Par Laetitia Santos
Posté le 15 octobre 2020
Un festival photo de haute volée qui n’a rien à envier aux collections de la Fondation Cartier-Bresson et qui a le mérite de se tenir en plein Cergy plutôt qu’à Paris ! Notre autre veine ? Que la 5ème édition qui prend place en ce moment même et jusqu’au 29 novembre prochain dans l’ancienne Poste du Grand Centre soit entièrement dédiée au voyage ! Il ne nous en fallait pas plus pour pousser les portes et être propulsé de la dalle béton de la Pref jusqu’en voyage aux quatre coins de la planète !
« La photographie, dès ses origines, s’est développée autour de deux axes : la photo de famille et la photo de voyage… »
« Qu’elle présente des souvenirs touristiques capturés par des amateurs ou des reportages à l’autre bout du monde, elle possède par essence un statut associé à l’idée du déplacement, du dépaysement, de l’ailleurs… et chaque fois, le voyage bouscule nos idées reçues et chamboule notre quotidien - loin de chez soi, on oublie l’ordinaire et on se confronte à l’extraordinaire. C’est ce que nous avons voulu mettre en évidence ici : l’ordinaire des uns peut devenir l’extraordinaire des autres, celui des voyageurs ou celui des spectateurs d’une exposition photo. Car tel est le pouvoir de l’image fixe : arrêter le temps et l’espace afin d’en proposer une interprétation à la fois documentaire et poétique, à la fois réaliste et fictionnelle. »
Tels sont les mots qui introduisent ce stupéfiant voyage extra-ordinaire. Stupéfiant parce que l’ancien centre de tri de La Poste, situé sur la dalle de Cergy-Préfecture, a été totalement rhabillé pour que ses 2000 m2 puissent accueillir cette expo d’envergure qui propose des centaines de photographies issues de l’objectif de plus de 20 photographes internationaux ! L’ambition est superbe. Le résultat tout autant.
Passant de la dureté des couloirs vides, blancs et inhospitaliers aux bureaux désuets, la friche de l’ancien centre de tri prend peu à peu des allures plus intimistes et enveloppantes lorsque les salles se parent de grands fonds noirs et se réchauffent d’éclairages savamment ajustés. Chaque espace teinte le voyage d'une ambiance qui lui sied. On débute ainsi la découverte par les grandes étendues glaciales de Laponie sublimées par Sabine Weiss en 1947 et les montagnes du Champsaur vues par Vivan Maier à l’aube des années 60 et l’on se réchauffe doucement. Avec des photographies du Maroc d'abord, et leur étonnante technique patinée, pastels comme dilués par le temps de la photographe Flore qui nous font goûter la poésie de jours heureux, ou encore dans les rues de Bénarès, capturées sur le vif par la photographe mexicaine Graciela Iturbide.
Des anciennes lettres par millions en partance pour la Terre entière à ces clichés qui eux reviennent des quatres coins de cette Terre, ce lieu familier des anciens salariés de la Poste et de ses usagers vient radicalement de passer d’ordinaire à extraordinaire !
On adore les clichés somptueux de Jean-Christophe Béchet sur les volcans d’Indonésie, dont les immenses formats panoramiques noir et blanc semblent être le pendant des tout petits tirages signés Bodgan Konopka sur la Chine et sa transformation galopante, lesquels sont l’empreinte exacte du négatif 18 x 24. Le nez au plus près des images, plongeant le regard dans ce qui semble être de petites fenêtres sur l’Empire du milieu qui s’enchaînent en un rythme effréné, on est transporté dans une époque et dans un monde.
Autant le sujet est dur, autant les photographies de l'Irlandais Richard Mosse ne peuvent que s’imprégner dans nos rétines et nos mémoires. Avec une pellicule Kodak Aerochrome dont la particularité du film est d’être infrarouge, il documente le conflit congolais. Les paysages deviennent fushia, et la couleur fait ainsi sans mal écho aux bains de sang tristement récurrents du Nord-Kivu.
Énorme coup de cœur également pour l’Australien Max Pam et ses formats carrés autour desquels il appose des notes manuscrites et autres tampons pour une composition carnet de voyage que l’on affectionne tout particulièrement.
Et que dire de ce reportage de Richard Pak sur l'île de Tristan da Cunha ? Minuscule confetti au beau milieu de l'Atlantique Sud, cette île est la plus isolée au monde et requiert huit jours de navigation et de la clémence pour y débarquer, elle qui avoisine les quarantièmes rugissants ! Ancienne possession de la Couronne britannique, un vent d'utopie y soufflait puisque des articles de loi stipulaient que tous devaient être considérés égaux et que les profits y seraient intégralement partagés de façon égale. Aujourd'hui encore, les terrains sont propriétés communales. Dire que l'on n'en avait jamais entendu parler...
LA BONNE IDÉE EN + : À quelques pas de là, la salle d'expo du Carreau présente jusqu'à ce dimanche 18 octobre une exposition d'arts sur les artistes émergents en lien avec le territoire alors pourquoi ne pas coupler les deux ? Quelques créations ont tout particulièrement retenu notre attention et notamment les masques en matériaux de récupération d'Edem, qui ne sont pas sans nous rappeler ceux de l'artiste béninois Romuald Hazoumé ; les toiles graphiques en noir et blanc signées FrEd CustaArd ; les portraits de Justin Ebanda et ses fonds de wax colorés ; ou encore les animaux de papier d'Anaïs Herd-Smith dont celui choisi pour l'affiche de cette expo.
Du 9 octobre au 29 novembre 2020. Entrée gratuite
Horaires : Mercredi : 11h - 18h Jeu. / Vend. / Sam. : 12h - 18h Dimanche : 14h - 18h
https://www.festivalduregard.fr
Mail des Cerclades, Cergy, 95000, Île-de-France, FR