Le dernier voyage de Michel Renaud

News

Par Laure Croiset

Posté le 8 janvier 2015

Tué dans l’attentat qui a frappé en plein cœur la rédaction du journal satirique "Charlie Hebdo", Michel Renaud était de la trempe de ces étonnants voyageurs qui sillonnaient le monde dans un esprit de tolérance et d’ouverture.


Nous sommes tous Charlie. Parce que douze citoyens du monde ont péri ce mercredi 7 janvier 2015 et que parmi eux, nos pensées se tournent naturellement vers Michel Renaud. Journaliste de formation, il exerça sa profession à Europe 1 et Le Figaro avant de devenir un insatiable voyageur et de créer en l’an 2000 le Festival Rendez-vous du Carnet de voyage à Clermont-Ferrand, devenu un rendez-vous incontournable pour les grands artistes baroudeurs.

Cet Auvergnat a arpenté les routes du monde avec cette soif de découvertes et de rencontres de l’autre. "Il appréciait bien sûr les paysages mais l’important pour lui était de discuter avec les habitants, d’apprendre d’eux. Il aimait aller dans les coins du monde où peu de gens vont, y compris dans les pays dits à risque, en espérant faire tomber les préjugés. C’était un brasseur d’idées, notre maître à penser, un ami très cher", témoigne l’alpiniste Jean-Pierre Frachon, interrogé par La Croix.

En 2010, deux jours après avoir pris sa retraite de son poste de directeur de communication à la mairie socialiste de Clermont-Ferrand, il prend sa valise, accompagné de sa femme et de leur fille de 8 ans, direction l’Asie Centrale. Il y resta un an, délectant ses amis clermontois de ses esquisses de voyages. Derrière le nom de son association Il faut aller voir, se cachait un emprunt à l’écrivaine, photographe et voyageuse suisse Ella Maillard qui aimait à répéter : "Lire, lire, lire, ça ne vaut rien, il faut aller voir."

Les pieds bien ancrés dans sa région mais la tête ailleurs, Michel Renaud était allé voir Cabu ce mercredi noir. Répondant à l’invitation de ce dernier, qui fut lui-même l’invité d’honneur de son dernier rendez-vous, il devait déjeuner avec Cabu et sa femme afin d’évoquer l’avenir de son Festival. "On va faire quelque chose ensemble pour la prochaine édition", lui avait soufflé l’illustre dessinateur du journal satirique. Malheureusement, Cabu n’a pas eu le temps de tenir cette belle promesse. Michel Renaud était venu lui remettre ses dessins exposés en novembre dernier, accompagné d’un autre Clermontois, Gérard Gaillard, qui a échappé par miracle à ces balles tragiques. Cabu et Michel Renaud n’ont pas eu cette chance. L’un avait 76 ans, l’autre 69.

Au lendemain de sa mort, les carnettistes de voyages ont salué la mémoire de cet homme définitivement "tourné vers les autres". "Je suis atterré, mourir pour des dessins, c’est impensable… J’ai essayé de faire quelque chose pour Michel, impossible, désolé", a déploré le dessinateur marseillais Joël Alessandra qui a publié un dessin en hommage à Michel Renaud dans les colonnes du Républicain d’Uzés.