Par Elodie Mercier
Posté le 11 janvier 2021
Au bord du Golfe de Guinée, un pays anglophone défie les clichés sur la politique africaine. Le Ghana, depuis 1993, maintient un système démocratique exemplaire, dont la stabilité a été une nouvelle fois confirmée par les élections présidentielles de décembre 2020. Retour sur l’histoire de cette exception.
Second pays indépendant du continent, en 1957, le Ghana est réputé pour sa vive volonté de se défaire de toute domination, d’où ses efforts vers un régime politique garantissant les libertés et l’expression de chacun. Pari réussi : Barack Obama a même qualifié le pays de « modèle de démocratie en Afrique ».
Comme ses voisins anciennement colonisés, la vie politique ghanéenne a été bouleversée par son indépendantisation. Dès 1960, le pays est devenu une république, grâce au chef de file de l’indépendance Kwame Nkrumah. Elu président de cette première république, Nkrumah, fidèle à son idée de représenter toute la population, développe l’éducation gratuite et obligatoire et permet quelques avancées concernant les droits de femmes, notamment en leur réservant des places au parlement. Ces progrès sont à nuancer par une intensification de la corruption et de la répression des opposants.
Le renversement de la présidence de Nkrumah marque le début d’une longue série de coup d’Etat et d’instabilité politique teintée de népotisme et de clientélisme. Lassé de la situation, Jerry Rawlings, ancien putschiste mort en novembre dernier, propose à son pays une « révolution morale », incarnée par un référendum constitutionnel. La Constitution présentée est alors basée sur les recommandations de neuf juristes, et garantit les libertés individuelles, la liberté d’expression, le pluralisme politique et l’indépendance de la justice, éléments clefs d’un système démocratique. Calquée sur les démocraties américaine et française, elle est approuvée en 1992 à 92% des voix. Jerry Rawlings est élu président, il enchaîne deux mandats. Lors des élections de 2000, son opposant John Kufuor obtient une majorité des voix : Rawlings lui cède alors pacifiquement le pouvoir, attestant de la réussite du nouveau système.
Depuis, les partis politiques alternent au pouvoir sans conflit majeur. De fait, le succès de la démocratie ghanéenne fait figure d’exception en Afrique : même au sein des pays affichant un multipartisme et des élections, il ne s’agit souvent que d’une démocratie de façade, dans la mesure où les gouvernants restent au pouvoir, comme au Gabon, au Togo, au Tchad, au Cameroun ou au Congo, par exemple.
Le 7 décembre 2020, les 17 millions d’électeurs ghanéens ont été appelés aux urnes pour choisir leur nouveau président. Le président Nana Akufo-Addo, du Nouveau Parti Patriote (NPP), a été réélu au terme d’un scrutin très serré, face à son opposant principal John Mahama, du Congrès Démocratique National (CDN), ainsi que dix autres candidats, dont, pour la première fois, trois femmes.
Que retenir de cette élection ? D’abord, qu’elle a ouvert un vrai débat politique, excluant tout manipulation et instrumentalisation ethnique ou religieuse, malgré la fragmentation de la population sur ces deux plans. Ensuite, que les observateurs internationaux ont attesté de la bonne gestion des élections et ont validé le scrutin.
Toutefois, quelques points restent encore à déplorer. Le jour de l’élection, une fusillade dans le nord du pays a fait cinq morts selon la police : les observateurs internationaux n’ont pas estimé qu’elle ait été une entrave au processus démocratique. Aussi, malgré la signature d’un « pacte de paix » entre Akufo-Addo et Mahama le 4 décembre pour reconnaître la décision du peuple, le perdant de l’élection a, dans un premier temps, refusé le scrutin et menacé de demander un recomptage des voix. Enfin le pays est toujours touché par la corruption symptomatique des pays riches en ressources naturelles.