L’écologie aux côtés de la Nation Haïda

Société

Par Elodie Mercier

Posté le 22 mai 2020

Photo Sources: DR.

« Iles magnifiques », c’est le nom littéral de Gwaii Hanaas, la réserve naturelle au sud de l’archipel Haïda Gwaii : 138 îles au large de l’Ouest du Canada qui constituent l’un des environnements marins et terrestres les plus riches de la planète. Depuis environ 8 000 ans, elles sont habitées par un peuple autochtone, les Haïda, qui œuvre pour leur préservation. Partons ensemble à la découverte de ces fervents défenseurs de l’environnement.


Les Haïda habitent ces îles depuis la fin de la dernière période glacière, ce qui en fait le peuple dont la présence attestée sur un territoire est la plus ancienne. Si on estime qu’ils étaient entre 20 000 et 30 000 au XVIIIème siècle, ils ne sont plus que 2000 aujourd’hui. Et seulement une cinquantaine d’entre eux parlent couramment la langue Haïda. Une Nation plus restreinte donc… Qui lutte pour préserver sa culture autant que son territoire.

La faune sauvage au cœur de la société Haïda

Inspirée d’une mythologie fondée sur l’abondante faune de l’archipel, la société Haïda se divise en deux groupes sociaux : d’un côté, les Aigles, de l’autre, les Corbeaux.

Le Corbeau est la figure la plus présente dans les légendes Haïda. Perçu comme un animal malicieux, qui met tout en œuvre pour sauver l’humanité, il se serait même déguisé pour entrer dans la maison du Chef du Ciel dans le but de voler le soleil, la lune et les étoiles et les donner aux Hommes.

L’appartenance des jeunes Haïda à l’un ou l’autre est déterminée par le groupe de leur mère. En effet, les mariages doivent obligatoirement se faire entre un Aigle et un Corbeau et les enfants suivent un lignage matrilinéaire, c’est-à-dire qu’ils prennent le nom de leur mère. Cet héritage d’identité de la mère s’oppose au lignage patrilinéaire existant dans la plupart des sociétés aujourd’hui.

Faut-il voir ici une forme de féminisme précoce ? En réalité, une transmission matrilinéaire n’empêche pas une société patriarcale : si ce n’est pas le fils du chef du village qui prend sa succession mais le fils de sa sœur, le pouvoir reste tout de même entre les mains des figures masculines de la famille.

Une production artisanale luxuriante

Le peuple Haïda est largement reconnu pour la décoration d’objets utilitaires inspirée des figures animales de leur mythologie. Les plus célèbres sont les totems que les Haïda construisent encore aujourd’hui. Ceux-ci servent de piliers pour la maison, de monuments mortuaires ou sont simplement érigés pour des cérémonies.

En 2013, le sculpteur Jaalen Edensashaw a ainsi inauguré un totem de 16 mètres de haut à l’occasion des vingt ans de la coopération entre la nation Haïda et le gouvernement canadien pour la préservation de la réserve de Gwaii Hanaas.

La luxuriante production artisanale n’était pas vue comme de l’art en tant que tel par les Haïda. Chaque ornement a une dimension symbolique, représentant l’identité et les droits qui y sont associés, ainsi qu’une dimension spirituelle.

Dans cette société de l’extrême Ouest canadien, c’est le don qui confère aux individus du pouvoir, lors du traditionnel potlatch. Cette cérémonie de distribution de biens est organisée par celui qui possède suffisamment d’objets décoratifs, d’étoffes, ou de nourriture pour pouvoir en faire don aux autres. Le chef voit ensuite ses droits et ses privilèges renforcés.

Un petit peuple, un grand engagement politique

Comme le nom Haïda Gwaii – littéralement « notre terre » - l’indique, le peuple Haïda défend son droit à disposer de son territoire. Depuis 1973, il élit son propre gouvernement, lequel n’est pas officiellement reconnu par celui de Colombie-Britannique. Le gouvernement Haïda reste toutefois un acteur politique influent et a des missions symboliques fortes : la protection des terres et des eaux de la Nation, la préservation de la langue et de la culture Haïda, ou encore l’indépendance de la Nation.

Si le peuple Haïda revendique la possession de l’archipel ainsi que des eaux territoriales riches en réserves de pétrole et de gaz de schiste, il ne s’agit absolument pas pour lui d’exploiter ces ressources, mais bien de les préserver !

Suite à des négociations avec le gouvernement de Colombie-Britannique, les Haïda ont obtenu une protection de leur territoire, notamment la réduction de l’exploitation forestière. Ils sont également les seuls pouvant exploiter leurs ressources, suivant ainsi leur tradition, et les seuls à bénéficier des revenus qui en sont issus.

La constitution de la Nation Haïda de 2010 réaffirme ainsi le lien fort entre le peuple Haïda et son environnement, ainsi que l’importance de la transmission de ces valeurs :

« La Nation Haïda est l’héritière légitime de l’archipel Haida Gwaii. Notre culture est faite de respect et d’une relation intime avec la terre, l’océan et l’air qui nous entourent. À l’image des forêts, les racines de notre peuple sont si solidement imbriquées que les plus grandes difficultés ne peuvent avoir raison de nous. Nous devons notre existence à l’archipel Haida Gwaii. La génération actuelle accepte la responsabilité de garantir que notre héritage sera transmis aux générations suivantes. Sur ces îles, nos ancêtres ont vécu et sont morts, et c’est là, également, que nous entendons résider jusqu’à ce que nous soyons appelés à les rejoindre dans l’immense au delà. »

Pour comprendre la complexité et les enjeux liés à l’exploitation des territoires des populations autochtones du Canada, nous vous conseillons par ailleurs le dernier ouvrage du journaliste et auteur de bande-dessinées Joe Sacco : « Payer la terre: A la rencontre des Premières Nations des territoires du nord-ouest canadien ».