A l'extrême Nord de l'Inde, se trouve le Ladakh, une région que l'on surnomme le Petit Tibet. Là-haut sur le toit du monde, les léopards des neiges cohabitent avec les peuples montagnards à la culture bouddhiste tibétaine. Le voyageur est saisi d'un sentiment indicible entre humilité et enivrement face aux paysages lunaires à perte de vue.
C'est au milieu de ces montagnes immaculées de l'Himalaya que le petit village de Rumbak culmine à 4200m d'altitude. Depuis Rumbak, il faut 3h de marche et 1h30 de voiture pour rejoindre Leh, la capitale du Ladakh. Les trekkeurs en partance pour l'ascension du Stok Kangri (6153m) passent par Rumbak.
Situé dans le Parc National de Hemis, ce petit village reculé abrite 9 familles. Les tâches quotidiennes sont rudes dans cette région au climat extrême. Les familles vivent souvent dans une seule pièce avec très peu de moyens matériels. Les Ladakhis travaillent dans les champs, cultivent l'orge et quelques légumes, et s'occupent de leurs bêtes. Certains confectionnent des chaussures et couvertures avec la laine de leurs chèvres et de leurs yaks. Aux beaux jours, les familles partent avec leur troupeau dans les hauts pâturages. Avec les bouses de vache séchées récoltées la journée, ils font du feu, cuisinent et dorment dans des petites grottes sur le chemin, au milieu des plus hauts sommets himalayens. Pendant l'hiver, coupés du monde, ils passent beaucoup de temps en famille à partager du thé au beurre salé et à confectionner des momos.
Un petit garçon fait du patin à glace sur la rivière gelée. Ce petit garçon, c'est Gonbo qui a aujourd'hui 40 ans et qui nous raconte comment il est devenu moine puis guide de trek.
Gonbo a grandi à Rumbak. Entre l'école, les travaux de la maison et les tâches agricoles, il apprend naturellement à être indépendant dès les premières années de sa vie. A l'âge de 13 ans, son père décide de l'envoyer au monastère le plus proche, à Spituk. Traditionnellement, la plupart des familles au Ladakh envoient leurs enfants au monastère pour leur assurer une éducation et les soulager financièrement. A l'école du monastère, il apprend l'anglais, les maths, la géographie et surtout le respect des ainés, les textes sacrés et le langage tibétain. A 18 ans, son professeur l'envoie dans un monastère du Sud de l'Inde, au Karnataka. Des moines du Tibet, du Bhoutan, de Mongolie, et d'autres pays d'Asie viennent jusqu'ici étudier la philosophie du bouddhisme tibétain. Entre discipline et rigueur, les journées sont consacrées à la méditation, l'étude des enseignements du Bouddha et les débats philosophiques.
Le choc climatique est rude pour un garçon des hauts plateaux himalayens qui se retrouve en terre tropicale. Sa famille et le Ladakh lui manquent terriblement. Après 15 ans à étudier le bouddhisme, Gonbo retourne au « Pays des cols ». Il n'y a pas beaucoup de travail au Ladakh : devenir agriculteur comme ses parents, s'engager dans l'armée comme ses frères ou saisir l'opportunité de travailler dans le tourisme, un domaine qui commence petit à petit à se développer dans la région.
A partir de 2008, Gonbo travaille en tant que cuisinier, muletier, assistant guide avant de devenir progressivement guide pour différentes agences de voyages. Il aime être sur les chemins de trek et faire des rencontres. Son expérience de terrain et sa diplomatie font de lui un excellent responsable logistique pendant plusieurs saisons au sein d'une agence de voyage à Leh. C'est sur lui que l'on peut compter pour que le voyage de centaines de voyageurs français se passe bien. Et c'est dans cette agence qu'il rencontre sa femme Bindu. Française d'origine indienne, elle vient depuis 2011 chaque été travailler au Ladakh pour la même agence. Ils se marient en 2014, à Rumbak. Leur petite fille, Lisa Mentok, nait et le couple décide de créer son agence de voyage locale au Ladakh : Lagangpa Tours. Pour le moment, Gonbo et Bindu partagent leur temps entre l'été au Ladakh et l'hiver en France où tous les deux travaillent en station de ski, comme pour garder la montagne et les hauts sommets en toile de fond.
Si vous avez la chance de rencontrer Gonbo, vous verrez dans son regard ce qui l'anime, son attachement à sa terre natale, ses valeurs de partage et sa sagesse inouïe.
Peux-tu nous dire quel est ton coin préféré au Ladakh ?
"J'ai trois lieux favoris au Ladakh : mon village Rumbak, le trek de Lamayuru à Rumtse, jusqu'au lac Tso Moriri pour la diversité des paysages et la rencontre avec les nomades du Changtang. Et enfin les bords de la rivière de l'Indus où j'ai passé beaucoup de temps avec mes amis durant mon enfance."
En règle générale, quel est le coup de cœur des voyageurs qui viennent au Ladakh ?
"Les paysages sont époustouflants, mais je crois que ce que les gens aiment le plus c'est l'accueil chaleureux des Ladakhis et la culture bouddhiste qui est facile d'accès et très présente. Au Ladakh, on trouve de nombreux monastères qui ouvrent leurs portes aux visiteurs."
Ton bon plan secret dans la région ?
"Participer à la prière, « la puja », au monastère de Spituk, avec la création d'un mandala qui a lieu deux fois par an. Et surtout, dormir chez l'habitant pour véritablement rencontrer les Ladakhis."
Qu'est-ce que tu aimes le moins au Ladakh et que tu souhaiterais voir s'améliorer ?
"Le tourisme crée aussi des dommages environnementaux, surtout au Ladakh où l'équilibre est fragile, nous sommes touchés de plein fouet par le réchauffement climatique. J'aimerais que les jeunes générations soient davantage sensibilisées à la protection de notre région et soient respectueux aussi de nos cultures locales."
Quand et comment est né Lagangpa Tours ?
"Je suis guide de trek depuis de nombreuses années, ma femme travaillait comme responsable clientèle dans le même domaine. Nous sommes tous les deux amoureux du Ladakh, nous étions donc complémentaires pour créer notre propre structure. Il y a environ 3 an *est né. C'est le nom de ma maison familiale à Rumbak.**"*
Qu'est-ce qui caractérise vos voyages ? Qu'apportent-ils de spécifique qui vous différencie des autres agences ?
"Grâce à notre expérience, nous connaissons bien le Ladakh ainsi que les exigences des voyageurs français. Nous sommes présents sur place pour gérer les imprévus liés à l'altitude par exemple. Nos voyages conçus sur mesure proposent une découverte authentique du Ladakh. Nos voyageurs ne font pas ce que tout le monde vient faire d'habitude. Je guide mes propres groupes et j'apprends le français depuis deux ans maintenant. C'est une chance pour les trekkeurs car nous sommes très peu de guides à parler français au Ladakh. Et puis nous habitons à Leh et pouvons accueillir les voyageurs tout au long de la saison. Au final, on partage bien plus qu'un voyage avec eux."
Comment t'engages-tu concrètement pour développer un tourisme responsable au Ladakh ?
"Ce qui est important dans notre agence c'est la formation de nos équipes et la sensibilisation à la protection de l'environnement. Nous formons chaque année des jeunes au métier de guide, nous soutenons les petits villages isolés en favorisant l'hébergement chez l'habitant pendant nos circuits. Nous soutenons aussi la communauté nomade. Chaque année nous leur fournissons des vêtements chauds pour l'hiver que nous recevons grâce à des dons que l'on me fait dans la station de ski où je travaille. Nous soutenons activement l'association PAGIR (association de soutien aux personnes handicapées et démunies au Ladakh) en commandant des produits artisanaux pour notre agence et en les incluant dans nos visites des artisans locaux."
Qu'est-ce qui te plait le plus dans ton métier de guide accompagnateur ?
"J'aime partager des moments sincères qui valorisent ma culture et montrent aux voyageurs que le Ladakh est bien plus que ses hauts sommets enneigés et ses magnifiques vallées. C'est une région pleine de richesses humaines et culturelles !"
Comment faire si on veut venir trekker avec toi ?
"Appelez-nous, visitez notre site Internet ou envoyez-nous directement un mail ! On sera ravis avec ma femme de discuter de vos envies de voyage et peut-être avoir le plaisir de vous accueillir au Ladakh."
Des projets à venir ?
"J'aimerais partager davantage la culture bouddhiste tibétaine du Ladakh en développant des voyages thématiques sur les cérémonies religieuses par exemple. Je souhaiterais aussi créer des nouveaux itinéraires notamment autour de mon village. Retourner dans des endroits où j'allais étant petit et partager avec des voyageurs ces lieux intimistes, loin des circuits classiques. J'aimerais soutenir encore plus la communauté nomade du Changtang qui tend à disparaître de plus en plus à cause des conditions de vie trop difficiles. Et promouvoir la médecine traditionnelle tibétaine en faisant partager aux voyageurs des savoir-faire et des connaissances ancestrales."