La méharée de la route du sel

Vécu et approuvé

Par Jérémie Bonamant Teboul

Posté le 28 janvier 2020

Nous sommes en Mauritanie, aux confins du Maghreb. Où le Sahara rencontre l’Atlantique. L’eau contre la sécheresse. Existe-t-il contraste plus saisissant? Pays des Maures, d’où elle tire son nom, ce pays évoque avant tout le désert de sable et son immensité. Mais quelle audace de parler du désert. Le meilleur cadeau qu’un poète pourrait lui faire, serait de se taire, comme lui.


UN RÉCIT DE VOYAGE DE JEREMIE BONAMANT TEBOUL À DÉCOUVRIR AVEC D’AUTRES CARNETS DE VOYAGE DÉPAYSANTS DU NUMERO 39 DE LA REVUE BOUTS DU MONDE EN VENTE ICI.

Lui « rendre hommage non par de vains bavardages, mais par notre silence », les mots de Théodore Monod résonnent. Le carnet de croquis prend alors tout son sens. Discret et sincère, il m’a accompagné tout le long de cette découverte sensible du monde du désert. D’abord inspiré par l’agitation de la capitale, puis par le souffle du vent à travers les dunes, le dessin m’a ensuite permis de le glisser dans l’intimité des khaïmas, tentes traditionnelles, et de partager quelques bribes de nomadisme avec ce peuple si fier et singulier (...).

Partant de l’idée de suivre la route du sel, nous voulons partager le quotidien des hommes et des femmes du désert. De la révolte depuis les mines côtiers de Nouakchott, du troc à la vente sur les marchés jusqu’à son acheminement aux campements nomades à dos de dromadaire, nous goûterons à l’essence de cette épice et de ce peuple unique (...).

L’Adrar nous apparaît alors ce sera notre terrain de jeu pendant trois semaines. Il s’agit d’un immense plateau rocheux calciné par le soleil, parsemé d’ourses aux sables blanches, de palmeraies verdoyantes, et de canyons abrupts. Ces majestueux boulevards de sable dominés par deux imposantes falaises de grès sombre nous rappellent que l’eau coulait ici il y a plus de six mille ans (...).

À la découverte de ces vastes étendues, nous avons aussi rencontré un nouveau partenaire de voyage... le vent. Il accompagne le bruit sourd et étouffé de nos pas, doux contact velours du tapis de sable fin. Il est omniprésent, sculpte et façonne le paysage, dunes comme montagnes, selon sa propre volonté (...).

À l’endroit où la surface du sol apparaissait calme et plate, la voilà qui ondule, se ride, se strie, s’agite, s’aiguise. Les crêtes deviennent frontières, posent les limites entre l’ombre et la lumière. Quant aux empreintes de mes pas, le vent se charge d’en effacer la trace. La place de l’homme n’est pas ici. C’est vrai qu’il n’y a pas âme qui vive.

Une simple immensité désertique, aussi fascinante qu’hostile. Même au sein d’une méharée, les longues heures de marche nous mettent face à nous-mêmes. Le corps est mis à rude épreuve, mais la marche, par sa lenteur, permet une disponibilité d’esprit, celui-ci se met alors à naviguer entre rêverie et introspection.

Le déplacement à pied, mode privilégié de relation au monde, offre une grande acuité du regard porté sur la nature et une disponibilité précieuse aux autres et à nous-mêmes. Au cœur des dunes, les uns sont à quelques mètres quand les autres semblent à une éternité (...)

On se purifie dans cette étendue superbe qui nous renvoie à nos propres questionnements, à la conscience de la fragilité de l’existence humaine. Synonyme de stérilité, de dépeuplement, d’absence, le désert nous rapproche de l’essentiel. La marche dans le désert est comparable à un pèlerinage vers nos sources, nos racines.

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