Voyage au bout de la terre chez les Tūhoe

Vécu et approuvé

Par Sophie Squillace

Posté le 2 mai 2016

Existe-t-il un endroit sur terre où les gens vivent en harmonie avec la nature et leur identité ? Lors d’un voyage en Nouvelle-Zélande, je découvre un peuple singulier, humble, anticonformiste et un territoire préservé, intact, merveilleusement sauvage !


Cette destination semble indissociable de l’écotourisme. Les premiers habitants de l’île, les Maoris, ont compris l’importance de tirer profit de l’attrait de leurs sites naturels tout en promouvant leur propre culture. Ici, on voyage autrement, toujours en s’imprégnant du patrimoine naturel et culturel de chaque lieu traversé.

La forêt millénaire du Te Urewera

Les guides de voyage vous conseilleront de partir au plus vite sur l’île du Sud pour admirer les plus beaux sites du pays. Dans le Sud, il y a des fjords, des glaciers, des montagnes dont le mont Cook (3724 m), et une densité de population encore plus faible que sur l’île du Nord. Mais « là-haut », on trouve également une diversité à couper le souffle, entre les lacs, les volcans, les plages spectaculaires, les sources d’eau chaude et surtout un métissage culturel plus important. La découverte de la région de Bay of Plenty, de Te Urewera jusqu’à East Cape, fait tomber toutes nos idées reçues sur l’île du Nord : le bout du monde et les paysages grandioses, c’est ici !

Nous pénétrons émerveillés dans la forêt brumeuse et mystique de Te Urewera. Cet endroit est comme un cadeau, surtout si vous arrivez de Rotorua. Cet immense territoire vierge et son grand lac Waikaremoana attirent les randonneurs, kayakistes, cavaliers et pêcheurs tout au long de l’année. Et on comprend aisément pourquoi. Magnifiquement dessinées, les baies et presqu’îles se dévoilent tout au long de la seule piste qui longe le lac. Grâce à l’efficace DOC (sorte d’ONF où l’on rêverait tous de travailler), plusieurs sites sont aménagés, souvent dans les plus beaux endroits : terrains de camping gratuits, campings plus familiaux avec cuisine, huttes ou refuges. La pluie nous pousse à passer la nuit dans une cabine face au lac. On se régalera d’avocats et d’asperges, que l’on trouve au bord de la route, en échange de quelques dollars à déposer dans des « honesty box ». Et on se délectera des traditionnelles patates douces, les kumara, qui fondent dans la bouche et nous font vraiment aimer ce pays. Autour d’une bonne bouteille de Chardonnay du domaine de Villa Maria, on rencontre une femme passionnante, très charismatique, une Française expatriée à Auckland depuis douze ans, tombée en amour pour ce pays. Elle nous raconte l’histoire de cet ancien parc national et de la tribu Maorie originaire d’ici.

Les gardiens de la nature

La tribu Tūhoe, surnommée « les enfants de la brume », se bagarre depuis plus de 150 ans avec la Couronne britannique au sujet de leur terre natale, de leurs forêts volées et de leurs racines coupées. En 2014, les négociations s’accélèrent et les Tūhoe obtiennent du gouvernement des excuses, la gouvernance du Parc National de Te Urewera, qui devient alors simplement Te Urewera, et reçoivent 170 millions de dollars néo-zélandais de dédommagements.

A Taneatua, les Tūhoe décident de créer un lieu communautaire pour rassembler les membres de la tribu, une sorte de salle communale qui symboliserait les valeurs qu’ils défendent depuis toujours de protection de la nature. Ce QG abriterait aussi le bureau des représentants de la tribu et conserverait les archives de leur histoire. Le projet est unique, exemplaire : la construction d’un des rares bâtiments dans le monde respectant la certification Living Building Challenge (LBC), la plus exigeante au monde pour les bâtiments et projets durables.

On part visiter avec impatience ce lieu étonnant à seulement 20Km de Ohope où nous avions passé la nuit. Nous explorons Te Kura Whare de long en large, admirons chaque recoin du bâtiment, les murs en brique, les fresques colorées qui se mêlent à merveille à la structure globale en bois et profitons d’un verre au Mou Mou Kai Café.

Pourquoi Te Kura Whare est-il si éco-friendly ?

Parce qu’il est vivant ! La réglementation très stricte LBC comprend sept domaines de performance (site, eau, énergie, santé, matériaux, équité et beauté). Le bâtiment doit produire autant d’énergie qu’il en consomme tout en s’intégrant de manière harmonieuse avec son environnement naturel.

Te Kura Whare est équipé de 352 panneaux solaires générant 12 500 kwh par an, de deux cuves de 25 000 litres d’eau de pluie récupérée, d’un système de pompe septique qui peut transformer 5 000 litres d’eaux usagées en eau potable. Tous les matériaux, du bois de construction aux briques, proviennent d’ici ou d’un rayon de moins de 100km. 70% du chantier a été réalisé par la tribu Tūhoe elle-même. Un potager bio, des arbres fruitiers, des plantes et des fleurs endémiques entourent le bâtiment. Le résultat est sous nos yeux, nous avons du mal à y croire, nous sommes face à une des constructions les plus éco-friendly de la planète. Outre toutes les prouesses environnementales et l’architecture parfaite, on ressent l’identité du lieu avec beaucoup d’émotion.

L’espoir d’une communauté forte

On repart totalement séduit par cette visite, aux portes de la forêt Te Urewera. De retour à Auckland, nous visionnons un documentaire sur l’histoire saisissante de ce projet, retraçant l’identité des Tūhoe et le lien si fort qui les unit à leur terre, représenté aujourd’hui par leur centre communautaire d’exception. Ever the Land est une leçon d’espoir, qui donne envie d’aller de l’avant, de penser l’avenir, de s’unir et de prôner fièrement notre identité. Et si celle-ci place la nature au cœur de la vie, alors les projets sincères ne peuvent que se réaliser avec succès. La preuve, les Tūhoe s’engagent dans la construction d’ici la fin de l’année d’un second Living Building, près du lac Waikaremoana, pour accueillir les visiteurs et les sensibiliser à leur démarche. Et pourquoi pas imaginer que les maisons individuelles maories deviennent toutes « vivantes » ?

Pour transformer votre expérience en Nouvelle-Zélande en « Living Travel Experience », débarrassez-vous de votre camping car ou de votre van et partez à pied sur les nombreux chemins de randonnée du pays gérés par le DOC.