Aung San Suu Kyi, l'emblème de la démocratie en Birmanie

Société

Par Coline Willinger

Posté le 11 décembre 2011


Aung San Suu Kyi, c’est la figure emblématique de Birmanie choisie par Luc Besson pour être l’héroïne de son dernier film, The Lady. Une femme d’exception au destin hors du commun à qui nous avons voulu tirer le portrait sur Babel.

Aung San Suu Kyi, un destin hors norme

Aung San Suu Kyi est un personnage édifiant.

Son père Aung San, héros national, est l’une des figures emblématiques de l’indépendance de la Birmanie ainsi que le président de la ligue antifasciste pour la liberté du peuple qui remportera les premières élections de l’indépendance en avril 1947. Mort assassiné le 19 juillet de la même année, cette date représente aujourd’hui en Birmanie, le jour des martyrs.

Cette jeune femme occidentalisée débute ses études en Birmanie, les poursuit en Inde et les termine à Oxford. Elle épouse Michael Aris en 1972, devient mère de deux enfants et semble avoir tiré un trait sur son pays d’origine.

C’est suite à la maladie de sa mère qu’elle retourne en Birmanie. Elle est ainsi le témoin de la situation de crise que traverse son pays. Suite à la démission du président Ne Win, celle-ci s’est accentuée, le pouvoir politique étant en désaccord avec les attentes d’une jeunesse en mal de modernité qui manifeste pacifiquement. Cette fracture au sein de la société atteint son apogée avec le soulèvement du 8-8-88 (8 aout 1988). Avec le coup d’État de la junte militaire et la mise en place du conseil d’état pour la restauration de la loi et de l’ordre, le 18 septembre 1988, la répression est sanglante.

Le bras de fer d’Aung San Suu Kyi face à l’oppression de la junte militaire

Témoin impuissant mais non moins indigné, Aung San Suu Kyi décide d’intervenir, entamant ainsi un combat politique de longue haleine qui à l’heure actuelle n’est toujours pas terminé. Elle écrit au gouvernement afin de permettre la mise en place d’élections libres et lance son premier appel à la liberté, à la démocratie et à un régime multi-partis devant la pagode Shwedagon, premier centre religieux et lieu saint boudhique.

C’est le début d’un bras de fer avec la junte militaire. Dès le 27 septembre 1988, Aung San Suu Kyi créee la Ligue nationale pour la démocratie, dont elle prend la direction et ce malgré l’interdiction par la junte de tout rassemblement politique. Elle devient l’emblème du désir populaire d’une liberté politique, parcourant le pays pour prononcer de nombreux discours en faveur de la démocratie, allant jusqu’à braver les soldats qui la tiennent en joue dans la vallée de l’Irrawady.

Le 20 juillet 1989, la junte excédée lui propose la liberté à la condition qu’elle quitte le pays. Refusant, elle est assignée à résidence, sans procès. S’ensuit une longue traversée du désert pour cette femme politique de renommée mondiale. Durant les 20 années suivantes, elle va en passer 14 en résidence surveillée. Le traitement que lui inflige la junte militaire pour l’intimider et la contraindre au silence ne changera rien à l’espoir qu’elle a fait naitre dans le cœur de la population. Le 27 mai 1990, la ligue nationale pour la démocratie gagne les élections et remporte 80% des sièges à l’assemblée. Les résultats sont pourtant annulés par la junte militaire.

Une reconnaissance mondiale

Le scandale est international et le destin d’Aung San Suu Kyi émeut. Elle obtient ainsi le prix Sakharov pour la liberté de pensée ainsi que le prix Rafto pour les droits humains.

Cette combattante de la démocratie et de la non violence influencée par le Mahatma Gandhi et Martin Luther King obtiendra le prix Nobel de la paix l’année suivante ainsi que la somme de 1, 3 million de dollars qu’elle utilise pour établir un système de santé et d’éducation pour le peuple birman. Libérée de sa résidence surveillé en 1995, elle se trouve malgré tout enfermée dans son propre pays, sachant pertinemment que toute sortie deviendrait définitive. Elle subit, en outre, une étroite surveillance et ne peut guère quitter la capitale. Sa volonté reste inébranlable et elle affirme dès sa libération, sa détermination à lutter pour la démocratie et demande aux autres pays de ne pas investir en Birmanie tant que la démocratie n’y est pas assurée. Cette position lui vaudra de nombreuses critiques, la junte en profitant pour déclarer qu’elle cherche à appauvrir le pays.

Son mari, atteint d’un cancer en 1997, mourra en 1999 sans qu’elle ait pu le revoir, la Birmanie lui interdisant toute entrée dans le pays si jamais elle avait décidé d’en sortir. En septembre 2000, elle est une nouvelle fois condamnée à la détention à domicile et libérée en 2002 suite à des négociations entre les Nations Unies et la junte militaire.

Ce n’est pourtant que partie remise : en 2003, un groupe paramilitaire payé par la junte l’attaque. Elle parvient à fuir mais sera de nouveau arrêté quelques temps plus tard. S’ensuit une nouvelle période d’incarcération et de résidence surveillée qui durera jusqu’au 13 novembre 2010, la junte retardant, année après année, sa liberté définitive. Enfin autorisée à se déplacer, cette emblème de la démocratie et de la liberté, 66 ans en 2011, a rencontré le 15 aout dernier le président birman Thein Sein. Cette rencontre chargée de symbolisme marquera peut-être l’avènement d’une ère nouvelle tant attendue par Aung San Suu Kyi, et les nombreux partisans de la liberté.