Femmes rwandaises : un pouvoir hors du commun

Société

Par Elodie Mercier

Posté le 2 mars 2020

Alors que le continent africain pâtit trop souvent d’une image galvaudée, c’est bien un pays de la région subsaharienne qui nous montre l’exemple aujourd’hui. Le Rwanda s’affiche ainsi en tête de file de la parité avec un Parlement dont la proportion de femmes est la plus élevée au monde !


Enclavé dans l’Afrique des Grands Lacs, le Rwanda est malheureusement trop connu pour le génocide qu’il a subi en 1994. Aujourd’hui, il défie les idées reçues sur la marginalisation des femmes dans les pays en voie de développement. Zoom sur ce petit pays où les femmes ont repris le pouvoir.

De bonnes nouvelles pour les femmes africaines ?

La situation politique des femmes rwandaises n’a rien à envier aux pays dits « développés ». 47% des fonctions ministérielles et gouvernementales sont occupées par des femmes au Rwanda, contre 28% en moyenne dans les pays d’Europe et d’Amérique du Nord.

D’ailleurs, avec 61% de femmes au Parlement, le pays aux mille collines n’est pas un cas isolé en Afrique subsaharienne. D’après un rapport de l’ONG Equal Measures 2030, six des vingt premiers pays du monde en termes de proportion de femmes à la chambre basse du Parlement sont des pays du continent : le Sénégal, la Namibie, et l’Afrique du Sud par exemple enregistrent de très bons scores à cet indicateur.

Bien que cette donnée soit l’une des seules liées aux inégalités de genre qui obtiennent un bon résultat pour la région subsaharienne, on peut espérer qu’il soit de bon augure. En effet, le même rapport estime qu’un nombre élevé de femmes au pouvoir conduit à une baisse de la corruption, à la promulgation de loi en faveur du bien-être des femmes et des enfants et à une meilleure confiance dans les institutions démocratiques.

Ces bonnes nouvelles ne sauraient pour autant cacher d’autres inégalités que les femmes subissent de plein fouet, telles que les violences de leur conjoint, la mortalité maternelle ou un faible taux d’alphabétisation.

Une exception rwandaise

Le Rwanda fait figure de bon élève en Afrique subsaharienne. Avec le plus fort taux d’alphabétisation des jeunes filles de tout le continent et la moitié des diplômés d’universités qui sont des diplomÉ-E-S, la situation des femmes semble prometteuse.

En effet, une meilleure éducation favorise une plus forte participation en politique et aux prises de décisions de manière générale, conduisant ensuite à l’émancipation des femmes. L’éducation des jeunes filles rime aussi souvent avec un mariage plus tardif, un nombre d’enfants moindre et une meilleure santé de ceux-ci et de leur mère.

Depuis 2003, l’égalité femme-homme est même inscrite dans la Constitution rwandaise. Les femmes ne sont pas seulement surreprésentées au pouvoir politique, elles le sont également aux postes dirigeants de l’administration, de l’armée, de la police et des entreprises. Aussi, la législation progresse pour protéger leurs droits, par la pénalisation de la violence, la mise en place de congés maternité ou le droit à l’avortement notamment.

Ces bons indicateurs sont cependant à nuancer : un changement dans la loi ne traduit pas nécessairement un changement dans les mœurs. Un rapport de l’ONU de 2015 signale que 44% des rwandaises disent avoir vécu des agressions physiques et 37% disent avoir été insultées ou frappées par leur époux, rappelant qu’il reste bien du chemin à parcourir.

Le pouvoir au féminin : héritage d’une tragédie

Cette situation remarquable des femmes au Rwanda a une bien triste origine. Après le génocide de 1994 qui a fait plus de 800 000 morts, la population était majoritairement féminine. Tito Rutaremara, un sénateur ayant contribué à la rédaction de la loi fondamentale (équivalent de la Constitution) affirmait lui-même : « C’est une volonté politique qui correspondait aussi à la réalité du Rwanda. Au lendemain du génocide, les femmes représentaient près de 70 % de la population ».

Nombre de femmes se sont exilées au court de cet affrontement sanglant entre les Hutus et les Tutsis. Certaines ont vécu plusieurs années à l’étranger et ont étudié dans des universités ougandaises, canadiennes ou belges. Diplômées et majoritaires, elles ont grandement participé à la reconstruction du pays à leur retour.