"Marley", le coeur battant de Trench Town

Culture

Par Laetitia Santos

Posté le 18 juin 2012

Plongée en musique dans l’intimité de la superstar Bob Marley et de sa Jamaïque natale par la caméra soignée de Kevin Macdonald, réalisateur du Dernier roi d’Écosse.


L’histoire débute dans la verte campagne jamaïcaine de Saint Ann, grandit dans les ruelles insalubres de Trench Town à Kingston et grapille petit à petit la planète toute entière, de Londres à l’Ethiopie en passant par les Etats-Unis et le Zimbabwe. L’histoire est enfumée, passionnée, rythmée par des riffs de ska qui vont se transformer en riffs de reggae, elle mêle amour et violences brutes, grandeur et tragédie… Cette histoire n’est autre que celle de Robert Nesta Marley alias Bob Marley, figure vénérée du mouvement rastafari et plus gros vendeur de disques de toute l’histoire du reggae. Vu et archi-revu vous vous dites ? C’était sans compter le traitement sobre mais puissant qui caractérise chacun des films du réalisateur et documentariste écossais Kevin Macdonald et magnifie l’humanité de la légende Bob Marley.

"One good thing about music, when it hits you feel no pain"

Le cinéaste mêle images d’archives, plans contemporains captés dans le décor jamaïcain où Marley a passé ses jeunes années et forgé son identité, témoignages de ses proches, de sa mère à ses enfants Ziggy et Cedella, en passant par ses alter ego des Wailers, Rita, sa première femme, et les nombreuses autres qui lui auront donné 11 descendants au total, le tout sur une bande-son mythique qui brasse bon nombre de ses classiques.

A travers l’écran transpire le culte voué par Macdonald à cet homme passionné de musique et de foot mais jamais le réal ne tombe dans un portrait manichéen, abordant sans détour et sans jugement les aspects plus rugueux de la personnalité et du quotidien de Marley : le regret de ses enfants de n’avoir jamais eu leur père pour eux seuls, la souffrance de Rita qui a dû accepter sans broncher les autres conquêtes, la parole de la femme trop peu considérée dans la culture rastafari, sa fumette constante de ganja pour se rapprocher du Jah, une vie en communauté surprenante au 56 Hope Road...

"Let’s get together and feel allright..."

Pour autant, Bob Marley s’est toujours battu pour l’unicité. Il chante one love de toutes ses forces, en appel à gommer les différences entre Black, Blanc, Asiat, défend la paix, l’amour, la Jamaïque, à qui il a offert une renommée inestimée. Jamais un mot ou une attitude plus haute que l’autre, pas même après la tentative d’assassinat par balles intentée contre lui en 76 parce qu’il se refusait à prendre position en faveur du LPD ou du PNP, les deux partis qui s’opposaient alors violemment dans le pays. Flottant comme au-dessus des divergences humaines, il parvient même en un puissant geste symbolique à faire se serrer la main aux deux ennemis politiques Michael Manlay et Edward Seaga lors du One Love concert de 1978 à Kingston. Un cancer généralisé l’emporte pourtant à l’âge de 36 ans, nous rappelant bien sombrement que Robert Nesta Marley n’était qu’un simple homme, mieux, un homme simple porté par sa passion pour la musique et l’amour d’autrui qui en ont fait un grand homme passé à la postérité.

Une pellicule à s’offrir sans tarder pour se gorger de nobles valeurs humaines, se balancer du bon son dans les oreilles et partir en voyage sur un bout de terre jamaïcaine. Et se rappeler de ne jamais abandonner le combat.