Impressions au fil des kilomètres de la RN7

Vécu et approuvé

Par Martine Leclercq

Posté le 14 novembre 2011

De Tana à Tuléar, la Route Nationale 7 file vers le Sud de Madagascar sur près de 1000 kilomètres. Des hauts plateaux jusqu’à la mer, petite bafouille qui nous est envoyée en direct du bitume le plus couru de l’île rouge.


La RN 7. Comme la nôtre en France, c’est aussi celle du soleil... Mais en pire au point de vue chaleur ! Nous en avons un peu souffert car celà frisait les 35-40°C, la nuit n’apportant pas la fraicheur tant attendue .

Les paysages rencontrés expliquent en grande partie les couleurs du drapeau national malgache :

- rouge : la latérite donne cette couleur aux montagnes, aux villages, aux maisons en torchis ou en briques.
- vert : la forêt tropicale, dense, les arbres du voyageur, tamariniers, accacias et des centaines de plantes endémiques, médicinales, qui font la richesse du pays. Hélas, la pratique du brûlis pour théoriquement agrandir les pâturages des zébus menace ce patrimoine vert et nous sommes désolés et attristés devant l’ampleur de la déforestation. Vert fluo aussi en ce moment les magnifiques rizières des Hautes Terres du centre, c’est l’époque du repiquage du riz et l’ensemble est chatoyant mais quel boulot de titan, ces femmes courbées toute la journée dans l’eau et les hommes pataugeant dans la boue pour préparer les terrains. La vision de tous les champs labourés à la main nous impressionnent, ce sont des bosseurs, pas de doute possible, chapeau bas.
- blanc : le riz , nourriture principale et hélas souvent unique d’une population de plus en plus nombreuse et pauvre. Le riz de qualité est exporté et on importe du riz moins riche, on peut se poser des questions , non ? Blanches aussi les plages de sable de l’Océan Indien trop tourmentées pour la baignade, plus calmes côté canal du Mozambique car protégées par une barrière de corail.

Les villes n’ont dans l’ensemble pas beaucoup d’intérêt. Antsirabe est la Vichy malgache , l’hôtel et les thermes en décrépitude donnent une idée de ce qu’était le site au temps des colonies car ne nous y trompons pas, toute magnifiscence a cessé depuis l’indépendance de 1960. Manakar, idem, les restes des magnifiques maisons coloniales de bord de mer font peine à voir. Fianar est un peu épargnée grâce à l’action de préservation du patrimoine d’un magnat local. Pour le reste, les villes concentrent la misère humaine et il y a plus de bidonvilles que de choses jolies. Pas d’expérience de pousse-pousse, nous ne pouvons nous faire à ce genre d’esclavage même si sur l’un d’entre eux il est écrit "quand je pousse, mes enfants mangent". A méditer.

Il faut considérer Mada et l’aimer pour sa nature : nous avons fait de très belles randonnées en forêt, dans le beau canyon de Rahonira, on s’est baigné dans des piscines naturelles au coeur des oasis entourés de palmiers. Les lémuriens chapardeurs nous ont fait craquer mais qui regarde l’autre ? Les caméléons et criquets sont hauts en couleurs de même que les innombrables oiseaux.

Autre expérience inoubliable, un voyage en train de 12h pour 170 kms !!! Eh oui, cette ligne relie Fianar à Manakar sur la côte est et est essentielle pour l’acheminement des denrées alimentaires (bananes, mangues, litchis...), le bois, etc ... A chaque gare, c’est la cohue des enfants qui crient "vazas, (les blancs) bonbons , stylos !" C’est la grande distribution. Puis les vendeurs affluent, vanille, épices, poivre vert, rouge, noir, paniers, colliers, beignets, poissons... Expérience cocasse : un rail ayant été signalé cassé, il a fallu défaire un rail en bon état sur lequel nous venions de passer, le charger sur la poussive locotive et arrivé au lieu dit, procéder au remplacement. Avec la SNCF malgache, tout est possible !

Ce qui m’a beaucoup frappée, c’est que partout les gens marchent, marchent, marchent. Evidemment, peu de moyens de transport à part le zébu et un peu de vélo. Donc il faut faire des dizaines de kilomètres pour aller chercher l’eau, la nourriture et pour les enfants aller à l’école. De partout et allant on ne sait où, ils avancent sur les routes de terre rouge avec leurs lourdes charges sur la tête. On se croit seul, on s’arrête pour prendre une photo et surgissent alors une douzaine de gamins : "bonjour Vazas !" Je me résouds à ne jamais m’arrêter faire pipi derrière un buisson, pas d’intimité dans ce pays, c’est certain !

La pauvreté du pays est un débat sans fin et sans solutions. La considération de la femme est sans doute au centre de tout, le nombre d’enfants - 6-8 par famille - peut-il donner un espoir de vie meilleure ? Sûrement pas. Voilà la constatation triste. D’un sens, on ne peut porter aucun jugement car nous raisonnons avec nos valeurs et c’est difficile de ne pas en tenir compte.

Voilà pour ces quelques impressions à chaud au fil des paysages et des rencontres de la RN7, décors qui soulèvent sans mal quelques réflexions sur cette magnifique île qu’est Madagascar et quelques remises en cause de notre propre quotidien...