Le rêve de Francis Hallé, ré-ensauvager l’Europe

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Par Sophie Squillace

Posté le 2 décembre 2020

Photo Sources: Association Francis Hallé.

C’est un vrai voyage au long cours que nous propose le botaniste Francis Hallé. De l’espoir aussi, qu’il insuffle dans toute l’Europe pour que l’humain laisse la place à une forêt primaire. L’enjeu est de taille : laisser la nature travailler sur le long terme, pour transmettre aux générations futures un patrimoine naturel sauvage, source de vie, de savoirs, de culture.


Pour retrouver le bon équilibre du vivant dans son ensemble, la forêt est essentielle, primordiale. Et Francis Hallé le sait bien. Fervent défenseur du règne végétal depuis des années, il est connu pour ses expéditions à travers le monde sur les « radeaux des cimes », plateformes grâce auxquelles il voyage sur la canopée des forêts tropicales. Fort de ses années d’observation, Francis Hallé voit en la forêt primaire le moyen de lutter contre les bouleversements climatiques et l’appauvrissement de la biodiversité.

Première forêt primaire d’Europe

Une forêt primaire, c’est une forêt qui n’a été ni défrichée, ni exploitée, ni modifiée par l’Homme, un joyau de la nature où s’épanouit une riche biodiversité. On y trouve des arbres très gros, grands, une canopée fermée et une faune et flore sauvage exceptionnelles. En Europe, les forêts primaires ont pratiquement toutes disparues depuis 1850, sauf la forêt de Bialowieza en Pologne, aujourd’hui en danger. Dans d’autres parties du monde, il subsiste quelques forêts primaires, notamment en Amazonie, au Congo, en Indonésie, aux Etats-Unis ou au Canada, mais toutes subissent des menaces et un déclin alarmant.

Lancée en juin 2019, l’association Francis Hallé pour la forêt primaire s’engage pour la création d’une forêt primaire européenne. Les bénéfices écologiques d’une telle forêt sont immenses, notamment grâce à la captation du CO2, qui permet de réguler le climat. Elle permettra également de reconstituer des ressources hydriques et peut-être à des espèces nouvelles de renaître sur notre continent.

Ce projet d’envergure soutenu par des fondations, des scientifiques, des écrivains, comme Sylvain Tesson, des juristes ainsi que l’Union Européenne entre dans les objectifs du « Pacte vert » européen, qui entend instaurer la protection de 30 % des terres d’ici 2030. Le projet coûte peu, car il s’agit avant tout de trouver un espace et de laisser la nature évoluer librement sur une période de plusieurs siècles.

Innovant, solidaire et ambitieux

Le lieu idéal ? Un espace d’environ 70 000 hectares, soit l’équivalent d’un carré de 26 km de côté. La zone se précise, et sera bientôt trouvée. Elle sera transfrontalière, avec une base française. Francis Hallé évoque plusieurs endroits notamment dans les Vosges ou les Ardennes. Les zones montagneuses sont écartées, car c’est une forêt de plaine qu’il souhaite voir revivre, traversée bien sûr par un fleuve, pour apporter une grande diversité de vie. Lorsque l’on part d’un sol nu, une forêt primaire demande environ 1 000 ans. Si on part d’une forêt qui a par exemple 400 ans, il faudra alors six siècles. Pour gagner du temps, l’idéal serait de trouver une végétation déjà vieille de plusieurs siècles.

Un budget sera bien sûr consacré à la surveillance et à la protection des lieux. Il n’est pas question de planter des arbres, pas plus que d’en abattre, de récolter du bois mort, ni de chasser. Cet espace naturel pourra servir de lieu pour des actions de pédagogie et de découverte à destination du grand public, notamment pour un enseignement à l’environnement. Pour ne pas l’abîmer pendant sa croissance, les visiteurs pourraient emprunter des ponts de caillebotis surélevés ou bien l’explorer par les cimes, dans des appareils comme ceux que le botaniste utilisait lors de ses explorations des canopées.

Participer à un projet aussi audacieux sans le voir terminer de son vivant, voilà une proposition qui ne manque pas de sagesse. La démarche est d’ores et déjà très salutaire, et remet l’humain à sa place, un simple fragment du vivant qui n’est pas au sommet de l’évolution comme il le croit trop souvent.

Plus d’informations : https://www.foretprimaire-francishalle.org