"Le Sel de la Terre" : Salgado dans l’œil de Wenders

Culture

Par Élise Chevillard

Posté le 30 décembre 2020

Photo Sources: "Le Sel de la terre" de Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado ©Le Pacte.

Là où il n’y a pas assez de mots, il y a les photos. Celles de Sebastião Salgado, puissantes, en noir et blanc qui témoignent de la vie des hommes, de leurs souffrances et de la nécessité de protéger la planète Terre. Dans le documentaire Le Sel de la Terre (2014), le réalisateur allemand Wim Wenders explore la carrière de ce photographe brésilien humaniste, maître du noir et blanc et artiste engagé dans la lutte pour protéger l’Amazonie. Le film revient ici sur son parcours, entre séries de photos et éléments biographiques.


Sa voix est celle d’un conteur. Celui qui a vu ce que d’autres ne veulent pas voir. Son français est parfait. Pourtant, son accent chantant nous rappelle le pays d’où il vient. Sebastião Salgado est à cheval entre deux cultures, entre le Brésil et la France où il est installé depuis bientôt plus de 50 ans.

Un documentaire à trois voix

"Le Sel de la Terre" est un documentaire à trois voix**. Celle de l’ami complice, Wim Wenders. Celle du fils, Juliano Salgado, qui a accompagné son père dans ses derniers périples. Et celle du photographe face à sa mémoire et à son travail qui raconte et commente ses images.

Le film s’ouvre sur les clichés d’une immense mine d’or à ciel ouvert au Brésil. Les images qui défilent invitent au dialogue. On y découvre l’aventurier, mais aussi l’homme. Des territoires vierges aux paysages majestueux, des populations déplacées aux famines, les clichés de Salgado ouvrent les frontières et rapprochent les peuples. Présenté à Cannes en 2014, le documentaire a reçu le Prix spécial « Un certain regard ».

Disponible en VOD sur Universciné et Arte Boutique.

Naissance d’un photographe

Sebastião Salgado est né en 1944 dans le Minas Gérais (Brésil). Une région de mines et de forêts, aux reliefs vallonnés. À 5 ans, c’est le premier exode. Avec sa famille, il quitte la ferme où il vivait, pour une petite ville. Son père voulait qu’il soit avocat. Sebastião choisit l’économie. Le Brésil connaît alors une forte période d’industrialisation. En 1969, le pays est sous joug de la dictature. Opposant au régime, le jeune Salgado est menacé d’emprisonnement. Avec sa femme Leila, il choisit alors de se réfugier en France. Il ne reverra pas sa terre natale pendant 10 ans.

Sebastião a 25 ans quand il découvre Paris où il poursuit ses classes à l’École Nationale de la Statistique et de l’Administration Économique. Mais les chiffres ne l’intéressent pas. Leila vient d’acheter un appareil photo. Elle sera son premier sujet. Après un séjour à Londres, le couple revient s’installer dans la capitale française en 1973. Sebastião décide de tout recommencer pour se consacrer à la photo.

Un photographe de l’exode engagé

Dans un premier temps, Salgado travaille pour de grandes agences de presse. Sensibles aux changements planétaires, ses premiers reportages racontent la mondialisation. Dès 1980, il parcourt la planète. Avec son objectif, il saisit en noir et blanc le quotidien des mineurs au Brésil, le génocide en Éthiopie, la famine au Rwanda… Ses photographies dénoncent, témoignent, afin de sensibiliser sur l’état du monde.

Photo Sources: Sebastião Salgado / Polka Galerie

Dans les années 90, il retourne au Brésil pour reboiser la forêt de son enfance dévastée par la déforestation. Il crée ainsi l’Institut Terra, la plus grande organisation environnementale du Brésil. Grâce aux différents financements reçus, 5 000 sources d’eau ont été plantées, ainsi que 3 millions d’arbres dans une forêt qui se mourrait.

En 2013, Paris lui rend hommage en exposant « Genesis » à la Maison Européenne de la Photographie. Ce reportage est le fruit d’une trentaine de voyages à travers le monde pendant huit ans. Les images dévoilent la beauté de la planète, mais aussi sa fragilité.

Sebastião Salgado travaille actuellement sur un projet intitulé « Amazonia » qui devrait être présenté au printemps 2021 à la Philharmonie de Paris. Ce projet est le fruit de sept années de voyage à travers l’Amazonie pour photographier les peuples indigènes, la forêt et les montagnes. L’exposition sera aussi sonore, et mettra en exergue les sons et bruits de la forêt amazonienne comme le bruissement des arbres, le chant des oiseaux ou encore les cris des animaux.