Stéphanie Ledoux : "À force de nuits de fête, j'ai raté mon avion pour la 1ère fois de ma vie !"

Interview voyage

Par Laetitia Santos

Posté le 8 juin 2016

A l’occasion du la 2ème édition du No Mad Festival, qui se tiendra les 25 et 26 juin 2016, la carnettiste Stéphanie Ledoux - qu’on ne présente plus sur Babel - s’est envolée pour la Colombie afin de réaliser une exposition originale conçue rien que pour le No Mad !


Et quelle première fois ! 12 jours bringuebalée entre Bogota, Carthagène des Indes, Salento et la région du café ou encore la Sierra Nevada et les villages Kogis pour avoir un aperçu du pays le plus complet qui soit et en tirer une exposition née spécialement pour le No Mad Festival dont le vernissage servira de lancement à l’évènement. Une inspiration folle pour tout un tas de nouvelles toiles en cours de réalisation, et peut-être la rencontre future entre ses dessins et les mots de l’acteur Richard Bohringer, amoureux fou de ce pays où ses deux fils se sont établis depuis plusieurs années, pour un projet de carnet de voyage colombien à paraître... Interview à chaud d’une artiste qui a jouit de la Colombie de jour comme de nuit ! L’occasion pour l’artiste de mettre les pieds en Amérique du Sud pour la toute première fois.

Quel est le sentiment le plus fort qui revient lorsque tu penses à ce voyage en Colombie ?

"La diversité de paysages, des climats, des cultures, des ambiances, des visages... Plusieurs pays en un, et un potentiel d’exploration très riche. Du coup, le sentiment le plus fort, c’est une sensation d’avoir à peine effleuré un pays immense, et l’envie de retourner approfondir, le plus tôt possible !"

Peux-tu nous raconter en quelques mots ta rencontre la plus marquante ?

"J’ai beaucoup aimé visiter le village de pêcheurs de La Boquilla, à côté de Carthagène. C’est un village de descendants d’esclaves africains, avec une identité très forte. Les villageois se sont organisés en association écotouristique pour accueillir des visiteurs et leur faire découvrir leur communauté, et la mangrove - magnifique - dans laquelle ils pêchent. J’y ai rencontré Jacinto, un pêcheur hyper accueillant qui n’a pas hésité une seconde à poser pour moi et a rigolé pendant à peu près tout le temps de pose. Son sourire radieux et contagieux est celui auquel je pense en premier quand je me remémore mon voyage. J’ai fait la connaissance de tous ses petits-enfants et je suis invitée à revenir, accueillie par la famille. J’ai senti une vraie envie réciproque de partage."

Quels sont les a priori habituels sur la Colombie que tu as vu tomber lors de ce voyage ?

"L’insécurité peut-être ? Je pars généralement avec peu d’a priori, mais c’est celui qui est encore souvent associé à la Colombie. Dans la très grande majorité des cas, je me suis parfaitement sentie en sécurité, avec des habitants soucieux de mon bien-être et de la bonne image de leur pays. On m’a demandé sans cesse, non sans un soupçon d’appréhension : « Et la Colombie te plaît ? » On sent un soulagement chez l’interlocuteur quand on répond qu’on se régale. Ils sont parfaitement conscients de la mauvaise réputation qu’a pu avoir le pays à certains égards, par le passé, et en ont beaucoup souffert. Dans les villages, j’ai pu me balader seule et avec un appareil photo visible sans aucun problème. Pour le reste, il y a comme partout des situations à risque (se balader la nuit à Bogotà dans certains coins qui deviennent déserts la nuit tombée...), mais ça relève de la prudence élémentaire d’éviter ces situations. C’est comme partout, une simple question de bon sens..."

Si on parle tourisme durable, penses-tu que ce pays soit une destination à recommander ? Quels sont ses atouts de ce point de vue là selon toi ? Et ses défauts ?

"J’ai voyagé à la saison creuse, difficile donc de me faire une idée sur la fréquentation touristique réelle du pays. J’ai vu peu de gros groupes. Plutôt des voyageurs indépendants ou des backpackers. De ce point de vue là, je dirais que c’est plutôt bon signe pour un tourisme durable, car le pays ne m’a pas paru submergé par le tourisme de masse, avec toutes ses conséquences désastreuses. En discutant avec les guides, habitants et voyageurs, j’ai senti que le pays en était à une phase charnière de son tourisme : il y a quelques années, il fallait une certaine dose d’intrépidité pour visiter la Colombie en dépit de sa mauvaise réputation. Aujourd’hui, l’ouverture est claire et on sent le bouche-à-oreille faire son travail, et le tourisme se développer à toute vitesse. Mais c’est un tourisme qui concerne un certain type de voyageurs, curieux et soucieux de dépasser les préjugés. Si vous êtes de ceux-la, alors oui la Colombie est à découvrir rapidement. Car mes interlocuteurs étaient tous d’accord pour dire que les prochaines années vont voir arriver de plus en plus de monde, et de plus en plus de gros groupes. Finalement, comme dans beaucoup de mes pays coups de cœur - la Birmanie avant l’ouverture, le Yémen avant la guerre... - c’est la (toute relative) "mauvaise réputation" du pays qui l’a préservé jusque là de trop de visiteurs. Espérons que l’afflux futur de touristes ne sera pas trop préjudiciable, et que les Colombiens ne seront pas blasés de voir trop de monde. En tout cas, les acteurs du tourisme local que j’ai rencontré avaient tous en commun une éthique dans le respect des personnes et de l’environnement. Mais étaient-ils représentatifs ? Car ils ont comme dénominateur commun de bosser pour Aventure Colombia, dont c’est la ligne de conduite. Difficile donc de généraliser. Ce que je sais, c’est que la Colombie a encore pour atouts une population très chaleureuse, sociable et avenante, pas encore blasée des contacts avec les touristes. Et une nature riche et diverse, un trésor de biodiversité à protéger à tout prix. Il me semble que les Colombiens rencontrés en sont conscients."

Un endroit que tu as préféré ?

"J’ai adoré Salento et la région du café, pour sa nature verdoyante et vallonnée, son climat parfait (fraîcheur), l’ambiance de flânerie décontractée dans les ruelles colorées, la sympathie naturelle des habitants. La balade en Jeep pour aller marcher dans la vallée de Cocora et ses palmiers géants hauts de 60 m est tout bonnement une carte postale. Surtout quand on arrive à voir des toucans, comme ce fut notre cas ! Pour se remettre de la balade, on peut manger une délicieuse truite grillée, qui est la spécialité du coin. Visiter une toute petite finca de café, en se faisant accueillir comme à la maison, le café passant dans une chaussette à la cuisine. Puis finir la journée en beauté dans les bars à cow boys, en partageant avec eux une partie de tejo, une sorte de pétanque, où il faut lancer un palet de plomb sur des papillottes de poudre explosive ! Se faire des copains et finir la soirée en fêtant un anniversaire avec des shooters d’aguardiente..."

Tu as voyagé avec un des fils de l’acteur Richard Bohringer, comment s’est passé le voyage à ses côtés ?

"J’ai eu l’impression de voyager avec un pote, plus qu’avec un guide ! Il est parfaitement hispanophone, et complètement à l’aise avec les Colombiens... Il est comme un poisson dans l’eau dans ce pays. Du coup, où qu’on aille, il avait le petit mot, la petite blague pour mettre tout le monde à l’aise et ouvrir toutes les portes. Ca n’a pas de prix ! J’ai pu rencontrer des personnages géniaux, et dessiner qui je voulais, on était les bienvenus partout. Lors d’une soirée à Medellin au Parc Lleras, je me suis même retrouvée à tirer le portrait de David, un petit dealer inoffensif, qui planquait ses produits dans de faux paquets de chips... Il en avait plein son sac à dos ! Il a cru 30 secondes que j’étais de la police, avant de nous raconter toute sa vie ! Avec Richard, j’ai découvert la Colombie de jour, mais aussi pas mal exploré le côté festif et nocturne, et il y a de quoi faire !"

Une anecdote inavouable sur ce voyage ?

"Avoir raté, pour la première fois de ma vie, mon avion de retour, à force d’enchaîner les nuits de fête et de manquer de sommeil !"

Les indiens Kogis sont un peuple assez retiré du monde, emprunt de mystères en quelque sorte pour nous autres occidentaux. Où les as-tu rencontré, comment s’est passée ta rencontre avec eux et que retiens-tu des moments privilégiés que tu as passé dans leur village ?

"Je les ai rencontrés dans un village retiré dans la Sierra Nevada, à quelques heures - cahotiques - de 4x4 de Santa Marta. La visite à ce village ne fait pas partie des circuits touristiques, mais j’ai eu la chance que l’agence me l’organise, car ils avaient un contact dans le village. Il est toujours délicat d’arriver en touriste chez des ethnies qui vivent reculées, et on a souvent un sentiment de malaise et de voyeurisme. A ce titre, les Kogis particulièrement, cherchent à se tenir éloignés de notre "monde civilisé" et de sa décadence. Ils tentent de maintenir leur mode de vie traditionnel, loin de tout ce marasme. Vu le passé, on ne peut que les comprendre. Plus que jamais, il était donc délicat de justifier les raisons de notre venue au village, et l’accueil n’a pas été des plus chaleureux, au départ. J’avais emmené un petit catalogue de mes portraits, réalisés lors de précédents voyages. J’ai eu de la chance que ça plaise à l’instituteur ! Quelques instants plus tard, il me propulsait dans la salle de classe, au tableau devant une quarantaine enfants Kogis. Je devais expliquer mon métier et raconter des anecdotes sur ces personnes du bout du monde. Autant vous dire que les enfants Kogis avaient des yeux tout ronds en m’écoutant raconter le quotidien d’un enfant éthiopien ou d’une femme chinoise. Tristan, le guide qui m’accompagnait, leur a ensuite fait un petit spectacle de magie, avec quelques tours bluffants, qui ont remporté un franc succès et détendu tout le monde. L’instituteur a ensuite demandé qui voulait avoir son portrait, et j’ai eu une petite file d’attente, de l’enthousiasme, des commentaires en VO non sous-titrée et des yeux qui brillent à la vue des dessins. Encore un bel exemple du dessin qui abolit les frontières et lève les inhibitions... J’ai dessiné non stop jusqu’à l’heure où l’école reprenait. Puis nous sommes repartis sur la pointe des pieds, en laissant - je pense - un bon souvenir... Ce qui n’était pas gagné au départ ! Mon bilan de cette expérience : il ne me semble pas que les Kogis soient favorables à la visite d’étrangers, et si on n’a rien à apporter de divertissant, je pense que la visite peut vite être gênante et tourner court. C’est un peuple vraiment fascinant dans ses croyances et son rapport à la nature, mais au final, je serais plutôt partisane du "laissons-les tranquilles" et je ne cautionne pas ce type de tourisme."

Dans ton art, la Colombie t’aura-t-elle apporté quelque chose de neuf ? Comment vient-elle nourrir ta peinture et tes dessins ?

"Il est peut-être un peu tôt pour le dire, mais elle m’a donné envie d’une explosion de couleurs. J’ai d’ailleurs investi dans de nouvelles peintures acryliques ! Je vais tenter de rendre sur mes toiles toute la mesure des couleurs chatoyantes qui m’ont éblouies pendant ce voyage. Peut-être aussi une certaine forme de joie, qui transparaîtra dans l’expression de mes modèles. Là où dans beaucoup de mes précédents voyages, mes modèles étaient sérieux et solennels le temps de la pose, les Colombiens étaient souvent bavards et rieurs.

Le mot de la fin ?

"Venez au No Mad Festival ! On sera au moins 5 passionnés de la Colombie. Si avec ça, on ne vous donne pas envie de faire votre sac... Et bien sûr, un immense merci à l’agence Aventure Colombia de m’avoir concocté un programme aussi riche, inspirant et sans accroc. Et à toi Laetitia ainsi qu’à l’Office de Tourisme de Cergy-Pontoise pour l’idée, le partenariat, la réalisation de ce super projet..."

Retrouvez toutes les infos et la programmation complète du No Mad Festival 2016 juste ici : http://www.babel-voyages.com/no-mad-festival-2016/no-mad-festival