Par Laetitia Santos
Posté le 14 juillet 2012
Un récit cousu d’illusions et de désillusions qui nous fait tremper dans le mal-être de jeunes, révoltés soixante-huitards ou hippies, partis à la recherche d’une humanité meilleure, une Katmandou aussi naïve que crasseuse tendue en toile de fond.
D’emblée, on est prévenu : chacun d’entre-nous suit son chemin et si les destinés s’entremêlent, il n’y en a pas deux pareilles. "Personne n’aboutit au même lieu, dans la vie ni dans la mort"… La vie, la mort : une dualité qui ne cessera de tirailler le roman tout du long.
Le voyage débute à Londres où embarque Jane, fait escale à Paris pour récupérer Olivier, se poursuit sur la Côte d’Azur puis sur les routes dangereusement désertiques quelque part entre ici et le Népal, en Inde, pour enfin atteindre le but ultime : Katmandou, capitale de toutes les libertés. Il suit deux destins, deux âmes en peine, Olivier et Jane. L’un croise le chemin de l’autre et l’amour les fauche sans que la love story prenne le pas sur le fond du récit. Car si c’est bien paix et amour qui guident en grande partie ses pas à lui, Barjavel s’attache plutôt à nous faire réfléchir sur le sens de la vie et le fil de la lecture sert à nourrir une réflexion restée en suspens dans l’éternité : "à quoi on sert ? …"
Les éléments de réponse s’amoncellent et pas des moindres : à s’engager, à mener un combat, comme ces étudiants de mai 68 en mal d’idéaux face à une société individualiste et capitaliste ? À profiter en permanence sans barrière aucune, amour et plaisirs, peace and love comme le prône le mouvement hippie ? À élever son esprit au-dessus des considérations terrestres grâce à la spiritualité ou au haschich ? À aimer, comme l’amour puissant qu’éprouvent Jane et Olivier ? À venir en aide à son prochain comme ce bénévole ami d’Olivier qui tente d’améliorer le quotidien d’un village reculé, goutte d’eau dans l’océan des souffrances terrestres ? À gagner son argent pour se mettre ses proches et soi à l’abri du besoin ? Chacun saura s’y retrouver, trancher, faire sa route, chaque choix impliquant des conséquences plus ou moins douloureuses qui mèneront plus ou moins vite au bout du chemin.
Les descriptions de Katmandou et des excès du mode de vie hippie sont chargées en poésie, en sensualité, en brutalité aussi. La saleté suinte à plein nez, le désespoir semble être un abime sans fond et pourtant, une lumière toujours nous empêche de plonger définitivement dans les ténèbres : la beauté de Jane même au plus mal, le sentiment d’amour inexplicable et intrinsèque qui anime Olivier, la candeur de cette petite qui s’endort sur ses genoux quand lui n’est encore motivé que par la haine, la figure d’Yvonne si maternelle…
Un douloureux voyage initiatique au Népal pour scruter les tréfonds de l’âme humaine et tenter de percer le sens de l’existence.
Si vous avez aimé Les Chemins de Katmandou de René Barjavel, vous aimerez Hong-Kong et Macao de Joseph Kessel qui nous fait nous enfoncer dans la Chine des années 50 tout en scrutant l’universalité de l’homme plongé dans l’adversité...