"La Rizière", Xiaoling Zhu au pays du peuple Dong

Culture

Par Laetitia Santos

Posté le 30 avril 2012

Superbe chronique rurale sur la vie du peuple Dong au fin fond de la Chine, "La rizière" est le dernier film de la réalisatrice française d’origine chinoise, Xiaoling Zhu. Tête-à-tête avec elle pour échanger sur le sort d’un peuple dont les traditions tendent à disparaître face au modernisme qui leur fait de l’oeil...


- "La rizière", est le 1er film tourné entièrement en Dong. Pouvez-vous nous expliquer dans quelle partie de la Chine ce dialecte est-il parlé et pourquoi avoir tourné entièrement la pellicule dans cette langue ?

La région des Dongs, où j’ai tourné La Rizière, se trouve au carrefour de trois provinces, au sud de la Chine : Guangxi, Guizhou et Hunan. Aujourd’hui, ils sont environ quatre millions d’habitants, qui parlent le Dong. Le parti pris du film, c’est un témoignage sur ce peuple, sur cette culture, et donc aussi sur cette langue, c’est pourquoi j’ai choisi de le tourner en Dong.

- On sent que dans ce décor de profonde campagne chinoise, les traditions sont encore très ancrées. Pouvez-vous nous parler de l’ethnie des Dong, et des particularités de leur culture ancestrale ?

Le peuple Dong a de riches traditions. Aujourd’hui encore, ils vivent de la culture du riz, pour nourrir leur famille et non pour le vendre. Ils sont réputés pour leur architecture en bois, notamment les ponts sacrés et les Tours du Tambour, pour leurs costumes, leurs broderies, mais aussi pour le chant.

- La mère d’A Qiu est justement douée pour le chant. J’ai lu que la langue Dong comportait un nombre étonnant de tons et que le chant était donc un mode d’expression particulièrement adapté. Pouvez-vous nous en parler ?

C’est vrai que la langue Dong est plutôt musicale, avec ses quinze tons, comparée au Mandarin qui en a seulement quatre. Le chant, dans leur culture, est une vraie richesse. Avant, on appelait cet endroit « La Mer des Chansons », parce que les habitants chantaient dans la vie quotidienne pour exprimer leur joie et leur tristesse et aussi dans toutes sortes d’occasions, enterrement, mariage, fin des moissons, etc. Ces traditions ont été interrompues pendant la Révolution Culturelle (ndlr : de 1966 à 1976) puis sont vite revenues.

- On comprend à travers ce film que le riz est la base de la survie de ce peuple. Pensez-vous que les modifications climatiques pourraient engendrer leur perte si l’eau par exemple venait à manquer ? Est-ce une menace selon vous pour les Dong ?

Le climat de cette région montagneuse est plutôt équilibré. Comme ailleurs, la sécheresse peut sévir, mais il existe un système d’irrigation qui est très ancien, avec des lacs, des rigoles. Le temps est très humide, il pleut beaucoup, alors si on compare à d’autres régions, la sécheresse est moins menaçante qu’ailleurs.

- Le monde moderne semble menacer cette culture Dong, ses traditions, sa langue, son mode de vie... Peut-on parler d’extinction de cette culture à l’heure actuelle ?

Je pense que les Dongs, comme d’autres peuples, ont beau avoir des traditions très fortes, ils ne peuvent absolument rien contre la modernité, c’est ça le problème. Les gens ont besoin d’être en relation avec le monde extérieur. La menace, c’est la modernisation, mais en même temps, notre rôle n’est pas d’empêcher tout un peuple de se tourner vers l’avenir.

- En découvrant ce film, on a qu’une envie, aller découvrir cette superbe campagne chinoise reculée. Pensez-vous qu’un tourisme raisonné, à la rencontre de ce peuple, dans le respect de sa culture, pourrait être un moyen de préserver leurs traditions et d’inciter les Dong à conserver tout ce qui fait leur unicité ?

D’abord, il faut dire que les touristes, surtout les touristes occidentaux, sont les bienvenus, il existe une grande tradition d’accueil dans les villages. La région a pris conscience, notamment grâce à ce film, qu’il faut préserver à tout prix la culture Dong. Il faut trouver un équilibre, en évitant de trop en faire, de construire des hôtels partout, etc. Un tourisme raisonné permet de motiver des villageois à rester là, à gagner leur vie tout en perpétuant l’artisanat, comme par exemple les broderies que font les femmes. Il faut bien voir qu’actuellement, beaucoup de gens partent en ville. Au bout d’un moment, il n’y aura plus personne dans les villages. Il faut trouver des solutions en évitant de faire n’importe quoi et un tourisme réfléchi peut sans aucun doute aider...

La rizière, de Xiaoling Zhu
Sortie le 2 mai 2012