Objets, images et paroles de la culture kanak au musée du Quai Branly

Culture

Par Cécile Le Maitre

Posté le 4 novembre 2013

Du 15 octobre au 26 janvier, le musée du Quai Branly vous emmène à la découverte de la culture traditionnelle et contemporaine kanak, terme qui désigne les populations autochtones de Nouvelle-Calédonie. Comme souvent au Quai Branly, il ne s’agit pas seulement d’une exposition mais aussi d’évènements et d’animations qui mettent en valeur une culture bien vivante : initiation à la langue, à la danse ou aux chants kanak, visites contées, concerts, spectacles, conférences…


À l’origine, la Nouvelle-Calédonie était peuplée de Mélanésiens, on les appelle désormais Kanak. S’il est aujourd’hui un vecteur identitaire pour le peuple autochtone de Nouvelle-Calédonie, le terme a longtemps été utilisé de manière péjorative par les Occidentaux et plus particulièrement les Français. Les Kanak sont désormais minoritaires au sein de la population néo-calédonienne mais leurs revendications politiques et culturelles, portées dans les années 80 par un mouvement indépendantiste, ont amené le gouvernement français à engager un processus d’émancipation pour la Nouvelle-Calédonie. Les Néo-Calédoniens devront se prononcer, par le biais d’un référendum d’auto-détermination prévu entre 2014 et 2018, sur l’indépendance du territoire vis-à-vis de la France.

C’est dans ce contexte que le Quai Branly vous propose d’aller à la rencontre du peuple Kanak et de son patrimoine culturel, vous épargnant ainsi un voyage de 40.000 km aller/retour bien que le risque que l’envie vous prenne d’acheter un billet d’avion pour la Nouvelle-Calédonie en sortant de l’exposition ne soit pas exclu.

Bienvenue dans la Grande case kanak

Dès la première salle de l’exposition, on pénètre, au son d’une flûte traditionnelle, dans l’univers des croyances et des coutumes traditionnelles kanak. Représentés sur de grandes appliques de bois sculpté, qui ornaient autrefois la porte de la Grande case de chaque clan kanak, les défunts veillent sur l’entrée des visiteurs.

La suite de l’exposition s’articule autour des éléments fondamentaux de la culture kanak, et de la perception de celle-ci par l’Occident. Les différents objets exposés illustrent l’organisation et les coutumes de la société kanak. Ainsi, les coiffes, haches ostensoirs, monnaies de perles de coquillages et autres attributs des chefs, témoignent de l’importance de la figure du chef et de sa parole, qui unit les membres du groupe. La Grande case, de forme circulaire et construite autour d’un pilier central, symbole de l’ordre social kanak, est l’espace dans lequel le clan se rassemble autour du chef.

Parmi les objets de culte, les masques fantasmagoriques, faits de plumes, cheveux et bois de houp, utilisés pour rendre hommage aux ancêtres du lignage des chefs, ne laisseront pas indifférents !

Quand l’Occident a découvert le monde kanak

En parallèle, l’exposition retrace l’histoire de la colonisation de la Nouvelle-Calédonie et de la relation entre le peuple kanak et le colonisateur, en particulier la France.

C’est l’explorateur James Cook, qui en 1774, aborda le premier sur les côtes de l’île de Balade, baptisée ensuite Nouvelle-Calédonie. Cette découverte donna lieu à un inventaire scientifique des richesses naturelles de l’île, dotée de nombreuses espèces endémiques. De leur côté, les anthropologues de l’époque, qui s’évertuaient à classer les êtres humains, placèrent les Kanak au plus bas de l’échelle des civilisations. Et de christianiser ces peuples païens, qualifiés de sauvages par les occidentaux !

Parmi les missionnaires envoyés en Nouvelle-Calédonie, le pasteur Maurice Leenhardt, qui était préoccupé par le salut non seulement spirituel mais aussi matériel du peuple kanak, a aussi joué un rôle essentiel dans la connaissance et la compréhension du monde kanak. Ses ouvrages consacrés aux langues et à la culture kanak, publiés entre 1930 et 1937, restent encore aujourd’hui une référence, y compris pour les Kanak eux-mêmes.

Mais il faudra beaucoup de temps pour que change le regard posé par l’Occident sur ce peuple de l’autre bout du monde. Des documents, affiches, photos, discours, datant de l’exposition universelle de Paris de 1889 rappellent combien ce regard était humiliant.

La tradition orale du peuple kanak, vivante et créative

L’exposition s’achève avec un film documentaire montrant alternativement Jean-Marie Tjibaou, figure de proue du mouvement indépendantiste kanak, assassiné en 1989, et le poète kanak Paul Wamo, qui à travers des textes engagés, déclamés sous forme de slam, fait vivre la tradition orale de son peuple et lui apporte modernité. Le poète fait d’ailleurs partie des artistes néo-calédoniens invités par le Quai Branly pour mettre en valeur l’art vivant et la création contemporaine kanak. Il donnera deux représentations les 16 et 17 novembre prochains.

Pour une immersion en famille dans le monde kanak, et parce que la richesse de sa culture réside avant tout dans la parole, on vous recommande les visites contées de l’exposition ainsi que les ateliers d’initiation aux langues ou aux chants kanak. Une riche exploration culturelle en perspective pour les longs week-ends de novembre ou les vacances de Noël !