Par Élise Chevillard
Posté le 20 avril 2023
Entre lagune et mer, rando et vélo, l’Archipel de Thau situé dans le département de l'Hérault, se dévoile ici authentique. Nous avons tracé à vélo un itinéraire bucolique sur une charmante route de campagne, porté par l’air du large, avec la promesse de belles rencontres en chemin. Ostréiculteurs, herboristes, tous passionnés et guides, auront plaisir à vous conter leur archipel.
Après Agde, le train en direction de Sète s’engage sur une fine bande sableuse qui file entre la Méditerranée et la lagune de Thau. L’espace d’un instant, le wagon semble flotter au milieu de l’eau avant de nous déposer à Sète, petite ville portuaire qui vit au rythme des joutes, de l’eau et de la pêche.
De Sète à Marseillan, en passant par Balaruc-les-Bains, l’Archipel de Thau dessine une immense lagune. Bordée par le massif de la Gardiole, entourée de vignes et de garrigues, cette dernière prend des allures de petite mer intérieure aux mille nuances de bleu. Vaste plan d’eau salée de 7 500 hectares, elle est la plus large étendue d'eau du Languedoc, réservoir de biodiversité où l’on cultive moules et huîtres.
On la parcourt à vélo grâce à une piste cyclable, la voie verte, laquelle relie Sète à Marseillan sur 54 km d’itinérance douce. Cette dernière se faufile à la frontière des maisons et des champs, longe parfois la route, s’enfonce dans les villages, s’échappe dans la campagne et reprend son cours le long des mas ostréicoles. Premier stop, les anciens salins de Frontignan.
Si on connaît Frontignan pour son muscat, ses plages et ses paillotes, on sait moins qu’ici jadis, il y avait des marais salants. Pour découvrir ce qu’il en reste, on enfourche un vélo pour une petite balade guidée sur un circuit balisé.
Le chemin file doux sur l’étroite bande de terre entre salins et paysages de lagune, avant de s’enfoncer dans les bois des Asresquiers pour une boucle d’une quinzaine de kilomètres. Les 230 hectares des anciens salins sont aujourd’hui des espaces naturels protégés et classés Natura 2000, lieu de prédilection pour une centaine d’espèces d’oiseaux : flamants roses, échasses blanches, canards, sternes et autres limicoles.
Joli programme non ? Les pieds posés sur la lagune, Balaruc-les-Bains coulent ici des jours heureux. Pergolas, tonnelles, fontaines, petit amphithéâtre, allées fleuries… Ne manquez pas aussi son Jardin Antique Méditerranéen, propice à la flânerie pour les marcheurs en quête d'ombre.
Balaruc-les-Bains possède aussi les eaux chaudes les plus minéralisées du Languedoc. Le thermalisme rythme l’histoire de la cité depuis l’Antiquité. Riche en bicarbonates et en oligo-éléments, cette eau qui provient de sources profondes, possède de nombreuses vertus curatives qui attiraient déjà Phéniciens et Romains.
Le spa thermal O’balia propose une multitude de soins mettant à profit les bienfaits de l’eau thermale dans deux espaces : l’espace bassins avec vue sur la lagune et l’espace spa avec des soins ciblés grand public. Craquez pour un massage relaxant aux huiles fondantes d’eucalyptus, le tout dans un décor de verdure et de bois. Puis bien reposé, place à la rando, direction donc Gigean.
Lovée au pied du massif de la Gardiole et d’une vaste plaine viticole, la ville de Gigean est célèbre pour son abbaye gothique du XIe siècle. Depuis 1092, Saint-Félix de Monceau pose sur la ville un regard protecteur. Ouverte aux quatre vents, l’Abbaye apparaît au détour d’un chemin, seule, dans le silence habité de la garrigue et au milieu d’un océan de verdure. Lors de sa visite, ne manquez pas sa chapelle romane, ses bâtiments claustraux en ruines ainsi que les jardins monastiques recréés.
Ici, la randonnée est reine. On troque ainsi son vélo pour ses chaussures de rando car l’Abbaye est le point de départ de plusieurs randonnées comme le circuit autour de l’Abbaye de 6,5 km à travers les vignes. On vous conseille de faire cette randonnée le matin, lorsque la lumière du midi n'écrase pas les couleurs et que les reflets sur la lagune, que l’on aperçoit au loin, sont les plus doux.
En prenant le chemin de la ville de Poussan, vous trouverez sur votre route des petites cabanes circulaires en pierre sèche répondant au nom de capitelles. Ce sont aujourd’hui de rustiques abris pour marcheurs. Sur votre route, ne manquez pas la jolie ville gallo-romaine de Loupian, ses maisons vigneronnes typiques et ses façades Renaissance.
« Moins de médicaments, plus de plantes ! », c’est la devise de Nicolas, jeune pharmacien et herboriste passionné qui tient l’officine baptisée Odlys. À Poussan, village en circulade situé sur le tracé de la Via Domitia, cette pharmacie-herboristerie remet au goût du jour les remèdes de grand-mère et continue de prodiguer les conseils sur les bienfaits que la nature a à nous offrir. Tisanes, plantes médicinales, huiles essentielles... : à chaque maladie son médicament naturel.
Depuis sa création, ce lieu écrit son histoire en famille. Les anciens meubles en bois tout comme le savoir-faire ancestral sont restés intacts. On trouve aussi des produits plus classiques : graines germées, compléments alimentaires... Nicolas propose des ateliers cosmétiques ou des ateliers autour des graines germées et accueille des stages de yoga. Prochainement, un petit jardin aromatique verra le jour dans l’arrière-cour.
Pour rejoindre le mas de Cati, il y a bien sur l’option vélo, mais c’est aussi possible en kayak depuis Sète et seulement les jours de marché.
Jadis plus ancienne cité du bassin de Thau, Mèze est aussi le plus grand port de la lagune et possède de nombreuses exploitations conchicoles. D’ailleurs, savez-vous à quoi servent les étranges installations posées sur la lagune ? Il s’agit de tables où sont élevées les huîtres. Elles ont été aménagées pour simuler les marées de l’océan. Sur la lagune, ils sont 450 exploitants à se partager les eaux, et parmi eux, Cati.
Ce petit bout de femme a repris un mas dans le port conchicole de Mèze, au lieu-dit, Les Amoutous, qu’elle a restauré de ses mains et patiné pour lui donner l’apparence de l’ancien. En 2014, elle se lance à son compte, seule, contre vents et marées. Pour trouver sa place et obtenir le statut d’exploitante, elle a dû se battre contre les aléas climatiques, les daurades et les tempêtes.
Cati fait des huîtres exondées sur ses 3 tables qu’elle vend ensuite en direct. Elle propose aussi des visites iodées et accompagnées de son parc à huîtres et des ateliers pour apprendre à coller ses propres huîtres. Rien ne se perd ici. Les coquilles d’huîtres vides sont broyées pour en faire de la décoration. La nacre, elle, sera utilisée dans des soins inspirés des vertus de l’huître : l’ostréothérapie.
Il est l’heure de les goûter. On les déguste face à la lagune avec un peu de poivre et d’huile d’olive. Charnues et fondantes, iodées au petit goût de noisette, les huitres de la lagune de Thau se distinguent des huîtres de l’Atlantique. On les accompagnera d’un petit verre de vin blanc sec, l'autre spécialité du coin. Et justement, c’est le thème de notre prochaine étape.
Plantée au nord de la lagune de Thau, entre Montargnac et Villeveyrac, se trouve l’Abbaye de Valmagne. On retrouve Eléonore, l’une des guides de l’Abbaye. Sa particularité ? Elle fait partie de la dernière génération de la famille propriétaire de l’abbaye de Valmagne depuis 1838.
Ce pur joyau cistercien du XIIe siècle se dévoile au milieu de 75 hectares de vignobles. Elle fut autrefois habitée par les moines commerçants qui cultivèrent la vigne dès le XIIe siècle. Depuis 1999, ce vignoble avant-gardiste a été reconverti en agriculture biologique. La visite se poursuit dans l’église qui doit son surnom de Cathédrale des Vignes aux foudres de Russie que l’on installa ici. Aujourd’hui transformée en chai, on y sent encore les effluves de vin.
Dans le cloître du XIVe siècle au charme florentin, il est facile d’imaginer les moines arpenter les allées en silence, s’arrêter près de la fontaine pour prier, l’une des rares à avoir été conservées dans une abbaye ou tout simplement profiter de la quiétude du lieu et de sa lumière si divine.
Sur les coups de midi, on s’en va déjeuner à la ferme-auberge. Ici, tous les légumes sont issus du domaine ou de producteurs locaux. Au menu : terrine de cochon maison, escalope de veau et gelée de thym, pièce de bœuf et confit d'oignon, abricot rôti et mousse au citron. La cave est locale et en biodynamie. Pour relever les plats, pas besoin d’aller bien loin, le restaurant est bordé d’un petit jardin aromatique et médicinal bio, en hommage à l’époque monastique.
Dans le Sud, l’heure tourne vite et un mot revient dans toutes les bouches : l’apéro ! Et pas n’importe lequel. Connaissez-vous le Noilly-Prat ? Très utilisé en cuisine, on le déguste aussi en apéritif. On raconte d’ailleurs qu'il serait la base du cocktail préféré de James Bond.
Ce dry vermouth imaginé en 1813 par Joseph Noilly à Marseillan est une préparation à base de vin blanc, d'herbes, d'épices et d'alcool neutre aromatisé aux extraits de plantes. Il est encore fabriqué sur le charmant petit port de Marseillan, dans la Maison Noilly-Prat.
Après quelques notions de base sur ce breuvage partagées par notre guide, il est temps de passer les hautes et lourdes portes de la Maison. Dans le Chai, on s’enivre vite des vapeurs d’alcool coincées ici depuis plusieurs années. Pour autant, pas question d’y laisser la raison car la visite se poursuit en 4 temps : la découverte du chai, l’Enclos, le musée qui retrace l’histoire de ce breuvage, les plantes utilisées et les outils et pour finir la dégustation.
À l’extérieur dans l’Enclos, les futs s’alignent pour vieillir à ciel ouvert, au rythme des saisons, façonnés par les embruns, l’air marin laissant ainsi une trace iodée au vin. Pour finir, la dégustation permet de découvrir les 4 vermouths : ambré, rouge classique et extra-dry. On repart avec la recette du cocktail de l’été : un peu de Noilly-Prat ambré, un zeste de pamplemousse rallongé d’un spritz et d’un trait de prosecco.
Envie de vacances responsables ? Situé à Marseillan Plage, le camping Beauregard est engagé dans une démarche environnementale. Son concept ? Ralentir la vie des voyageurs en proposant du vrai camping traditionnel sans bling bling. Des emplacements pour tentes et camping-car ainsi que deux caravanes à louer dans un esprit bohème sont proposés aux visiteurs de passage.
Ce camping qui appartient à la même famille depuis 4 générations, a toujours développé une démarche écologique mais n’en n’oublie pas d’être fun. On trouve une fontaine d’eau fraîche à disposition, des panneaux solaires, une maison du recyclage dédiée au tri des déchets… Leur dernière innovation ? Un espace baptisé « le jardin de la plage » où pour chaque emplacement, chacun se verra attribué une petite parcelle pour se poser mais aussi profiter de ses propres sanitaires. En bois local, ils s’intègrent parfaitement dans le paysage.
Créée dans les années 70, la Réserve naturelle du Bagnas, site Natura 2000 de 700 hectares fera le bonheur des passionnés d’ornithologie, mais aussi de ceux qui veulent tout simplement admirer ses paysages. Située à la croisée du Bassin de Thau et de la Vallée de l’Hérault, la Réserve a pour mission de protéger les oiseaux, de les étudier, de préserver cette biodiversité mais aussi d’éduquer et de sensibiliser les publics au respect de l’environnement et au changement climatique.
N’entre pas dans la Réserve qui veut. Il faut être accompagné d’un guide. Une boucle permet d’en découvrir une partie. Le sentier est ponctué d’observatoires pour scruter aux jumelles flamants roses et hérons cendrés qui se sont ici regroupés pour nicher. Avec un peu de chance, vous pourrez apercevoir des aigrettes, mais aussi contempler un vol d’ibis falcinelle, suspendant ainsi le cours du temps.