Par Sophie Squillace
Posté le 26 novembre 2020
Le Conseil d’État donne trois mois au gouvernement français pour prouver qu’il respecte ses politiques de lutte contre le changement climatique et ses engagements en matière de réduction des gaz à effet de serre.
Voilà une nouvelle qui donne une immense dose d’espoir dans la lutte contre le changement climatique ! Le 19 novembre 2020, le Conseil d’Etat donne pour la première fois un ultimatum au gouvernement. Celui-ci va devoir rendre des comptes et justifier qu’il est sur le bon chemin pour respecter ses engagements climatiques.
Pour rappel, la France s’est engagée à diminuer à l’horizon 2030, ses émissions de 40 % par rapport aux niveaux de 1990 et à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Cette limite des émissions permet de contenir la hausse de la température nettement en dessous de 2°C et désormais de 1,5°C.
Malgré ses engagements, la France a régulièrement dépassé les plafonds d'émissions qu'elle s'était fixés depuis 2015. Entre 2018 et 2019, les émissions de gaz à effet de serre ont baissé de 0,9 %. Le rythme annuel devrait être de l’ordre de 1,5 %, puis de 3,2 % à partir de 2025. Des objectifs déjà revus à la baisse par le gouvernement suite à un décret paru en avril dernier, celui-ci lui autorisant de relever ses plafonds d’émissions carbone et de reporter l’essentiel des efforts de réduction après 2020.
Les objectifs sont déjà difficiles à atteindre, mais avec un retard déjà bien entamé, ils deviendront impossibles à réaliser si des actions ne sont pas prises maintenant. À la suite d’une requête portée par la commune de Grande-Synthe, suivi par des associations, pour « l’inaction climatique de la France », la justice a décidé d’intervenir.
La politique climatique française respecte-t-elle « les trajectoires de réduction des émissions de gaz à effet de serre ? » Le Conseil d’État demande au gouvernement de se justifier sur l’efficacité de ses politiques publiques et de prendre, le cas échéant, des mesures supplémentaires, pour respecter les objectifs fixés par l’Accord de Paris, signés il y a tout juste cinq ans, le 12 décembre 2015.
Les engagements des gouvernements dans leur préoccupation du climat sont rappelés à l’ordre.
Cette décision inédite en France s’inscrit dans un mouvement mondial, qui soumet les États à la pression d’une société civile organisée : associations, fondations, citoyens, voire collectivités territoriales. Plusieurs décisions sont ainsi encourageantes en Europe :
en février dernier, la justice britannique a rejeté le projet d’extension de l’aéroport d’Heathrow car le gouvernement n’a pas respecté ses engagements climatiques ;
en Irlande, la Cour suprême a jugé que le plan du gouvernement pour lutter contre le réchauffement climatique n’était pas assez détaillé ;
aux Pays-Bas, grâce à une lutte initiée par une fondation et seulement 900 citoyens, la Cour suprême prend une décision forte pour que le gouvernement réduise ses émissions de CO2 :
Le pays est désormais dans l’obligation légale de prendre des mesures pour la protection de leurs citoyens contre les conséquences du changement climatique. L'Etat s'engage à limiter le volume total de gaz à effet de serre, pour le réduire d'au moins 25% à la fin de l’année 2020 par rapport à 1990. Affaire à suivre très prochainement pour voir si ces objectifs seront atteints.
Par ailleurs, l’exécutif a l’obligation de présenter tous les cinq ans un plan climat détaillant les grands enjeux de politique climatique pour les années suivantes, et les mesures nécessaires pour tendre vers les objectifs. Et pour couronner le tout, une journée nationale du climat se tient désormais tous les quatrièmes jeudis d’octobre !
En France, l’audition devrait se tenir au printemps ou à l’été 2021, et permettra de mettre en lumière la véritable responsabilité de la France en matière de lutte contre le réchauffement climatique. La question suivante sera posée : comment le refus de prendre des mesures importantes pourrait-il être compatible avec les objectifs fixés pour 2030 ?