Par Sophie Squillace
Posté le 25 mars 2021
En ces temps troublés, se tourner vers les mots de Khalil Gibran est une belle manière de trouver une échappatoire, d’éveiller à la réflexion et à la spiritualité. Près de cent ans après sa mort, le poète libanais le plus connu au monde continue de nous envoûter par la beauté de sa philosophie universelle et intemporelle.
A côté de l’indispensable « Petit Prince » d'Antoine de Saint-Exupéry, ou de « Siddhartha » d'Hermann Hesse, Khalil Gibran prend une place essentielle dans notre bibliothèque. C’est le livre de chevet des amoureux de poésie et de tous ceux qui s'interrogent sur la vie spirituelle au sens large.
Le poète, artiste et philosophe est né en 1883 dans le petit village chrétien de Bcharré, dans les montagnes du nord du Liban. A l’âge de 12 ans, après l’arrestation et l’emprisonnement de son père, il émigre avec sa mère, ses deux sœurs, ainsi que son demi-frère, à Boston. Trois ans plus tard, ses parents le renvoient seul au Liban pour apprendre l’arabe classique et le français à l'école de la sagesse, à Beyrouth. Puis il part pour un voyage autour de la Méditerranée et visite quelques pays d’Europe.
Lorsqu’il retourne à Boston, il perd coup sur coup sa mère, son frère et ses sœurs, terrassés par la maladie. A cette époque, il rencontre Mary Haskell, qui va devenir son mécène, et avec qui il entretiendra une relation unique tout au long de sa vie. Grâce à elle, il part s‘installer à Paris pour étudier la peinture, notamment aux Beaux-Arts.
Son premier ouvrage, « Les esprits rebelles », dénonce les travers de la société libanaise, la place réservée aux femmes, le poids de l’église et les traditions féodales de son pays natal. Malgré son amour profond pour sa patrie, il se montre très critique « Votre Liban est un imbroglio politique que le temps tente de dénouer. Mon Liban est fait de montagnes qui s'élèvent, dignes et magnifiques, dans l'azur ». Ce recueil de nouvelles aux airs contestataires vaudra au livre d'être brûlé en place publique à Beyrouth, sur ordre des Ottomans dont il dénonçait la tyrannie.
En 1910, il revient aux États-Unis et s’installe définitivement à New York où il devient un peintre réputé. A travers ses tableaux, il exprime une sensualité lyrique se confondant aux paysages inspirés de son Liban natal. Il se consacre à la peinture, mais aussi à la poésie, qu'il compose à la fois en anglais et en arabe. C'est avec son livre, « Le Prophète », traduit dans plus de quarante langues, qu'il connait une notoriété internationale.
Publié en 1923, « Le Prophète » connaît un succès immédiat. Son humanisme aux résonances évangéliques fait sensation chez les lecteurs en quête d'absolu. Véritable hymne à la vie et à la liberté, « Le Prophète » serait le livre le plus lu après la Bible.
L’œuvre est présentée comme un recueil de vingt-six poèmes délivrés par Almustafa, un prophète en exil, au peuple de la ville fictive d'Orphalese. Khalil Gibran y livre une réflexion profonde et lyrique sur des thèmes universels comme la famille, l’amour, la nature, les enfants, le travail, la liberté ou la mort.
« Tout ce que vous avez, sera donné un jour ; donnez donc maintenant, afin que le moment de donner soit le vôtre et non celui de vos héritiers. » Retrouvez quelques-unes de citations du « Le Prophète » les plus inspirantes sur Babel Voyages.
Fidèle à son éducation, Khalil Gibran est toujours resté attaché à ses racines orientales, sans pour autant s’attarder sur le passé, en quête perpétuelle de renouvellement. Laisser de l’espace pour accueillir l’avenir. On retrouve cette idée dans sa prose, lorsqu’il recommande aux parents de ne pas faire de leurs enfants des prolongements d’eux-mêmes : « Vos enfants ne sont pas vos enfants, ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même. »
À travers ses mots puissants, il nous invite à cultiver notre besoin vital de rêver, tout le temps, de jour comme de nuit. Pour le poète, rêver ne signifie pas s’évader du réel, c’est le transcender. Le rêveur est celui qui se donne les moyens de construire son avenir. Khalil Gibran honore bien sûr l’amour, à commencer par le sien propre. Tout part de soi, le bonheur naît du fond de son cœur, il n’est jamais le résultat des événements extérieurs. « Il est en moi un ami qui me console à chaque fois que les maux m’accablent et que les malheurs m’affligent. »
Khalil Gibran disait que ce que l’homme a de plus divin en lui, c’est « l’émerveillement qu’il a devant la vie ». Ce grand amoureux des arbres, ces « poèmes que la terre écrit sur le ciel », était un écologiste avant l’heure, magnifiant le lien entre la vie humaine et la nature, qu’il considérait comme un être vivant.
« Nous ne vivons que pour découvrir la beauté. Tout le reste n'est qu'attente », disait-il. Une beauté qu'il a voulu refléter également par la peinture, même si ses œuvres sont moins connues dans le monde francophone que ses poèmes spirituels.
Après des années de santé très précaire, Khalil Gibran décède à 48 ans à New York. Il repose aujourd’hui à Bcharré, dans la crypte du monastère de Mar Sarkis, comme il l'avait souhaité. Vous pouvez vous y rendre lors d’un voyage au Liban et visiter l’unique Musée Gibran de Bcharré qui retrace sa vie et abrite plus d’une centaine de ses tableaux, ses livres et les affaires de son atelier de New York. D’autres toiles se trouvent au Metropolitan Museum of Art de New York, rassemblées par Mary Haskell, sa protectrice.
Petite sélection bibliographique :
Les esprits rebelles (1908)
Le Fou (1918)
Le Sable et l'Écume : Aphorismes (1926)
Jésus, fils de l'homme (1928)
L'Errant (1932)
Le Jardin du Prophète (1933)
Khalil Gibran une biographie, J.P. Dahdah (Albin Michel, 2000)
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