Par Sophie Squillace
Posté le 5 mars 2021
Chargé de chocolat bio, le cargo à voiles est arrivé à Nantes le 17 février de sa première traversée transatlantique, avant d'atteindre sa dernière étape : Saint-Nazaire. Après trois mois de navigation, Grain de Sail vient de démontrer que la voile peut être une belle alternative pour le transport de marchandises.
Plus d'un siècle après le Belem, navire mythique du commerce français, Grain de Sail renoue avec les routes maritimes qui ont fait les beaux jours des voiliers de charge. L’entreprise Grain de Sail, spécialisée dans la production de chocolat et de torréfaction de café, est bien décidée à acheminer ses matières premières sans émissions carbone.
Ce bateau de 24 mètres de long, capable de transporter 50 tonnes de marchandises, est parti chargé de 15 000 bouteilles de vin bio français et de liqueurs à destination de cavistes et restaurateurs de New-York. Cap ensuite vers les Caraïbes et la République Dominicaine pour récupérer 33 tonnes de cacao biologique. Une fois débarquée au port de Saint-Nazaire, cette matière première est transportée jusqu'à Morlaix où elle sera ensuite transformée en tablettes de chocolat.
A l’arrivée à Nantes, Loïc Briand, capitaine du bateau et directeur général de Grain de Sail, souligne que le bateau a bien tenu la mer, en faisant des pointes à 22 noeuds (40 km/h) et en franchissant des vagues de 15 mètres sans aucune difficulté. « Cette première traversée était un exercice pour démontrer qu'un transport maritime plus respectueux de l'environnement est possible », ajoute-t-il.
Tout a commencé à Morlaix, dans le Finistère, où quelques irréductibles Bretons ont décidé de renouer avec le transport maritime à la voile en créant Grain de Sail en 2010. Le trio de quadragénaires passionné de nautisme a lancé un projet fou, aller chercher du café et du chocolat à l’autre bout du monde, en limitant au maximum l’émission de CO2. En 2018, ils décident de faire construire leur propre bateau pour assurer son approvisionnement. La goélette est née et va pouvoir opérer deux rotations par an de part et d'autre de l'Atlantique.
Une seconde traversée vers l’Amérique est déjà prévue. Cette fois, Grain de Sail souhaite ramener deux tonnes de café en plus du chocolat, soit 36 tonnes. L’équipe prévoit également de construire en 2022 un second cargo à voiles, long de 50 mètres, pouvant transporter 250 tonnes de marchandises. Après l'ouverture d'une nouvelle usine à Morlaix, elle envisage de construire une autre chocolaterie à Dunkerque l’an prochain, et de porter d'ici cinq ans sa flotte de cargos à voiles à trois navires. Ainsi, Grain de Sail rêve de relier les continents et d’échanger des saveurs, du rhum, du thé, des épices…
Cette aventure bretonne ouvre de nouveaux horizons pour le fret commercial à la voile. La société Neoline, basée à Nantes, est en train de concevoir deux cargos à la voile de 136 mètres de long, pour transporter des véhicules chargés, et prévoit d’ouvrir bientôt une ligne entre Saint-Nazaire et la côte est des États-Unis.
Une autre société basée à Nantes, Zéphyr & Borée, souhaite lancer d'ici 2022 un système de propulsion vélique qui pourra réduire de 20 à 50 % les émissions de CO2 des navires. Enfin, les Chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire, en partenariat avec des industriels bretons et des Pays de la Loire, ont annoncé récemment le développement d’une nouvelle génération de voile rigide pour propulser les paquebots de demain. Ceux-ci verraient leurs émissions de gaz à effet de serre réduites de près de 50 %.
Comme le rappelle Jean Le Cam, navigateur de retour du Vendée Globe : « On a découvert le monde avec des bateaux à voile. Les gens l'ont oublié. Je trouve ça génial qu'on revienne à ces valeurs fondamentales. » Les voiliers-cargos portent en eux l’esprit d’aventure qui change des autres navigations. La marchandise arrivera quand le vent la portera !