France : environnement et climat dans la constitution, un effet d’annonce ?

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Par Sophie Squillace

Posté le 18 décembre 2020

Réunis face à Emmanuel Macron, les membres de la Convention Citoyenne sur le Climat (CCC) ont échangé sur les propositions soumises au président pour lutter contre le réchauffement climatique. D’importantes décisions ne sont pas encore tranchées, des mesures sont reprises, allégées ou rejetées, laissant un bilan plus que mitigé malgré une annonce importante.


Née du « grand débat national » de la crise des « gilets jaunes », la Convention Citoyenne sur le Climat (CCC) était l’une des réponses du président Emmanuel Macron pour favoriser la démocratie participative dans la lutte contre le réchauffement climatique. Cet exercice démocratique inédit s’est déroulé en plusieurs phases, avec un dernier débat très attendu lundi 14 décembre.

Lutter contre le réchauffement climatique

Depuis le début de la mission de la Convention, l’objectif est clair et ambitieux : « réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40% d’ici à 2030 par rapport à 1990. » Pendant des mois, les 150 citoyens de la CCC ont travaillé dans ce sens sur cinq thématiques : se déplacer, se loger, se nourrir, produire et travailler, et consommer, pour finalement soumettre 149 propositions au gouvernement, qui en a rejeté la quasi-totalité.

Pour atteindre les objectifs fixés par l’UE en matière de réduction des gaz à effet de serre, le temps est compté et la France accumule déjà du retard. Surtout que les pays membres de l’UE viennent de revoir à la hausse leur ambition climatique, pour s’engager à réduire de 55% leurs émissions de gaz à effet de serre en 2030. Crise écologique et sociale : lutter contre les inégalités

Une nouvelle étude de l’ONG Oxfam s’est penchée sur les émissions liées à la consommation de la population de l’UE entre 1990 et 2015, selon différentes catégories de revenus. Les conclusions montrent que la réduction des gaz à effet de serre de l’UE depuis 1990 résulte d’une baisse des émissions des Européens à revenu faible et intermédiaire, tandis que les émissions des 10 % les plus riches ont augmenté sur la même période. Dans ce rapport, on apprend également que la part la plus importante de l’empreinte carbone des Européens les plus émetteurs est liée aux déplacements en avion et en voiture. Cela s’explique notamment par la croissance du secteur de l’aviation, mais également par l’essor des véhicules polluants tels que les SUV, qui représentent aujourd’hui un tiers des voitures neuves vendues en Europe.

La France est attendue au tournant pour prendre sa part de responsabilité, notamment dans le cadre de la future loi issue des propositions de la Convention. Des mesures ambitieuses sont nécessaires pour investir dans les secteurs sobres en carbone. En matière de déplacement, les propositions de la Convention sont nombreuses et innovantes pour limiter les effets du transport aérien et automobile : mieux organiser les déplacements, développer les autres modes de transport, créer les conditions d’un retour fort à l’usage du train… Mais la plupart sont rejetées ou allégées, notamment la taxation des billets d'avion, l'interdiction de construction ou d'extension d'aéroports et la réduction des vols intérieurs.

Un référendum sur la constitution

Que restera-t-il des 149 propositions de la Convention dans le futur projet de loi climat ? Lors de l’échange entre le président et les membres de la CCC lundi soir, la tension était palpable. Le président Macron a surtout répété son attachement à des décisions déjà actées sans grand changement. Il renvoie de nombreux points à l’échelon européen. Une seule proposition a été véritablement abordée : la révision de la constitution.

Après quatre heures d’échange, le président a fait l’annonce qui aura retenue toute l’attention, reprenant l’une des réformes constitutionnelles proposées par la Convention. L’ajout d’un troisième alinéa dans le 1er article de la constitution. « La République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique. »

Cette réforme constitutionnelle sous la forme d’un seul article devra être validée par l’Assemblée Nationale puis le Sénat, et sera ensuite soumise à référendum. L’occasion donc, pour des millions de Français, de s’exprimer en faveur de la lutte pour la protection de l’environnement.

Cette annonce est toutefois contestée par l’opposition, car perçue comme un coup de communication, un effet d’annonce sans réel engagement. Ce référendum apporterait en effet une autre teinte à son mandat présidentiel, entaché par la crise écologique et sociale actuelle. Pour Olivier Faure, premier secrétaire du PS, il s'agit là d'un "gadget" : "Si on vous demande si vous préférez une planète préservée ou une planète détruite par le réchauffement climatique, vous répondrez que vous êtes plutôt pour une planète préservée. Mais si derrière on ne fait rien et que le président Macron continue à détricoter ce qu'a créé la convention climat ça ne sert à rien." dénonce-t-il.