Par Laetitia Santos
Posté le 30 janvier 2021
Les amateurs d’art contemporain africain vont se régaler à cette adresse située à la sortie de Cotonou. Vallois, célèbre galeriste parisien spécialiste en la matière, a ouvert une galerie d’art co-fondée avec un collectif d’antiquaires de Saint-Germain-des-Prés et dirigé par le grand artiste béninois, Dominique Zinkpé.
On y expose les artistes béninois en vogue. De Gérard Quenum à Marius Dansou en passant par Remy Samuz ou encore Edwige Aplogan, le meilleur de l’art du pays se retrouve concentré là, dans un renouvellement permanent, à l’image du foisonnement artistique de la scène béninoise actuelle.
Des graffs habillent les murs extérieurs qui ceinturent le Centre et nous en envoient plein la vue lorsque l’on s’en approche. Pas de doute, ça sent l’art et la culture dans ce coin là ! Au Bénin, les adresses artistiques contrastent tant avec le reste des rues qu’elles se repèrent au premier coup d’œil.
Planté dans un jardin bien entretenu et pieds dans le sable, Le Centre se décompose en différents bâtiments dont deux principaux : le premier abrite les expositions temporaires d’artistes contemporains quand le deuxième renferme une collection de récades à découvrir en permanence. On s’enrichit tour à tour des arts passés et présents.
Plusieurs fois par an, Le Centre met en lumière la création de différents artistes béninois. Ouvert en 2015 et situé à Lobozunkpa, dans la commune d’Abomey-Calavi, tout juste à la sortie de Cotonou, le lieu a pour vocation de promouvoir les arts en tout genre, qu’il s’agisse de peinture, de sculpture, ou de photographie. À l’heure où l’on écrit, Le Centre propose même la toute première exposition de graffiti du pays ! Et si celle-ci n’est pas très grande avec ses quatre salles, elle en envoie plein les yeux avec un musée revisité par Seencelor Labombe et MrStone dans un éclatant mix de couleurs.
Accolé à l’espace d’exposition, une bibliothèque est ouverte au public. On peut s’y installer pour feuilleter des ouvrages spécialisés sur l’histoire de l’Afrique noire et plus particulièrement l’histoire de l’art. Les passionnés y passeront volontiers un après-midi tout entier.
À l’extérieur, le Jardin à Sculptures comme il a été baptisé, propose des œuvres du sud-africain Bruce Clarke, une grande silhouette tressée signée Remy Samuz, d’autres encore de Théodore Dakpogan ou Dominique Zinkpé.
En sortant du bâtiment principal, on tombe sur un second emplacement qui lui fait face. Ici, on délaisse le moderne et on se plonge dans l’histoire du royaume du Dahomey au travers des récades, cet objet de pouvoir royal qui servait d’attribut aux rois entre 1600 et 1900.
Et voilà qu’au travers de ce sceptre qui trouve son origine dans le monde paysan, comme objet servant à tourner les roues tout autant qu'à se défendre, on remonte l’histoire chronologiquement. En fongbe, on les appelle mankpo. Il y en a en bois d’iroquo comme en bois de prosopis, en corne ou recouvertes de feuilles de cuivre. Toutes sont sculptées et affichent les animaux emblêmes de chaque roi, du lion pour Glèlè au requin pour Gbehanzin en passant par l’ananas d'Agonglo. Certaines récades sont aussi dédiées aux divinités comme les nombreuses utilisées pour le culte d’Hevioso, dieu du tonnerre, Sakpata, la terre mère, Gu, dieu de la terre, du métal et du fer.
Quelques sabres viennent également compléter la collection, notamment ceux créés pour les Amazones, ces femmes guerrières, anciennes chasseuses d’éléphants intronisées par la reine Tasi Hangbè, la seule à avoir régné parmi des générations d’hommes. Enfin, quelques récades contemporaines imaginées par les fidèles de Vallois : Marius Dansou, Remy Samuz, Edwige Aplogan, Gérard Quenum… On revient dans le présent après un aller-retour dans le passé. La boucle est joliment bouclée.
En plus de détenir des pavillons où accueillir des résidences d’artistes, en plus d’un café où siroter un jus frais, en plus d’ateliers pour enfants qui ont lieu chaque semaine, Le Centre a le mérite d’agiter toute la réflexion qui a trait au retour des objets d’art au Bénin.
Si le petit musée de la récade compte aujourd’hui 98 œuvres, il n’en possédait que 37 à son ouverture en 2015. Robert Vallois, en collectant des objets qu’il a finalement cédé au Centre, notamment pour y enrichir la collection de récades, semble avoir dévancé l’État français dans le débat sur la restitution des objets traditionnels béninois. Pourtant, l’homme était critique quant à cette polémique : comment rendre de tels objets à leur pays d’origine si rien n’est fait pour accueillir dans de bonnes conditions ces précieux témoins de l'histoire ? La tenue de certains lieux historiques au Bénin, désastreuse à l’image des anciens palais royaux d’Abomey, tend à donner raison au marchand d’art. Rappelons que les 26 statuettes du Dahomey actuellement conservées au Musée du Quai Branly à Paris doivent être restituées à l’État béninois de façon imminente.
LA BONNE IDÉE EN + : tant qu’à être à Calavi, on vous conseille un Babel plan que vous ne trouverez pas ailleurs : la visite de l’univers de l’artiste Ezechiel Messou. Ce machiniste possède un modeste commerce de réparation des anciennes machines à coudre Singer, encore très utilisées pour la confection de vêtements traditionnels au Bénin. Il répare aussi les anciennes machines à écrire et s’est passionné pour tous les mécanismes anciens. À tel point qu’aujourd’hui, il les dessine ! Avec une finesse incroyable qui tranche avec son environnement de vie rude et brut, Ezechiel crée de fabuleux dessins entièrement confectionnés au stylo à bille. Un véritable travail d’orfèvre pour un artiste déjà repéré par Vallois, à découvrir dans l’ouvrage Artistes contemporains du Bénin : Artistes du monde, fraîchement édité il y a quelques mois de cela.
Un très joli centre d'art contemporain qui prend place dans un jardin rafraîchissant. Expos éphémères et collection permanente de récades anciennes.
Ouverture :
Du mardi au samedi : 10h > 18h30
Dimanche : 13h > 18h30
+229 62 40 56 56
https://www.lecentre-benin.com
Lobozounkpa (Atrokpocodji), rue avant le collège ‘‘La Plénitude’’, BJ