"Les jours de Tarap" où le règne économique du yarsagumba

Culture

Par Laetitia Santos

Posté le 27 septembre 2012

Une immersion dans cette vallée reculée du Népal où la cueillette du yarsagumba, un champignon très prisé des Chinois et vendu à prix d’or, a modifié en profondeur la communauté Tarap-pa.


Hervé Tiberghien est un photographe et réalisateur de l’extrême et lorsqu’il découvre l’étude ethnographique publiée en 1974 par Corneille Jest, "Tarap, une vallée d’Himalaya", il décide d’aller vérifier les prédictions de son auteur à savoir la disparition de l’homme du Dolpo en deux générations seulement.

L'Himalaya et le Yarsagumba

Le Dolpo. Une vallée au coeur de l’Himalaya à plus de 4000 m d’altitude. Des conditions de vie et de froid extrêmes. Un peuple de culture tibétaine encore généreusement préservé. Mais pour combien de temps ? Car sur ces terres isolées pousse un champignon très recherché, le yarsagumba, mi-insecte mi-végétal puisqu’il s’agit d’un champignon ayant infecté une chenille pour se nourrir. Cette pousse, qui sort de terre à la fonte des neiges, est une véritable manne financière et se vend à prix d’or à la frontière chinoise. On lui prête en effet des vertus médicinales exceptionnelles en plus d’un sobriquet qui en dit long sur ses propriétés, le viagra de l’Himalaya.

Cet été, la pièce se vendait entre 10 et 15 € et les bons cueilleurs peuvent en récolter jusqu’à 500 pièces par saison. Faites le calcul et imaginez un peu le fossé entre un cueilleur avec un pactole pareil et un paysan tarap-pa… Alors forcément, le monde moderne parvient là aussi à s’immiscer petit à petit : hélicos, vêtements techniques, babioles made in china, téléphones portables… Ce genre d’anachronismes commence à devenir légion dans la région. Et c’est tout le peuple tarap-pa qui s’en trouve menacé : la surexploitation du yarsagumba bouleverse l’équilibre de la nature, l’argent vient pervertir une culture qui ne vivait que d’échanges de grains et de sel il y a encore quelques années à peine, les jeunes, attirés par la modernité, en viennent à quitter la vallée… La prédiction de Corneille Jest serait-elle en train de se réaliser sous nos yeux ? Possible.

Fort heureusement, un espoir brille dans la vallée : les jeunes tarap-pa éduqués grâce à l’association Action Dolpo et à l’école Crystal Mountain School, fondées par la française Marie-Claire Gentric, une amoureuse de la région. Cette jeune génération revient à ses racines pour tenter de faire prendre conscience à leurs familles que les Chinois provoquent leur perte à petit feu en les occidentalisant et les faisant boire. La boisson est en effet devenu un véritable problème dans la vallée et Action Dolpo mène aussi quelques actions de sensibilisation sur le sujet pour que l’histoire ne se termine pas façon Indiens d’Amérique écrasés par les Etats-Unis à grande dose d’alcool distribué gratuitement.

Une jolie métaphore à propos de ces jeunes adultes garants de la survie des Tarap-pa est expliquée dans la pellicule : si l’on présente à un affamé beaucoup de nourriture mais que celle-ci est mauvaise, il voudra quand même y goûter et la faim le poussera à se jeter dessus. Par contre, si on l’amène en cuisine, qu’on lui montre les conditions crasseuses dans lesquelles ont été réalisés ces plats et à quel point ils sont mauvais, alors l’affamé prendra conscience qu’il ne peut manger ce qu’il a sous les yeux malgré que cette nourriture est attirante. Il aura appris à s’en détacher. L’éducation permet cette prise de conscience et ce détachement par rapport au modernisme qui, s’il a plein de bons côtés pour améliorer le quotidien, est aussi on ne peut plus destructeur pour les différentes peuplades ancestrales et la diversité culturelle de l’humanité.

Où et quand voir le film "Les jours de Tarap", soutenu par l’agence Allibert Trekking ?

- Mardi 2 octobre 2012 à Strasbourg
- Mercredi 3 octobre 2012 à Bruxelles
- Jeudi 4 octobre 2012 à Paris
- Lundi 8 octobre 2012 à Toulouse
- Mardi 9 octobre à Nantes
- Jeudi 8 novembre 2012 à Lyon
- Vendredi 9 novembre 2012 à Annecy

Egalement visible au Grand Bivouac, entrée payante, le dimanche 28 octobre 2012 à 10 h 15