Par Sophie Squillace
Posté le 3 février 2021
À l’heure des compagnies aériennes low cost, on les pensait définitivement enterrés. Il semblerait que les enjeux écologiques et l’épidémie de Covid-19 ont changé la donne. Les trains de nuit reprennent vie pour de nouveaux voyages à venir, en France, et dans toute l’Europe.
Voilà une bonne nouvelle en ce début d’année pour les voyageurs ! Le ministre des transports Jean-Baptiste Djebbari s’est exprimé il y a quelques jours pour annoncer qu’il souhaitait « une dizaine » de lignes de trains de nuit en 2030.
Populaire à partir des années 1960, les trains couchettes sont progressivement abandonnés en France à l’apparition du TGV au début des années 1980.
Photo Sources: Archives SNCF - 1959 © A.Boucher / SARDO
Aujourd’hui, faute de rentabilité, il ne reste plus que deux lignes nocturnes encore en circulation, Paris-Latour-de-Carol et Paris – Briançon.
Pour commencer, le gouvernement prévoit la relance des lignes Paris-Nice et Paris-Tarbes. Grâce à un financement de 100 millions d’euros destiné à la rénovation de 50 voitures tout au long de l’année. Des investissements dans du matériel spécifique sont nécessaires ; nouveaux équipements, nouveaux sièges, nouvelles couchettes, afin d’offrir un confort moderne aux voyageurs. Ces deux lignes devraient ouvrir « en avril et décembre 2021 », a précisé le ministre.
Après avoir passé des années à nous convaincre que les lignes nocturnes étaient obsolètes, qu’elles roulaient à vide et qu’elles suscitaient un intérêt qu’auprès de quelques voyageurs nostalgiques, le gouvernement veut relancer les trains de nuit pour répondre en partie à l’urgence climatique. Pourtant, depuis longtemps, les défenseurs des trains de nuit prônent le modèle écologique du trafic ferroviaire par rapport à l’aérien.
Le collectif « Oui au train de nuit » a publié une étude récente proposant la mise en place de 15 lignes nationales et 15 lignes intra-européennes d'ici 2030. D’après leur proposition, 10 millions de passagers par an seraient susceptibles d’emprunter le train de nuit plutôt que l'avion ou la route, correspondant à une économie de 1,9 millions de Tonnes de CO2 par an.
Maintenant que la volonté politique est lancée, le collectif souhaite apporter d’autres dimensions au développement des trains de nuit. En profiter pour promouvoir des liaisons transversales et connecter les régions entre elles, sans détour ou changement de train par Paris, et ainsi combler des carences de mobilité. Aller là où les TGV ne vont pas !
Au-delà de 2022, compte tenu des investissements importants, la France compte sur des financements issus du pacte vert européen, le « green deal », pour concrétiser le reste des lignes. Le ministre a précisé qu’elles seront organisées autour de quatre grands « corridors » Bordeaux-Marseille, Dijon-Marseille, Tours-Lyon via l’Ile-de-France, et Paris-Toulouse. Ces hypothèses sont encore à affiner, et à articuler autour des liaisons européennes en projet.
L’Union européenne a fait de la relance des trains de nuit une de ses priorités, avec la signature à la fin de 2020, d’un accord de coopération entre les quatre compagnies de chemin de fer, allemande, française, suisse et autrichienne.
Photo Sources: Train de nuit de la compagnie autrichien ÖBB © Christian Beulter
Plusieurs nouvelles lignes nocturnes traverseront l’Europe : Paris à Berlin, Amsterdam à Zürich, Zürich à Rome et même Barcelone. Au départ de la France, un Paris-Vienne nocturne devrait circuler dès décembre 2021, sous l’impulsion de la compagnie viennoise ÖBB, projet qu’elle a baptisé « Nightjet ».
En reliant d’ici 2024 plusieurs capitales européennes, le développement du train de nuit répond à un grand enjeu économique, capter les voyageurs d’affaires. Privilégier ce mode de déplacement doux est un temps gagné, qui s’efface et évite de perdre des heures en journée. Le trajet ferroviaire a aussi l’avantage d’acheminer le passager au cœur de la ville, offrant un gain de temps considérable par rapport à un trajet aérien qui le fait arriver en périphérie des grandes villes.
Convaincu que le contexte sociétal actuel redessine notre manière de voyager, « le train de nuit a tout pour séduire » précise le ministre. Il parle également de flygskam, un terme suédois qui désigne la honte de prendre l’avion. C’est une prise de conscience vertueuse qui s’opère, et répond à un désir de voyager autrement, ne plus partir 48 h à l’autre bout de l’Europe, mais prendre le temps et redonner du sens au voyage et à la découverte !