Exposition : Le Quai Branly version malagasy !

Culture

Par Laetitia Santos

Posté le 18 septembre 2018

Vous connaissez, vous, ce qui se fait dans l’art malgache ? Non ? Mais peut-être connaissez-vous quelqu’un autour de vous qui s’en est fait une spécialité ? Non plus ? On ne parle pas là d’artisanat, dont tout voyageur ayant foulé la Grande Île a pu profiter tant il est riche et se retrouve partout à Mada, que ce soit celui du bois, de la vannerie, de la marqueterie, du fer martelé… Mais il faut se rendre à l’évidence : l’art malgache est des plus méconnus et on tire une fois de plus notre chapeau au musée du Quai Branly pour porter une exposition dont personne n’aurait eu l’initiative sinon. « Madagascar, Arts de la Grande Île », plein feu sur une culture et des merveilles, bien trop longtemps restées cachées…


C’est aujourd’hui 18 septembre que s’ouvre au Quai Branly, le spécialiste des arts et civilisations des Amériques, d’Afrique, d’Asie et d’Océanie, une grande exposition dédiée à Madagascar, l’île-continent, carrefour de bien des cultures en plein océan Indien. Et pourtant, depuis l’exposition du Musée de l’Homme en 1946, les arts et les cultures de Madagascar n’ont été valorisés nulle part ailleurs comme il se doit dans l’Hexagone. Triste constat…

Madagascar à la vie...

C’est donc bien décidé à en profiter pleinement que l’on se lance à la découverte de l’exposition, qui s’ouvre par 18 photographies signées Pierrot Men, sans doute le plus célèbre humaniste de l’île. Le plus talentueux aussi. Le photographe possède un incroyable don pour la lumière et la mise en valeur du quotidien malgache. Allée des Baobabs à Morondava, pêcheurs et leurs filets, commémoration de l’indépendance, construction de briques pour subsister dans les Hauts-Plateaux de Tana… Le voyage démarre en beauté et avec sensibilité.

S’en suivent les influences venues de toutes parts, swahili, musulmanes, chinoises, indiennes… Une série d’objets anciens nous invitent à en saisir l’éclectisme. Les Européens eux, ne débarquent qu’à partir de 1500. Et si le 19ème est dédié à la constitution d’un véritable royaume malgache, le 20ème siècle lui, démantèlera tout ça au profit de la colonisation par les Français. Les influences culturelles de Madagascar sont donc nombreuses, à l’image de sa diversité de faune et de flore, composée de multiples espèces endémiques et uniques à la surface du globe.

Une fois saisies les différentes facettes de cette île caméléon, cap sur la deuxième section de l’exposition consacrée aux arts du vivant et au quotidien. Têtes de lit finement sculptées, cuillères elles aussi divinement travaillées, boîtes tressées, parures traditionnelles tissées en soie d’araignée, portes et volets sublimés de l’architecture zafimaniry, cithare valiha très élégante, véritable symbole unificateur ayant la particularité d’être un cylindre de bambou peint sur lequel on vient tendre des cordes… Assurément, la création malgache est d’une exécution non seulement fine mais riche de ses motifs et de l’épure de ses formes.

On découvre aussi avec surprise l’existence d’une école des Beaux-Arts à Antananarivo, dont a émergé de nombreuses peintures mais aussi des sculptures superbes fortement inspirées du style européen à l’image de cette maternité aux traits magnifiques portant un enfant sur son dos, signée Anna Quinquaud.

Madagascar à la mort...

Et puisque tout est toujours très lié à la mort à Madagascar, et au monde des ancêtres notamment, pas étonnant que la dernière section de l’exposition lui rende hommage. À l’image de cette salle dédiée au lamba, ces immenses pagnes couvrant la taille et le buste des hommes comme des femmes, tout en servant aussi de linceul pour le corps des défunts.

Le sacré est partout à Mada, jusque dans le moindre objet de la vie courante : amulettes, perles protectrices, bijoux d’ornement pour les cheveux ou les oreilles, fandila ou plats rituels pour le sacrifice… Les tombeaux également sont primordiaux dans la culture car leur ornementation permet de rendre hommage comme il se doit aux ancêtres. Les aloalos ou poteaux funéraires sont ainsi sculptés de façon si stupéfiante qu’ils constituent un art spécifique à eux seuls. On adore ceux représentant de grands échassiers, et les autres ornés de cornes de bétail, d’une figure de fécondité, d’un crocodile… Ceux détournés et colorés de l’artiste Jean-Jacques Efiaimbelo ont fait de lui une figure incontournable de l’art contemporain actuel où les Malgaches sont encore trop peu représentés. On notera avec délice la tisserande Madame Zo ou encore le plasticien Temandrota.

On salue donc cette exposition qui sublime une île à aimer profondément, à soutenir bien davantage au travers notamment de la valorisation de sa culture et de sa civilisation car son art vaut une attention à part entière et n’est pas un "sous-produit de l’art africain ou sous-produit de l’art asiatique" comme longtemps pensé. Résonne pourtant en nous au moment de la visite, la question soulevée ces jours-ci à propos de la restitution des oeuvres spoliées au temps des colonies à leur pays d’origine... Car s’il est bien de valoriser en France les arts malgaches, ne vaudrait-il pas mieux que les Malgaches valorisent eux-mêmes leurs oeuvres d’art ?


POUR COMPLÉTER VOTRE VISITE :

- Exposition "TsangaTsangana" à la librairie du Quai Branly du 14 Septembre au 31 décembre 2018 par l’artiste et carnettiste Stéphanie Ledoux. Interview et sublimes photos backstage de cette série de portraits autour de Madagascar à retrouver juste ici.

- L’interview fleuve du photographe Pierrot Men, concentré d’humanisme et de talent qui rend hommage au quotidien malgache à nul autre pareil.