Les Sentiers de la Mer : une rando littorale au rythme des voiles

Babel Plans

Par Élise Chevillard

Posté le 25 juin 2024

Photo Sources: Élise Chevillard.

Cet été, c’est décidé, on troque les tongs contre les chaussures de randonnée pour tester une nouvelle micro-aventure proposée au Pays basque : Les Sentiers de la Mer. Le concept ? On randonne (sans valises !) le long du littoral et on dort sur un voilier qui nous attend amarré au port suivant. L’océan d’un côté, les montagnes de l’autre et l’Espagne en toile de fond, le décor est planté. Sur notre chemin : Guéthary, Saint-Jean-de-Luz, le château Abbadia et notre dernier stop : la plage d’Hendaye.


C’est par un beau matin de l’été indien que nous avons pris la route ou plutôt le Sentier du Littoral. Ce séjour-rando au rythme des vagues et de la nature commence sur le petit port de Guéthary. Ici, le souvenir des chasseurs de baleines du XIIe au XIVe siècle persiste, car la pêche fait partie intégrante de l'âme de ce village. De nos jours, quelques chaloupes colorées continuent à s'aventurer le long de la côte pour attraper du poisson.

Photo Sources: Élise Chevillard

Pour ne pas se perdre sur le sentier, il faut suivre le balisage en rouge et blanc. On passe par les discrètes plages rocheuses de Cenitz, Mayarko, Lafitenia. Ces deux dernières ont des allures de criques méditerranéennes. Aux plages, se succèdent des criques propices à la baignade lors de la belle saison. Le sentier prend ensuite un peu de hauteur et dévoile une longue plage sauvage surveillée par des falaises. On y croise des familles, quelques surfeurs et des mouettes goulues. Sur la falaise côtière, de nombreux belvédères sur l'océan, jadis utilisés par les guetteurs de baleines et de navires, existent toujours. Aujourd’hui, ils sont prisés par les contemplatifs qui aiment perdre leur regard sur l’océan et admirer les vagues se fracasser sur de petites plages nichées dans un creux. Au loin sur l’océan, notre chambre flottante cabote tranquillement jusqu’au prochain port. C’est le concept des Sentiers de la Mer.

Photo Sources: Élise Chevillard

Les Sentiers de la Mer : c’est quoi ?

Les Sentiers de la Mer désignent généralement des itinéraires de randonnée littorale. Ces sentiers, aussi appelés sentiers côtiers ou sentiers des douaniers, permettent aux randonneurs de découvrir les paysages marins et littoraux, tout en suivant des chemins balisés le long des côtes. Mais c’est aussi le nom d’une entreprise, créée en 2017 par Joseph Durand. Son idée ? Faire se rencontrer les propriétaires de voiliers avec des randonneurs qui souhaitent sillonner les sentiers du littoral français de manière différente. Concrètement, le randonneur quitte le port pour la journée, profite des Sentiers du Littoral avant de retrouver sa chambre d’hôte flottante au port suivant et un bon repas préparé par le plaisancier.

Ancien alpiniste, aujourd’hui marin, Joseph a été bercé par des romans où le bateau servait de point d’appui aux aventures pédestres. « Nous proposons avec Les Sentiers de la Mer, un voyage à l’empreinte carbone minime et en résonance avec la nature ». En plus de démocratiser la pratique nautique, de dynamiser l’économie portuaire, ce concept est en adéquation totale avec la tendance du slow tourisme.

Photo Sources: Élise Chevillard

Saint-Jean-de-Luz : un arrêt pour s'approvisionner en douceurs

En fin d’après-midi et au terme de 7 kilomètres, nous arrivons à Saint-Jean-de-Luz. La ville a le charme discret des petits ports qui vivent au rythme des retours de pêche et des marées. Par le passé, Saint-Jean connut ses heures de gloire grâce à la pêche à la morue et la chasse à la baleine. Entouré de maisons à colombages, mais aussi de restaurants qui bordent les quais, le port de cette cité corsaire a gardé son cachet d’antan. Les vieux gréements viennent encore s’amarrer ici.

Dans son centre, des boutiques mettent en avant les traditions basques comme l’espadrille, une chaussure en toile et à la semelle de corde qui orne tous les pieds basques. Avant de partir en randonnée, on compressera un peu son sac pour y faire entrer quelques gourmandises de la Maison Adam, comme son célèbre macaron. La légende raconte que lors du mariage du Roi-Soleil à Saint-Jean-de-Luz, le pâtissier Adam aurait envoyé sa plus belle servante offrir un plateau de macarons au Roi. Celui-ci aurait succombé à la saveur de ce petit gâteau aux amandes, rond et plat, craquant à l'extérieur et moelleux à l'intérieur. Depuis 1660, la recette est restée inchangée, transmise oralement de génération en génération, et les ingrédients sont toujours les mêmes. Les produits sont locaux autant que possible, et toutes les étapes de production sont effectuées au Pays basque.

On garde aussi un peu de place pour la charcuterie de chez Pierre Oteiza. Éleveur et artisan dans la ferme familiale des Aldudes, on doit à Pierre Oteiza la redécouverte et réintroduction du porc Kintoa. Cette race de porcs d’origine basque était en voie d’extinction. En sauveur de cette race, il décide d’élever ce cochon pour en faire du jambon AOP. On peut acheter des cornets ou des planches à emporter directement à la plage, pour une dégustation face au soleil couchant.

Photo Sources: Élise Chevillard

Il est temps de retrouver au port de plaisance de Larraldénia nos plaisanciers-hôtes, Philipe et Hélène, ainsi que notre résidence ambulante. À bord de leur voilier Thétis, un Dufour 34, le couple de « jeunes marins » nous accueille chaleureusement. Autour du repas partagé sur le pont et après quelques verres de Txakoli, les histoires de marins vont bon train. Grands marcheurs depuis toujours, c’est l’association entre mer, montagne et randonnée qui a donné envie à Philippe et Hélène de se lancer dans cette belle aventure. Pas un sentier, ni un chemin longeant le littoral basque ne leur sont inconnus, alors tous les conseils pour le tronçon de demain sont plus qu’appréciés ! Un peu plus tard, on s’endort dans notre petite cabine, bercé par le clapotis de l’eau et rêvant déjà à l’aventure de demain.

Photo Sources: Élise Chevillard

Premières lueurs de l’aube entre Saint-Jean-de-Luz et le château Abbadia

C’est dans une brume matinale et veloutée que nous reprenons le chemin tôt le lendemain, le sac léger. À l'autre bout de la baie, le Fort de Socoa impose sa présence depuis 1627 et ferme la baie de Saint-Jean-de-Luz. Il servit à protéger la ville des Espagnols sous le règne de Louis XIII et fut amélioré par Vauban par la suite. Sitôt le dos tourné au fort et à son phare, le début de la Corniche basque se dévoile avec ses spectaculaires falaises de flysch, des strates calcaires, de grès et argileuses malheureusement rongées par la mer. C’est pour cette raison qu’il n’est pas possible aujourd’hui de longer la corniche ni d’emprunter le sentier « historique », interdit en raison du risque d’éboulements. Un coup de Txik Txak (le bus local) permet de rejoindre Asporotsttipi, si bien sûr, vous parvenez à le prononcer au chauffeur de bus sans l’écorcher.

Une fois descendu, on rejoint la Maison Asporotsttipi (centre d’interprétation de la Corniche basque) par un chemin de crête au milieu des vignes et des bosquets. La visite de la Maison permet de comprendre la faune et la flore qui évoluent sur la corniche, mais aussi de saisir les phénomènes géologiques et l'érosion. Le nouveau balisage est déployé davantage vers l'intérieur des terres. Le Sentier emprunte alors des chemins de traverse tout en montées et en virages à flanc de falaise et en descentes douces. Entre deux sous-bois, les clairières offrent des vues sur l’océan. Le chemin se dessine entre les écumes de l’océan d’un côté et les contreforts montagneux de l’autre. À certains endroits, la Rhune et les falaises espagnoles de Jaïzquibel semblent même à portée de main.

Photo Sources: Élise Chevillard

Voyage au bord des falaises : du château Abbadia à Hendaye

Puis, le panorama s’arrondit sous le dos de collines qui se dessinent au loin. Un château de style néo-gothique apparaît. Pour un peu, on se croirait dans un coin perdu des Highlands, battu par les vents et habité par les brebis manech qui paissent doucement. Le château observatoire Abbadia a été construit entre 1864 et 1884, avec la complicité de l’architecte Viollet-le-Duc. Il fut la propriété d’Antoine d’Abbadie, homme de science, explorateur, savant passionné de géographie, d’astronomie, de culture orientale et défenseur de la langue et de la culture basques, mais aussi de sa femme Virginie. Sur la façade, crocodiles et éléphants de pierre côtoient serpents et chimpanzés et font écho aux voyages de ses propriétaires. Un observatoire astronomique y a été installé d'où ont été cartographiées plus de 500 000 étoiles.

Photo Sources: Élise Chevillard

Une fois passé le château, le chemin serpente à travers des prairies verdoyantes, avant de redescendre pour longer la côte déchiquetée qui réceptionne avec fracas les vagues de l’océan. Bientôt, la baie d’Hendaye se dévoile ainsi que les "Jumeaux", deux gros rochers qui se sont détachés de la Corniche à cause de l’érosion. Le chemin côtier aboutit sur la plage d'Hendaye, offrant alors un panorama exceptionnel. S'étendant sur un peu plus de 3 kilomètres, cette plage, abritée des vents et des courants grâce à sa baie, a été classée quatrième plus belle plage de France en 2019. Hendaye, située à la jonction entre les Pyrénées et le littoral, pourrait aisément avoir inspiré la célèbre tirade de Cyrano de Bergerac. Car depuis cette plage, on peut admirer un rocher, un sommet, une falaise, et même la péninsule.

Envie de poursuivre le voyage en Espagne ?

Depuis le port d’Hendaye, prenez le bateau pour un petit air d’Espagne. Une escapade douce de quelques minutes pour rejoindre Fontarabie et manger quelques pintxos ! Mais ceci, est une autre histoire...