Rencontres chamaniques et séjour chez les Tsaatans

Vécu et approuvé

Par Sophie Squillace

Posté le 3 avril 2018

Aux confins de la Sibérie, dans la taïga de l’extrême Nord de la Mongolie, on vous emmène vivre une expérience hors du commun. Au programme : initiation au chamanisme et rencontre avec les Tsaatans, les « éleveurs de rennes ».


Nous quittons le lac Khövsgöl, et prenons la route pour rejoindre un autre lac, plus petit et encore plus sauvage : le Tsagaan Nuur, en terre Tsaatan. Ce soir, nous installons notre campement au bord du lac, près du village éponyme, pour y rester plusieurs jours. Pour découvrir le chamanisme mongol, notre guide local nous a organisé plusieurs rencontres avec des chamanes reconnus dans tout le pays. Ces médecins d’un autre genre jouent un grand rôle dans la société mongole.

Aussi étonnant que cela puisse paraitre, beaucoup sont installés dans des immeubles de la capitale où les cérémonies ont beaucoup de succès ! Mais pour utiliser au mieux les forces et les énergies de la nature, rien de mieux qu’être ici, dans une des régions les plus isolées et sauvages de Mongolie, entre lacs et montagnes. C’est ici que sont originaires les meilleurs chamanes traditionnels.

On ne connaissait pas grand-chose au chamanisme avant d’arriver en Mongolie. Petit à petit, nous comprenons que le chaman est comme un guide, un messager. Il est là pour faire le lien entre le monde des hommes et le monde des esprits. Lors de la cérémonie, il entre en transe grâce au son du tambour.

Le moment est venu de parler aux esprits, de les inviter parmi nous et de les interroger. Le chaman nous aide ainsi à trouver les réponses que nous cherchons. Malheureusement, nos problèmes ne se sont pas envolés lors de cette première initiation. Nous n’avons ni tremblés, ni pleurés ni ressentis d’apaisement. Toutefois, ces cérémonies éveillent en nous beaucoup de curiosité. Nous sommes captivés par ce rituel ancestral, et échangeons autant que possible avec les chamans et leurs assistants pour tenter de comprendre leur histoire, leurs traditions et leurs croyances.

La journée, nous partons nous balader, le plus souvent à pied, au bord du lac, et rapidement, nous rencontrons les Tsaatans qui peuplent la région. Nous quittons alors notre campement pour partir séjourner en immersion chez eux quelques jours. Cette communauté minoritaire d’origine turque, vit dans l’extrême Nord de la province du Khövsgöl, au cœur de la taïga. Ils n’habitent pas dans des yourtes comme les autres nomades, mais dans des tipis recouverts de peaux de rennes ressemblant à ceux des indiens d’Amérique.

Tsaatan signifie « ceux qui vivent avec les rennes ». Ces animaux sont leur seule ressource, pour la nourriture, les peaux utilisées pour les vêtements et l’habitat. Ils constituent en outre une monnaie d’échange. Les Tsaatans sont souvent en transhumance et migrent en fonction des saisons pour offrir de nouveaux pâturages à leurs bêtes. D’autres se sont progressivement sédentarisés dans le village de Tsagaan Nurr près du lac ou nous étions installées en début de voyage.

Dans notre famille d’accueil, le patriarche nous explique que les enfants ne sont pas là en ce moment car ils sont à l’internat du village. Même si les enfants sont scolarisés à Tsagaan Nuur, le mode de vie des familles Tsaatan n’a pas changé depuis la nuit des temps. Ils sont un des derniers peuples nomades à vivre en marge du monde. Seulement une quarantaine de familles vit toujours dans la taïga, totalisant à peine plus de 200 âmes. Le tourisme qui se développe chaque année d’avantage pendant les mois d’été tend à conserver et maintenir ces traditions, tout en apportant aux Tsaatans un revenu complémentaire, notamment grâce à l’artisanat et au séjour dans leur campement.

Nous n’en revenons pas d’être ici, au bout du monde, et de côtoyer ce peuple accueillant et hospitalier. Nous sommes tout de suite frappés par l’attachement et l’amour des Tsaatans pour leurs rennes. Leurs bêtes sont sacrées, vénérées. On recommencerait presque à croire au père noël, on l’imagine débarquer à tout moment près de notre campement. L’après-midi, ils nous apprennent à traire les rennes et à les monter. Nous préparons les repas ensemble et participons aux tâches quotidiennes, dont celle de ramener du bois car les soirées sont plutôt fraiches.

Grâce à notre guide local devenu traducteur pour l’occasion, chaque soir, nous échangeons avec les familles autour d’un thé salé. Nous parlons aussi bien de leur mode de vie que du notre, car leurs questions sont nombreuses et leur curiosité immense.

Le dernier soir, notre initiation au chamanisme se poursuit, et nous avons la chance de rencontrer le chef spirituel du groupe. Devant ce personnage mystérieux, hautement intimidant, par sa tenue et sa présence, on découvre finalement un grand sage au regard doux et apaisant. Sous le tipi, nous faisons des offrandes au feu et à la terre avant que la cérémonie ne commence et que le son du tambour ne résonne dans la taïga. Cette nuit-là, nous sommes envahis par un sentiment mêlé d’humilité et d’admiration pour les Tsaatans. Ils nous ont transmis un peu de sagesse et beaucoup de souvenirs à ramener dans nos bagages…