Italie, les bateaux de croisières bannis du centre-ville de Venise

Société

Par Sophie Squillace

Posté le 7 avril 2021

Photo Sources: Manuel Silvestri / REUTEURS.

Voilà une bonne nouvelle en provenance d’Italie. Le 25 mars, le gouvernement transalpin a annoncé l’interdiction de l'accès aux grands navires de croisière au centre de Venise. Accusés d’être dangereux, de polluer et de défigurer le paysage, ces géants des mers devront accoster au port voisin de Marghera, avant qu’une solution à long terme ne soit trouvée.


Dans les ruelles et canaux de la Cité des Doges, tout le monde a été témoin de la différence avec le « monde d’avant » ; une Venise moins asphyxiée, plus propre, une lagune plus protégée. Débarrassées des bateaux de croisière, les eaux ont en effet retrouvé leur transparence et leur calme. Car il ne faut pas oublier que chaque année, 600 bateaux de croisières accostent à Venise. L’urgence du problème vénitien devra de toute évidence être affronté après la crise sanitaire.

L’avenir du tourisme dans la lagune de Venise

Quel terrible cliché que celui des monstres marins voguant dans la lagune vénitienne. La belle et fragile Venise, si unique par ses richesses historiques et architecturales, a connu un développement touristique ravageur depuis des décennies. La crise sanitaire mondiale a mis en lumière la dépendance totale que le tourisme de masse fait peser sur la ville. La « monoculture touristique » en place à Venise montre ses limites actuellement, une question d’équilibre est soulevée, comme si la pandémie mondiale avait accéléré la prise de conscience.

Les acteurs politiques réfléchissent à différents moyens de réguler l’accès aux navires au centre historique, pour éviter que le tourisme joue un rôle dangereux et destructeur pour la ville elle-même. Comment défendre l’écosystème unique de la lagune et protéger une ville trop longtemps abîmée par près de 30 millions de visiteurs annuels ?

Venise a un peu de répit depuis un an, laissant espérer un sérieux changement quant au modèle de développement touristique débridé de la ville. C’est dans ce moment historique, alors que la Cité des doges est privée de visiteurs, qu’une décision cruciale pour l’avenir du tourisme dans la lagune a été prise par le gouvernement italien. Le journal Il Gazzettino a annoncé jeudi 25 mars que les ministres de la Transition écologique, de la Culture, du Tourisme et des Infrastructures italiens se sont mis d’accord pour dévier le trafic des grands navires de Venise vers Marghera, commune voisine située sur la terre ferme - loin du cœur historique de la ville, mais toujours dans la lagune - afin de « réduire le trafic dans les canaux du centre historique ». Pour l’instant, il est donc prévu que Marghera accueille les énormes bateaux de croisière qui, jusqu’à présent, traversent le centre de la ville historique de Venise.

Plus de navires de croisière dans le canal de Venise

Cette question est un sujet majeur dans la cité vénitienne depuis quelques temps. Les citoyens et les associations écologistes se mobilisent pour préserver le patrimoine de leur ville et dénoncer également la pollution visuelle engendrée par ces imposants navires longeant de très près la place Saint Marc. Sans oublier l’impact dévastateur de ces énormes bateaux sur les fondations de la ville. Venise, principalement construite en bois vieux de plusieurs siècles, est bâtie sur d’anciennes fondations, menacées par les remous et vagues que les navires provoquent avec leur moteur et manœuvres. Classée au patrimoine de l’Unesco, la ville sur pilotis pourrait voir ses structures totalement s’effondrer avec les croisières régulières et le tourisme de masse directement lié. En haute saison, près de dix bateaux débarquent dans la ville chaque jour, déversant leurs flots de milliers de touristes.

Les ministres concernés ont également annoncé le lancement d’un appel à projet, « un concours d’idée pour porter les navires en dehors de la lagune et résoudre de manière structurelle et définitive le problème des grands bateaux à Venise ». On comprend donc que ce n’est ni une solution immédiate ni définitive. Déplacer le problème à quelques kilomètres ne résout pas le problème de la pollution qu’engendrent ces navires de tourisme sur cet environnement déjà fragilisé. L’article du journal italien rappelle que pour qu’un autre projet voit le jour en dehors de la lagune, un nouveau terminal devra être construit, demandant un investissement de plus de 40 millions d’euros.

Il faut rappeler qu’il ne s’agit pas de la première annonce de ce genre. Le gouvernement avait déjà annoncé en août 2019, qu’il commencerait à dérouter les immenses paquebots du centre historique de Venise dès le mois de septembre de la même année, suite à l’incident qui s’était déroulé en juin 2019, quand l’un d’eux avait heurté un quai et un autre bateau, illustrant le danger représenté par ces géants des mers déambulant dans le canal de la Giudecca. Le journal milanais Corriere della Sera rappelle que pour trouver une solution définitive en dehors de lagune, avec les idées et autorisations nécessaires, il faudra surement une dizaine d’années avant que le projet se concrétise… En attendant, le gouvernement italien contraint les navires à jeter l'ancre à Marghera, le port industriel de la ville.