Par Elodie Mercier
Posté le 30 mars 2021
Un projet aurifère colossal, prévoyant une exploitation dans une mine de 400 mètres de profondeur : voilà le rêve de la compagnie de la Montagne d’Or, portant joliment le nom du site qu’elle pourrait détruire. Largement décrié par les populations locales, le projet pourrait bien ne jamais voir le jour. On ne s'en plaindra pas.
Alors qu’elle aurait pu être la plus grande exploitation minière, la Montagne d’or n’a pas fait le poids face aux défenseurs de l’environnement, associés aux populations autochtones souhaitant préserver une terre ancestrale.
Exploitée depuis une centaine d’années pour sa réserve aurifère, la montagne d’or aurait pu prendre une ampleur considérable, d’après le projet de la compagnie minière éponyme. Afin d’accroître les revenus générés par le site, les sociétés canadienne Columbus Gold (chargée de l’exploitation) et russe Nordgold (chargée de l’extraction) prévoient d’en faire une exploitation industrielle.
Malgré les controverses sur les effets sociaux, sanitaires et environnementaux, les entreprises avancent avec assurance des arguments économiques pour convaincre les populations et les autorités locales. La compagnie Montagne d’or annonce ainsi une forte création d’emploi, argument de poids dans une des régions les plus fortement touchées par le chômage. Quelques 700 à 800 emplois directs, ainsi que 3 000 indirects sont vantés par l’entreprise. Au total, après l’extraction de 85 tonnes d’or, les retombées économiques seraient estimées à 3 milliards d’euros.
Les promesses de la compagnie minière cachent mal les nombreuses polémiques au sujet de l’exploitation. Entre 70% et 90% de la population guyanaise s’oppose au projet : parmi eux, les associations écologistes, mais aussi les populations locales et amérindiennes. Et pour cause : la mine en question se situe entre deux réserves biologiques amazoniennes, et quelques 600 hectares devraient être rasés. Si la compagnie Montagne d’or vante l’usage d’énergie solaire et un plan de gestion des déchets, le projet risque tout de même de mener à une augmentation de 50% des émissions de gaz à effet de serre en Guyane.
Auparavant exploitée avec du mercure, déjà dangereux pour l’environnement et pour la santé humaine, la montagne d’or pourrait désormais être exploitée avec du cyanure. Chaque jour pendant les douze années d’exploitation prévues, 20 tonnes d’explosifs et 10 tonnes de cyanure devraient être utilisés sur le site.
D’un point de vue économique, la Montagne d’or ne devrait pas constituer une aubaine pour le territoire guyanais. D’abord parce que la création d’emploi ne concerne que les 12 années d’exploitation de la mine, laissant autant de chômeurs par la suite, ensuite parce que 90% des retombées économiques ne seront pas perçues par la Guyane.
Face à ces risques sanitaires et environnementaux, le président de la République lui-même s’est opposé au projet en 2019.
La mise en œuvre (ou non) du projet de la Montagne d’or a connu plusieurs revirements de situation. D’abord en 2019, au mois de janvier, il avait été considéré que le ministre de l’Economie Bruno Lemaire rejetait le projet, dans la mesure où le délai de prolongement des concessions minières accordées à Colombus Gold et Nordgold avait été dépassé, sans qu’il n’exprime son accord.
Ce rejet implicite a été annulé par le tribunal administratif de Cayenne, le 24 décembre 2020 : celui-ci a « enjoint l’État » à prolonger les concessions, considérant les arguments du gouvernement comme trop faibles.
Résolu à la non mise en œuvre du projet, le gouvernement a réaffirmé le 3 février 2021 son opposition à l’exploitation industrielle de la Montagne d’Or.
Le projet de loi « climat et résilience », actuellement discuté à l’Assemblée nationale, prévoit d’ailleurs une réforme du code minier, incluant une obligation pour les exploitants de réparer les dommages causés sur l’environnement. Réclamée par la Convention citoyenne pour le climat, cette réforme risque de ne pas voir le jour. Craignant la disparition de cette mesure dans la loi, les citoyens se sont mobilisés, vendredi 28 mars dernier, pour exiger une « vraie loi climat ».