La Suisse, vue des trains panoramiques

Babel Plans

Par Élise Chevillard

Posté le 30 décembre 2019

À l’heure où les changements climatiques se font de plus en plus ressentir, où les ravages du tourisme de masse ne sont plus à démontrer, les touristes sont de plus en plus nombreux à laisser leur voiture au garage et à chercher des alternatives douces pour se déplacer et prendre le temps de voyager. Et si vous partiez découvrir la Suisse autrement, à bord du Bernina Express et du Gotthard Panorama Express ?


Ces trains panoramiques parcourent le pays du Nord au Sud, d’Est en Ouest, de Lucerne à Coire, en passant par Lugano et tracent des traits d’union entre les montagnes glacées et les palmiers. A un rythme ralenti, les différents visages (allemands, français et italiens) et paysages de la Suisse se dévoilent, sans perdre notre fil conducteur : la voie ferrée.

Un voyage contemplatif et plus écolo

Avec près de 29 000 kilomètres de lignes pour un territoire qui compte à peine 41 285 km², la Suisse possède un réseau de transports publics développé et étroitement lié au tourisme. Randonneurs, amateurs de nature, touristes, ils sont nombreux à opter pour ce mode de déplacement plus écolo.

De nombreux trains panoramiques longent des lacs, prennent de l’altitude, se frayent un passage entre les glaciers et jouent à saute-mouton entre les vallées. Les grandes baies vitrées permettent d’approcher et d’apprécier la richesse de ses décors naturels préservés en suivant des itinéraires, parfois inscrits au patrimoine de l’UNESCO.

Les trains sont équipés d’audioguides et, pour certains, d’un service de restauration à la place avec des spécialités de la région. Voyager à leur bord, c’est donc l’occasion de découvrir plus lentement la Suisse côté nature sans impacter l’environnement, mais aussi les villes lacustres. Avec un parfum d’aventure, le voyage commence ici, lors du trajet en train.

Le Swiss Travel Pass : véritable couteau suisse du voyage en Suisse

Le Grand Tour Suisse en Train réunit les plus belles lignes panoramiques de Suisse en un circuit unique : le Glacier Express, le Bernina Express, le Gotthard Panorama Express, le Lucerne Interlaken et le Golden Pass Panoramic. Vous pouvez commencer le tour où vous voulez avec en poche un seul titre de transport : le Swiss Travel Pass. A vous de composer votre itinéraire sur trois, quatre, huit ou quinze jours consécutifs.

Ce précieux sésame vous permet d’effectuer des trajets illimités en train panoramique, en bus ou en bateau à travers toute la Suisse, en première ou bien en deuxième classe. Sans oublier l’accès aux transports publics dans plus de soixante-quinze villes suisses, une réduction sur la plupart des trains de montagne, ainsi que l’entrée dans un grand nombre de musées.

Comment se rendre en train en Suisse?

20 TGV Lyria relient chaque jour Paris à la Suisse, avec des trajets directs jusqu’à Genève, Lausanne, Bâle, Berne et Zurich.

Les trains panoramiques fonctionnent toute l’année, toute l’année, sauf le Gotthard Panorama Express qui ne circule pas en hiver.

Jour 1 – Lucerne, montagnarde et portuaire

La Ville des lumières… Lucerne tient ce surnom des pêcheurs qui, selon une légende, auraient aperçu une lumière à l'approche de la ville. Située en Suisse centrale, elle est bordée par le très romantique lac des Quatre-Cantons, que les Suisses considèrent comme leur mer intérieure.

Tout autour, les montagnes plongées dans la brume, ressemblent à des estampes chinoises, striées de lignes de chemins de fer et de téléphériques qui emmènent les randonneurs dans des trains à crémaillère. Du haut de ses 1797 mètres, le Rigi est desservi par Le Vitznau-Rigi, premier chemin de fer de montagne en Europe, inauguré en 1871. C'est un lieu de randonnée très apprécié.

Lucerne, ville à deux visages, à la fois moderne et médiévale, accueille son palais de la culture et des congrès : un bloc de béton noir entouré d'eau et imaginé par l'architecte Jean Nouvel. Il abrite un musée d'art, un auditorium doté d'une acoustique qui figure parmi les meilleures au monde, ainsi qu'un restaurant. D'ici, on aperçoit plusieurs tours médiévales dépassant les toits de la ville.

Au Moyen Âge, Lucerne était une forteresse dotée de quatre ponts de bois, ceinturée de remparts ponctués d'une trentaine de tours. Aujourd'hui, seules neuf tours sont encore debout, ainsi qu'une partie des remparts et le fameux pont de la Chapelle qui traverse la Reuss. Construit en 1360, il est l'un des plus anciens ponts couverts en bois d'Europe. L'incendie survenu en 1993 a malheureusement emporté une partie du pont d'origine ainsi que certaines peintures sur bois, datant du XVIIe siècle et qui racontaient l'histoire de la ville.

Prenez le temps de vous promener le long du lac à l'ombre des saules-pleureurs, et de naviguer sur ses eaux calmes à bord d'un des bateaux à vapeur toujours en activité.

Jour 2 – De Lucerne à Lugano avec le Gotthard Panorama Express

11h12. Il est temps de quitter la belle Lucerne, pour rejoindre Fluelen à l'autre extrémité du lac, point de départ du Gotthard Panorama Express qui combine bateau et train. Tout au long de ce voyage sur l'eau d'environ trois heures, défilent des villas, des châteaux, autant de lieux imprégnés d'histoire de la Suisse Centrale comme la maison de Wagner qui surgit derrière la brume mais aussi la prairie du Grütli, le Rocher de Schiller ou encore la chapelle de Tell.

Ce matin, les nuages peinent à se dégager des montagnes. Le bateau glisse doucement sur l'eau sans faire une vague et longe des criques mythiques et des paysages pittoresques. A Weggis, Gersau, Treib, ou encore Brunnen, certains montent, d'autres descendent. Fluelen, terminus. Les passagers qui restent, rejoignent directement le train du Gotthard Panorama Express (lancé en 2017) qui attend juste en face. C'est le début d'un autre voyage en train qui franchit les Alpes jusqu'au Tessin et Lugano.

13h55. Un puissant sifflet retentit. Les voyageurs ont pris place près des fenêtres pour ne rien perdre du spectacle à venir. Très vite, le train prend de la vitesse pour se faufiler dans les vallées avec les sommets enneigés en toile de fond. Le tracé de la voie de train est audacieux et comporte plusieurs tunnels hélicoïdaux, permettant au début du parcours d'apercevoir l'église de Wassen sous trois angles différents.

Un wagon sans siège est destiné aux photographes amateurs. Assis près des grandes baies vitrées qui montent jusqu'au toit, on se laisse aller à la contemplation du paysage qui défile, mais aussi à la rêverie. L'esprit vagabonde, bercé par le ronronnement continu du train.

Voyager avec le Gotthard Express, c'est aussi faire un voyage à travers le temps dans le tunnel du Saint-Gothard. Là où les marchandises étaient autrefois transportées à dos de mulet du Nord au Sud avec l'ascension du col du Gotthard, un premier tunnel ferroviaire (de 15 kilomètres) a été creusé en 1882. Ce sera le premier à traverser les Alpes, mais aussi le plus long (57 kilomètres aujourd'hui).

A l'intérieur, des scénographies consacrées à l'histoire et à la légende du Saint-Gothard sont projetées sur les murs. Hors du tunnel, les paysages continuent de défiler pour devenir plus méditerranéens à l'approche du Tessin. L'architecture des maisons, elle aussi, change un peu. Un parfum d'Italie envahit les rames. L'arrivée est prévue en fin d'après-midi à Lugano.

Jour 3 – Lugano, la belle italienne

A deux pas de l’Italie, au bord du lac du même nom, Lugano située dans la partie méridionale de la Suisse, est la plus grande ville du Tessin. Depuis la gare, on contemple le lac en contrebas, teinté de vert et baigné d’une douce lumière de cette fin d’été. Un funiculaire permet de descendre sur ses rives.

Quand le train est arrivé à Lugano, il a ouvert la ville sur le monde à la fin du XVIII siècle. Le Tessin est devenu Suisse en 1803, mais l’architecture est restée lombarde, et on y parle italien. Dans les assiettes aussi on retrouve des notes italiennes : risotto, polenta, liqueur de noix... Après un espresso sur la charmante place colorée della Riforma, on prend le temps de faire une longue promenade dans les rues piétonnes de son centre historique et sous ses arcades rococo au charme méditerranéen.

Sur les rives du lac bordées de palmiers, on se la coule façon dolce vita (mais avec une rigueur et une ponctualité Suisse) et on se prend à imaginer qu’on pose ici nos valises. En face, se profilent des vignes de Merlot et quelques pics enneigés.

Jour 4 – De Lugano à Coire en passant par Tirano avec le Bernina Express

Au quatrième jour, le voyage prend une autre direction. Il commence par un trajet en car de trois heures qui relie Lugano à Tirano. Rouge vif, le bus du Bernina Express ne passe pas inaperçu. Il longe dans un premier temps les rives du lac de Lugano d'un côté, et de l'autre la ville qui grimpe sur les montagnes avec ses palais couleur ocre, en équilibre. Puis on quitte le lac pour s'enfoncer dans la montagne. Lacet après lacet, la route se fait plus étroite, les tunnels s'enchaînent, et dévoilent des villages coupés en deux par la route. Le bus franchit une ligne imaginaire entre les deux pays.

Nous voici en Italie. Le couloir montagneux plonge dans un autre lac, celui de Côme. Le bus traverse la Valteline méditerranéenne et la vallée devient plus industrielle. La montagne est striée de vignes en terrasse qui s'étalent au pied de villages perchés. Après quelques virages, nous voici à Tirano. Juste le temps de déguster une pizza et c'est déjà l'heure de monter à bord d'un autre train panoramique : le Bernina Express. Ce dernier effectue l'itinéraire en train le plus élevé à travers les Alpes, en empruntant le « Chemin de fer rhétique » inscrit au Patrimoine mondial de l'UNESCO. Il tient son nom de la montagne Bernina, qui culmine à 4 048 mètres.

A la sortie de Tirano, le train prend l'apparence d'un tramway. Il serpente entre les immeubles, se fraye un passage dans la ville qui s'étend en hauteur, et s'engouffre dans une série de tunnels. Sur son parcours, il empruntera 55 tunnels et 196 ponts. Vaillamment, il poursuit son ascension, et ce, sans crémaillère.

Les constructeurs de la ligne ont ainsi imaginé l'étonnant viaduc circulaire de Brusio qui s'admire sous plusieurs perspectives grâce aux nombreux virages de la voie. Cette prouesse d'ingénierie s'harmonise avec un souci de préservation environnementale. Ici aussi les vitres sont immenses.

Puis le train entame doucement sa montée et quitte les vallées verdoyantes du Val Poschiavo. 429 mètres, 1014 mètres 2000 mètres … Au rythme paisible de 35 km/h. Le Bernina longe au plus près les rives du Lago Bianco, un lac de retenue qui doit sa teinte laiteuse à son alimentation en sable et en eau de glacier. Parfois, il fait une pause dans une petite gare.

Le Bernina se faufile, se tord, se courbe, à travers forêts, lacs et montagnes. Les lacets n'en finissent plus. La nature est ici à l'état brut. Peu à peu, la végétation change. Comme dans un film, le paysage défile par les grandes baies vitrées. Puis le paysage devient plus rocailleux, presque lunaire. Le train passe ainsi par la station de l'hospice de Bernina, perchée à 2 253 mètres d'altitude, la plus haute du réseau des Chemins de fer rhétiques.

Sur le toit du monde, on ne croise pas grand monde, à part quelques randonneurs qui s'amusent à nous saluer. Depuis les pics parés de neiges éternelles, des torrents glacés dévalent les montagnes. Vertige à nouveau. Le train rouge négocie un virage à 180 degrés, l'un des endroits les plus spectaculaires du parcours qui dévoile une vue à couper le souffle sur le massif de la Bernina et le glacier de Morteratsch.

Le Bernina Express s'élance ensuite en direction des régions de l'Albula et de l'Engadine, considérées comme parmi les plus belles régions de Suisse. Chaque passager est muni d'écouteurs individuels multilingues qui fournissent des explications sur les paysages traversés. Une application téléchargeable sur le téléphone, permet d'obtenir des informations sur la vitesse l'altitude et les points d'intérêt à voir.

Le train poursuit sa route et enjambe avec une facilité déconcertante le viaduc de Landwasser à 65 mètres au-dessus du précipice. Construit en pierre naturelle entre 1901 et 1903, il s'étend sur 142 mètres de long. Place à une paisible redescente, tout en courbes et en lacets vers Coire, après plus de quatre heures de voyage. En toile de fond, se détachent les montagnes des Grisons qui abritent la ville du vent du Nord.

Jour 5- Coire, ville alpine de tradition ferroviaire

Chur, en Suisse allemand, Coire pour les francophones, est la ville la plus ancienne de Suisse, située dans le canton des Grisons, dans la Suisse Romanche. Au bout de la grande rue piétonne, un perchiste regarde les trains qui arrivent ici depuis 1858 pour traverser les Alpes vers le Sud.

Commence ici, le centre historique en forme de cœur, qui cumule quelques 5 000 ans d’histoire. Si les montreurs d’ours et les porteurs d’eau ont disparu, certaines maisons médiévales sont encore debout.

On se promène dans son entrelacs de ruelles entièrement piétonnes et on se laisse surprendre par la découverte de cours intérieures, de fortifications médiévales, et par son architecture marquée par l’Italie. La cour épiscopale de Coire se dresse telle une ville miniature au dessus et abrite un palais ainsi qu’une cathédrale vieille de 800 ans. En hiver, les stations de skis sont accessibles directement depuis le centre-ville.

Jour 6 – Bâle, l’étonnante

Le lendemain, toujours munis de notre Swiss Travel Pass, nous rejoignons Bâle par le train. Le trajet est agréable et longe les lacs du Walenstadt et de Zurich, pour un voyage d'environ deux heures.

Située sur les bords du Rhin, au point de rencontre entre la France et l'Allemagne, la troisième ville de Suisse, derrière Zurich et Genève, mérite d'être connue. Bâle conjugue tradition et innovation, avec un petit grain de folie bien à elle.

Dans son centre, coup de cœur pour ses ruelles médiévales, ses vieilles demeures à colombages et ses nombreuses fontaines. Lors de votre visite, ne manquez pas de rentrer dans la cathédrale de Bâle, de contempler l'Hôtel de Ville avec son incroyable façade rouge éclatante et ses peintures murales, de faire un tour au Musée Tinguely – consacré à la vie et aux étonnantes sculptures mécaniques de Jean Tinguely (1925-1991), enfant du pays.

N'hésitez pas à flâner dans le quartier Saint-Alban, aux airs de petite Venise du Nord. Pour embrasser la ville du regard, montez sur la colline de la cathédrale pour une imprenable vue sur le Rhin. Bâle est une ville verte qui se découvre aussi bien à pied, qu'en tramway ou à vélo.

Emblème de la ville, le Rhin voit la vie s'y déployer sous toutes ses formes. On vient faire griller quelques saucisses lors d'un barbecue improvisé sur ses rives, prendre un verre dans les buvettes éphémères de bords de fleuve.

Celui-ci est navigable jusqu'à la mer du Nord. On y voit passer des bateaux solaires, mais aussi des bacs qui permettent de traverser d'un point à un autre, sans moteur, à la force du courant qui tire le câble. La croisière dure quelques secondes sur ce moyen de transport écolo qui existait déjà il y a 150 ans. On assiste aussi à des scènes cocasses.

On raconte que le matin, des hommes et femmes d'affaires se rendent à leur travail… à la nage ! Équipés d'un sac étanche en forme de poisson, où sont regroupées toutes leurs affaires, ils se laissent voguer pour se rendre à différents endroits portés par le courant et accrochés à leur bouée flottante. C'est devenu un sport national à Bâle et ils sont nombreux à se lancer lors du Basler Rheinwschwimmen, la baignade annuelle dans le Rhin.

Un quartier mérite largement le détour si vous continuez à longer le Rhin (dans le sens du courant). Avec ses faux airs berlinois, le quartier alternatif du Kliber est en pleine mutation. Les containers recouverts de graffiti par des artistes du street-art, sont là pour nous rappeler que nous sommes dans une zone portuaire et industrielle.

La végétation pousse entre les rails de l'ancienne voie ferrée, qui servaient à transporter les marchandises, tout comme les nombreux bars, foodtruck qui prennent place dans les anciens containers, ou encore dans ce vieux bus, dès que l'été arrive. Tout ici retrouve une seconde jeunesse, rien n'est perdu. Un bateau est même devenu une discothèque. Dans cette ambiance de bric et de broc, on peut venir jouer au ping-pong, boire des verres et refaire le monde.

Bâle

Ville suisse qui conjugue tradition et innovation, avec un petit grain de folie bien à elle

Coordonnées

Bâle, Bâle-Ville, CH