du portraitiste Denis Rouvre, qui s’en est allé photographier les visages si expressifs des rescapés du tsunami de mars 2011. Sur fond noir émergent ces hommes et ces femmes aux destins brisés qui semblent tout de même croire en la vie. Leurs yeux, mêlés de souffrance et de soulagement en disent long et dans la pénombre de cette petite enfilade de salles, on revit la terrible catastrophe du Japon d’aujourd’hui aux côtés de ses habitants abimés. Un travail humaniste plein de grâce qui nous ramène gentiment à la réalité après notre rêverie ouatée dans l’époque d’Hiroshige…

La Pinacothèque de Paris
8 rue Vignon
75009 Paris
Tarifs : billet couplé Van Gogh - Hiroshige, 17 €