Par Élise Chevillard
Posté le 25 janvier 2021
Aux portes de la Provence, des Cévennes et du Massif central, l’Ardèche est une terre à deux visages, l’un continental, l’autre méridional. Ses routes toutes en ondulations serpentent entre les forêts de châtaigniers, les jolis hameaux de pierre, les anciennes cultures en terrasses, et les cours d’eau. Le patrimoine naturel et historique s’épanouit ici tout autant que les bonnes tables qui subliment le terroir ardéchois. On s’attarde volontiers dans ses charmants villages et ses hébergements qui retrouvent pour certains, le fil de leur histoire.
À Valence ou Montélimar, le train n’ira pas plus loin. Ici, pas de chemin de fer ni d’autoroutes. Il faut alors emprunter les routes sinueuses qui serpentent entre vignes, lavande et forêt de châtaigniers. Pour faire 10 kilomètres il faut parfois plus de 30 minutes, mais qu’importe, le paysage défile, brut, à la fois doux et sauvage, nourri de mémoires anciennes. À la voiture certains préféreront le vélo qui a trouvé ici sa terre d’expression.
Dans la vallée de l'Eyrieux, la piste cyclable de la Dolce Via, une ancienne voie ferrée aménagée au cœur des paysages ardéchois a d’ailleurs été élue « meilleure vélo route européenne ». La Grande Traversée de l’Ardèche VTT comptabilise près de 300 kilomètres d’itinéraires jalonnés d’hébergements estampillés « accueil vélo ». Avec pour fil conducteur le Rhône, la ViaRhona relie le lac Léman à la mer Méditerranée sur plus de 800 kilomètres. À pied, à vélo ou en bus, partons à la rencontre de ceux qui dessinent une Ardèche en transition.
Photo Sources: M.Dupont / Photos ADT07 Ardèche Guide
Au nord de l’Ardèche, à quelques kilomètres de Valence, à Saint Romain de Lerps, venez passer une nuit ou plus à Koteja-Nature dans une ambiance nordique. Avec son ossature en bois clair massif, cette maison-hôtel affiche un style scandinave épuré. Dotés d’immenses baies vitrées, les deux appartements entièrement équipés, l’un de 30 m2 et l’autre de 60 m2, s’ouvrent sur un paysage de montagne, surplombant la Vallée du Rhône et ses vignobles, le Château de Crussol, la chaîne du Vercors et un jardin paysagé de 1500 m2 planté de chênes.
La construction durable a été pensée de façon écologique avec le moins d’impact possible sur le sol. La literie a été conçue par un artisan local, le sommier est ergonomique en bois et le matelas naturel. Le plus de cet hébergement ? Des services « cousus main » : courses, repas, déplacements facilités et une personne présente sur place pour répondre à toutes vos questions. Dans le jardin, un sauna finlandais permet de parfaire cette parenthèse nordique.
Boutique, restaurant, chambres d’hôtes, gîte, châteaux en bois… L’Ange Gourmand situé dans le petit village de Champis La Bâtie est un lieu pluriel. David et Sonia ont construit ce lieu à quatre mains à force de passion et de patience. L’affaire de famille qui était à l’origine un petit bistrot est devenue un restaurant gastronomique.
Sur la carte, une cuisine simple et familiale que mitonne David, avec pour fil conducteur la châtaigne et des viandes du coin. Mais la star du restaurant c’est lui, le soufflet de queues d’écrevisses que l’on mange dans des assiettes en grès confectionnées par Sonia. Depuis trois générations, la recette est bien gardée et n’essouffle pas. À l’origine, les écrevisses étaient pêchées dans le Duzon, une petite rivière située en contrebas. Dans les années 70, les routes goudronnées ont amené la pollution et sonné la disparition des écrevisses.
Après le repas, regagnez votre chambre royale dans l’un des châteaux en bois disséminés sur une butte naturelle arborée de châtaigniers et de sycomores. Attirés par la matière noble, David et Sonia ont choisi une construction durable et responsable. Tout est en bois local de châtaignier. L’isolation est en laine de mouton. Pour réaliser les barrières qui délimitent le petit jardin du château, ils ont récupéré du bois mort de leur châtaigneraie. Tous les meubles ont été retapés, chinés puis repeints par Sonia. La douche se prend au donjon, fermée avec d’anciens volets récupérés.
Situés à flanc de colline, les châteaux en bois offrent une vue sur le mont Ventoux, le Vercors et les Alpes enneigés au dernier plan, que l’on savoura depuis le jacuzzi ou en prenant son petit-déjeuner, pour une parenthèse enchantée avant de reprendre la route vers le centre de l’Ardèche.
Au bord de la rivière Auzène, sur le hameau d’Issamoulenc, Au Fil de Soi raconte l’histoire d’une Ardèche en transition. Anne et Jérôme les gardiens des lieux, ont rénové cet ancien moulinage de soie pour en faire deux gîtes (de 4 et 15 personnes) et des chambres d’hôtes, éco-labellisés. À cette offre d’hébergements s’entremêle un lieu d’accueil qui tisse des liens durables et culturels. Dans ce cocon, on vient ici se ressourcer, mais aussi se reconnecter à soi.
A quelques kilomètres de là, accroché à la montagne au-dessus du village de Saint-Julien-de-Gua, le camping Le Folastère à Saint-Julien-de-Gua, jouit d’une vue superbe qui se perd jusqu’au Vercors les jours de ciel bleu.
Ici, l’espace semble infini. Disséminées au cœur d’une châtaigneraie centenaire sur un terrain de camping de 4 hectares, roulottes en bois, caravanes, cabane perchée, yourte de méditation, maison ronde en bois ne viennent pas agresser la nature environnante, mais plutôt la compléter dans une sorte de communion spirituelle.
Il est temps ensuite de s’enfoncer un peu plus dans le parc des monts d’Ardèche, direction Aizac, un tout petit village entouré de deux rivières aux eaux limpides : la Volane et la Besorgues.
C’est un métier pratiquement disparu en France (seulement une quinzaine de vinaigriers sont encore en activité, ndlr) et qui renaît ici à Aizac, en Ardèche, avec ES Vinaigrerie. Tout a commencé en 2009 par une bouteille de vin oubliée dans la cave de Sylvain. « C’est le hasard, qui m’a amené à renouer avec ce savoir-faire ancien. J’avais gardé une bouteille de vin dans ma cave et un an plus tard quand je l’ai ouverte, il s’était formé de la « mère » de vinaigre ».
L’aventure commence timidement, mais très vite le « vinaigre » prend et la cave n’est pas assez grande pour accueillir la petite production. Pour cet ancien ingénieur en agroalimentaire, la conversion est réussie. Élevés en fut de chêne ou de châtaignier les vinaigres fabriqués selon la méthode orléanaise vont vieillir ici doucement. Toutes les trois semaines, il faut retirer « la mère » qui se forme en surface.
Peu à peu, les arômes du vin disparaissent pour laisser la place à d’autres parfums. Pour faire un bon vinaigre, il faudra entre 3 à 6 mois contre 24 heures chez un industriel. Chaque vinaigre imaginé par Sylvain ajoutera sa touche au plat. On déglacera des abats avec du vinaigre à la myrtille et celui à l’estragon s’associera très bien avec une viande blanche et du poisson.
Toutes les matières premières ajoutées sont ardéchoises, de l’échalote à la lavande en passant par le miel de châtaignier et les pommes ainsi que les étiquettes et les bouteilles.
En plus du vinaigre, Sylvain s’est lancé dans la production de cornichons et de moutarde en s’associant avec des maraîchers du coin. Touche à tout, il a aussi remis en service une vieille cuve en inox pour faire de la limonade fermentée. Aujourd’hui, son vinaigre est présent sur les grandes tables ardéchoises et jusqu’à Prague ! Sylvain organise des visites de son atelier sur rendez-vous et compte proposer prochainement des ateliers pour faire soi-même son pot de moutarde ou bien sa limonade.
Au sommet du village d’Aizac, le KaizacO intrigue par son nom à La sonorité occitane. En 2016, Léonor Lallemand jeune cheffe autodidacte d’à peine 30 ans, reprend cette épicerie pour en faire un restaurant. Avant d’être aux fourneaux, elle travaillait la terre. Cette ancienne maraîchère a gardé le goût des variétés anciennes, des légumes oubliés et colorés, des bons produits bios et locaux qu’elle achète le matin aux producteurs. Son inspiration est spontanée. « J’ai à cœur de faire une cuisine durable et éco-responsable et d’inspiration ardéchoise ».
Sur la terrasse qui s’ouvre sur un paysage recouvert de châtaigniers, on vient manger en communion avec la nature un menu unique renouvelé chaque jour : kir Castanou pour commencer, effiloché de poulet label rouge, patate douce cuite à l’orange, choux chinois au citron … Le tout servi dans de belles assiettes en céramique fabriquées dans le village voisin. Le repas s’achève avec une déclinaison de chèvres locaux aux différents affinages.
Il est temps de reprendre la route, direction l’Ardèche du Sud. En chemin, on découvre de jolis villages discrets, accrochés à flanc de falaise ou bien cachés dans les gorges comme celui de Labeaume baigné par la rivière qui a donné son nom au village. Ses étroites calades où s’alignent des maisons amènent jusqu’en haut du village où nous attendent Aurélie et Olivier fondateurs d’Eingana - Reconnexion à la nature. Toute l’année, ils organisent des initiations aux bases de la survie douce, avec la découverte de l’autonomie et des usages traditionnels des plantes sauvages. Alors, prêts pour une reconnexion totale avec la nature ?
Un peu en retrait de Labeaume, le Mas Sophia raconte une autre histoire de l’Ardèche, celle de la soie. Il y a 10 ans, Pascale et Yves ont acheté et restauré une ancienne magnanerie pour en faire une savonnerie artisanale, mais aussi une chambre d’hôtes. « Nous avons voulu valoriser le patrimoine historique et les produits locaux ardéchois tout en respectant l’environnement et en rattachant notre activité à l’histoire du lieu. »
De la Chine à l’Ardèche, le fil de soie tisse la même histoire. Le bâtiment en pierre de Labeaume a été bâti entre le XVIIIe et le XIXe siècle, et est resté en l’état. Dans le « couradou », l’on dévidait jadis les cocons de vers à soie.
Passionnée de plantes, Pascale est retournée sur les bancs de l’école pour apprendre le métier d’artisans savonnier. Face à la maison, poussent thym, romarin, lavande bio, romarin, sauge, laurier… Autant de plantes aromatiques qui serviront à enrichir le savon sous forme d’huiles essentielles et de macéras.
Entre les épais murs des caves du Mas, le savon mature en douceur, fabriqué selon la technique de la saponification à froid. Il sera ensuite coulé dans des moules puis coupé. On retrouve du savon solide parfumé au safran, à l’huile d’argan, à la lavande, au miel bio et à la châtaigne d’Ardèche, que l’on suspendra grâce à la cordelette pour ne pas en perdre une miette. Il y a aussi du savon liquide, à barbe, des baumes, des huiles essentielles, que l’on retrouvera sur place dans la petite boutique, mais aussi dans certaines épiceries et dans les marchés artisanaux.
Comme pour rendre hommage au passé du lieu, le couple a imaginé un savon de cocon de soie, réalisé avec des coquilles fournies par le musée-magnanerie situé à Lagorce. « Par respect pour la nature et les animaux, les cocons ne sont pas, comme le veut la tradition, plongés dans l’eau bouillante avec le vers, mais ouverts 3 jours avant que la chrysalide ne sorte. Cette dernière continue ainsi sa vie à l’extérieur avant de devenir un papillon » raconte-t-il.
Sur la peau, ce savon si particulier aura un effet gainant, nourrissant, et laisse un voile de douceur. Celle qui a fait la richesse de Labeaume jusqu’au XXe siècle, retrouve ici au Mas Sophia le fil de son histoire. Si l'Ardèche a été intimement liée au travail de la soie , elle l’est aussi à la châtaigne à qui elle doit beaucoup.
Chaque mois d’octobre, les castagnades célèbrent la châtaigne un peu partout en Ardèche. Les filets sont étendus sous les arbres pour récolter le précieux fruit qui permit de sauver les Ardéchois de la famine au XVIIe siècle, les villages se parent du parfum des châtaignes grillées. Ces fameuses fêtes se déroulent chaque année entre la mi-octobre et la mi-novembre dans une dizaine de villages du parc des Monts d'Ardèche. On dit de la châtaigne qu’elle accompagnait les Ardéchois, du berceau au cercueil. Les châtaigniers recouvrent les pentes de l’Ardèche depuis des millions d’années. Ce territoire lui doit beaucoup et un musée lui rend hommage.
Photo Sources: A.Renaud-Goud / Photos ADT07 Ardèche Guide, Privas
Au cœur du village médiéval de Joyeuse, l’espace Castanea raconte l’histoire de celle qui a aujourd’hui le statut de patrimoine gastronomique et que l’on surnomme l’arbre à pain. Sur deux niveaux, on découvre son histoire à travers la parole de casteneiculteurs, mais aussi toute une collection de mobilier ancien en châtaignier et des outils agricoles. La visite libre est interactive et ludique et se termine dans la boutique 100 % locale. Aujourd’hui encore, l’Ardèche reste le premier producteur de châtaignes en France. C’est justement non loin d’une belle châtaigneraie que nous avons rendez-vous pour passer la nuit.
Photo Sources: A.Renaud-Goud / Photos ADT07 Ardèche Guide, Privas
Sur les contreforts du massif du Tanargue, au cœur du parc des monts d’Ardèche à Valgorge, la ferme de Chalas est une maison d´hôtes au sein d’une micro-ferme en permaculture. À quatre mains, Maria et Hugo ont créé un lieu d’inspiration qui leur ressemble. Ici, on peut dormir dans une ancienne clède, s’initier au concept de jardin-forêt avec Hugo, participer à un atelier de cuisine éco-responsable animé par Maria et partager un repas bio, local, et vivant. Ensemble, ils ont commencé une nouveau voyage qui coule de source, celui vers la transition écologique., à l’image de l’Ardèche.
Maison d´hôtes au sein d’une micro-ferme en permaculture créée par Maria et Hugo à l'image de leur transition écologique : ateliers cuisine eco-responsable, permaculture & forêt-jardin, naturopathie & mieux-être - Dès 66 € la nuitée (base 2 personnes), petit déjeuner inclus.
06 51 36 91 67
https://www.fermedechalas.com/
La ferme de Chalas, Valgorge, 07110, Auvergne-Rhône-Alpes, FR