Samdhong Rinpoche et la Charte de la Responsabilité Universelle

Éthique, et toc !

Par Laetitia Santos

Posté le 13 mars 2012

Hier au coeur de l’Agora de Voyageurs du Monde à Paris, Samdhong Rinpoche, ex-premier ministre tibétain en exil et compagnon proche du Dalaï-Lama est venu présenter un ambitieux projet qui s’écrit en ce moment même, la Charte de la Responsabilité Universelle. Un texte qui s’annonce magnifique et ambitieux puisqu’il cherche à magnifier la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 et à la surpasser. Rien que ça. Récit sage et plein d’espoir d’une rencontre avec un érudit des sciences de l’âme…


Trio exemplaire pour charte salutaire

19h45 au 55 rue Sainte Anne à Paris. Samdhong Rinpoche, blotti dans son ample robe safran, vient prendre place au centre de l’estrade dressée là spécialement pour lui. Il s’excuse du petit quart d’heure de retard. Autour de lui, Sofia Stril-Rever, traductrice régulière du Dalaï Lama, auteur spécialiste du Tibet en charge de la rédaction d’une première version de cette fameuse Charte de la Responsabilité Universelle, et Bob Thurman, écrivain américain, président de la Tibet House de New York, un des 100 hommes les plus influents au monde selon le Times et d’un point de vue people, papa de la célèbre actrice Uma Thurman. Tous trois sont venus présenter en avant-première le travail qui les occupe à plein temps à l’heure où la Chine n’en finit plus de commettre d’atroces exactions envers le peuple tibétain : un texte d’engagement basé sur la conviction que ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise. Un pied de nez pacifiste au gouvernement chinois dans la droite lignée de Gandhi et du Dalaï Lama.

Mais qu’est-ce donc que cette Charte de la Responsabilité Universelle ? On imagine sans mal qu’elle renferme tout un tas de belles idées théoriques mais peut-elle faire avancer notre monde d’un point de vue pratique ? Qu’apporterait-elle concrètement aux êtres vivants ? Quels espoirs pouvons-nous placer en elle ? Autant de questions que le sage Samdhong Rinpoche a élucidé de son discours calme, posé, plein d’une belle sagesse militante.

De la réflexion à l’action

Allez, on se laisse imprégner par la spiritualité de Rinpoche et on prend le temps de réfléchir à ses côtés. On pense à la situation du monde actuel, à la perception que nous en avons, aux critiques que l’on fait sans cesse de ce monde sans pour autant se bouger… La parole de Rinpoche ce soir-là, c’est peut-être une occasion de commencer à se remettre en cause...

Il commence par évoquer les trois dimensions qu’un homme peut percevoir de la réalité. La première est la réalité en tant que telle, la seconde artificielle, créée par nos émotions tandis que la dernière est une réalité perçue de manière erronée.

Dans l’état réel des choses, tout est interdépendant, tout est harmonie. Il y existe un certain degré de violence mais il s’agit d’une violence nécessaire, naturelle, et non pas rajoutée. Dans le règne animal par exemple, les carnivores se nourrissent d’autres être vivants pour survivre mais ils ne mangent que ce qui leur est nécessaire, ils ne tuent pas plus qu’ils n’ont besoin. Tout coexiste donc harmonieusement, sans opposition.

Mais dès que l’on bascule dans les deux autres réalités, dès que l’on laisse des émotions ou des perceptions fausses nous guider, des désharmonies se créent et l’on devient alors capable de nuire. Arrive le désordre… Seulement voilà, tous les êtres ont une responsabilité pour vivre en harmonie dans l’univers, ils ne jouissent pas seulement de droits. Pourquoi certaines des plus grandes violations des droits humains ont eu lieu après la rédaction de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ? Ca semble contradictoire et pourtant, c’est justement en accordant beaucoup de droits à chacun, sans les responsabilités qui vont avec, qu’un important déséquilibre est né. Il est donc capital pour le futur de l’humanité que chacun mesure les responsabilités qui vont avec les droits que l’on a gagné. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui revendiquent des droits au lieu de les mériter tout en délaissant totalement les responsabilités qu’ils doivent à Dame Nature.

Nous sommes tous des êtres dépendants et interdépendants, et chacun de nous doit assumer une responsabilité pour soi-même, pour sa famille, sa ville, son pays, le monde et l’univers à une plus large échelle. Il est facile de comprendre sa responsabilité vis-à-vis de soi-même ou de sa famille, mais comment percevoir celle vis-à-vis de l’univers ? Et comment savoir laquelle passe avant l’autre ?

Sur cette question, il suffit de savoir qu’il y a une hiérarchie à respecter. Seulement trop souvent, nous renversons cet ordre par ignorance et la responsabilité inhérente à soi vient se placer en première position quand notre responsabilité vis-à-vis d’autrui se retrouve derrière. Erreur ! Nous sommes responsables vis-à-vis des autres et donc de l’univers, ne l’oublions pas… Pour que chacun puisse assumer sa responsabilité universelle, il doit appliquer notamment les principes de vérité et de non violence. Et grâce à Gandhi, on sait que la violence n’est pas une fatalité.

En cherchant la cause des problèmes du monde contemporain, on s’aperçoit qu’à la source, il y a un manque de responsabilité universelle. C’est vrai pour l’augmentation de la violence, la pollution, la dégradation de l’environnement, pour l’injustice économique… Être conscient de notre responsabilité vis-à-vis de l’univers et des autres, c’est rendre possible le futur de l’humanité. Et cette responsabilité universelle peut s’appliquer aussi bien en politique, qu’en économie, que sur des questions de société ou de vie quotidienne et c’est ce que vous pourrez découvrir plus en profondeur en lisant Sagesse ancienne, monde moderne du Dalaï Lama en personne.

Les fondamentaux de la Charte de la Responsabilité Universelle

En septembre 2010, Sofia a pour idée de demander au Dalaï Lama de rédiger une charte de conduite pour le monde mais le chef politique et spirituel des Tibétains lui renvoie la balle et voilà Sofia investie de cette lourde tâche, rédiger la Charte de la Responsabilité Universelle avec l’aide de tous les prix Nobel de la Paix. Rien que ça (bis repetita).

Sofia s’est donc interrogée sur la nature de la réalité, de notre esprit et sur notre place dans le monde. Elle place au centre de sa réflexion l’interdépendance de tous les êtres vivants : si nous avons tous reçu le don de la vie, nous nous devons de protéger toute forme de vie quelle qu’elle soit, même si on la considère inférieure. Car contrairement à la mentalité individualiste qui prédomine de plus en plus, notamment en Occident, c’est oeuvrer pour le bien d’autrui et non pour soi-même qui conduit à l’épanouissement personnel et à celui de l’humanité toute entière. Ainsi, commettre un acte de violence à l’égard d’un être vivant, c’est se nuire à soi-même.

La Charte de la Responsabilité Universelle comportera donc 10 préceptes de vie applicables à notre quotidien. Et en aucun cas il ne faut se sentir dépassé par ce terme un peu pompeux de responsabilité universelle : si chacun fait de petites choses à son niveau pour améliorer les choses, à commencer par se soucier d’autrui au lieu de son propre nombril, alors nous pourrons changer ce monde où il est trop souvent devenu humain d’être inhumain…