Seydou Keïta se fait tirer le portrait au Grand Palais

Culture

Par Laetitia Santos

Posté le 16 juin 2016

Seydou Keïta. Il est sans aucun doute le plus grand portraitiste africain du XXe siècle et le premier photographe du continent noir à être exposé au Grand Palais. Une exposition de près de 200 tirages, intense car elle nous plonge en plein Bamako dès années 50 et nous fait toiser mille visages de l’époque droit dans les yeux. Figures puissantes, intensité des contrastes black & white, beauté des tissus africains aux motifs chargés… Voyage au cœur du studio photo de Bamako et de la vie de Seydou Keïta.


Il est Malien, né à Bamako en 1921, et photographe autodidacte pour le moins prolifique. En 1948, il ouvre son studio photo chez lui, à Bamako, où viendra se faire photographier toute la jeunesse urbaine notamment, et même des voyageurs de toute l’Afrique de l’Ouest arrivant par la gare toute proche. Les atouts qui ont fait son succès ? Sens de la mise en scène, de la pose, qualité des tirages et accessoires en pagaille mis à disposition des modèles. La société malienne est à l’aube de son indépendance et tend à s’affirmer. Keïta permet d’y contribuer.

Une fois passé l’imposant sas d’entrée habillé de wax coloré, sorte de frontière symbolique qui nous fait pénétrer sur le continent africain, place au noir et blanc ultra puissant et aux tirages grands formats qui magnifient chaque visage. La juxtaposition de toutes ces trombines dresse un étonnant tableau du Mali du milieu du XXème siècle, moderne à souhait, plein de vie, d’audace. Pas de titre pour la plupart de ces photographies puisque Keïta tire le portrait de tous ceux qui poussent la porte de son studio sans les connaître : "Il y avait beaucoup d’animation autour de mon studio, il y avait tout le temps du monde, c’était un lieu de rendez-vous et de palabre ; je travaillais tout le temps" dira-t-il. C’est ainsi que l’homme a constitué un fonds photos d’une richesse rare.

Une seule prise lui suffisait pour sortir le meilleur de son modèle et le développement, il s’en chargeait. D’un dessus de lit, il en fait une toile de fond. Et avec simplicité, photographie tous ceux qui se présentent à lui et ce jusqu’à 40 portraits par jour au plus fort de sa gloire !

Chacun retiendra un portrait en particulier, un regard, une posture, mais tous nous retiendrons celui de Seydou Keïta, dressé grâce à cette rétrospective où la beauté de l’argentique intemporel sublime l’essence de ces âmes, captée avec brio et justesse sur négatifs.