Par Elodie Mercier
Posté le 9 mars 2021
L’histoire tumultueuse du Liban nous livre une nouvelle triste page pour l’année 2020 : État en faillite, crise sanitaire, explosions mortelles au cœur de la capitale… Charif Majdalani, professeur et romancier beyrouthin, a tenu pendant quelques semaines un carnet, qui nous fait vivre avec lui chaque étape de la catastrophe.
Chronique relatant la vie quotidienne de la capitale libanaise, Beyrouth 2020 retranscrit aussi le passé du pays, donnant ainsi les clefs aux lecteurs pour comprendre les causes du drame actuel. Publié chez Actes Sud, ce « journal d’un effondrement » a été distingué par le prix spécial Femina.
Entre le début du mois de juillet 2020 et la fin du mois d’août, Charif Majdalani brosse un portrait de la situation exceptionnelle que traverse son pays. La crise économique fait dégringoler le cours de la livre et met l’État en banqueroute, l’électricité est coupée, le niveau de pauvreté grimpe de jour en jour et les contaminations par le coronavirus aussi. C’est ce contexte qui motive l’auteur à témoigner de l’expérience connue par tous les Libanais.
Bientôt, le 10 août, un évènement dramatique donne au journal de Majdalani d’autant plus de profondeur. Une double explosion sur le port de Beyrouth fait deux cents morts, six milles blessés et détruit les quartiers alentours, dont deux cent milles habitations. Une catastrophe qui résulte pour l’auteur de l’inaction politique et de la corruption gangrénant l’État depuis des décennies.
Autrefois l’emblème de la vie festive et culturelle orientale, Beyrouth paye aujourd’hui le lourd tribut d’une économie basée sur l’importation et d’une oligarchie verrouillée. Le pays du cèdre, la Suisse du Moyen-Orient, si convoitée par les Occidentaux par le passé, voit aujourd’hui le bout d’un système voué à l’échec.
L’écriture choisie par Majdalani permet au lecteur de saisir à la fois la vie quotidienne des beyrouthins, et la complexe histoire du pays. En cela, l’essai est à la fois enrichissant et poignant. L’auteur se trouve dans une situation qui dépasse les individus. Chaque jour est composé d’une multitude d’incertitudes, pour lui qui rêve d’investir dans un terrain à la campagne. Chacun tente au mieux de vivre avec les fluctuations de la monnaie, mais les prix et les salaires sont changeants : près de la moitié de la population se trouve sous le seuil de pauvreté.
Après les explosions du 10 août, le sentiment d’impuissance et de désarroi gagnent les Libanais : « Voici qu’en quelques secondes, tout ce qui restait encore debout a été envoyé à terre. » Pourtant, face aux destructions et au grand nombre de blessés qui cherchent secours, une solidarité remarquable émerge, comme pour compenser ce que l’État n’est plus capable de mettre en place. C’est aussi un amour indéfectible pour le pays que nous retrouvons dans le livre et dans les protestations des Libanais.
Un ouvrage instructif et percutant.
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