Par Pascale Tarchichi
Posté le 29 août 2012
"Wayan a toujours des tongs aux pieds. Je ne l’avais pas remarqué. Ça a l’air d’un détail comme ça..."
BALI - Ubud, Campuhan - Mars 2012 – Impressions de voyage
L’autre jour, avant de partir au temple, je montre mes chaussures à Wayan : mes tongs pur Havaianas made in Brazil, mes sandales de vadrouilleuse tout terrain et mes tennis en toile. J’avais pas amené mes super basket Nike ni mes talons aiguilles ni mes mocassins roses parce que je n’en ai pas. Ce qui me faisait dire que je suis une personne simple avec des besoins simples et j’en tirais une certaine fierté, il faut bien le dire. Je demande donc conseil à Wayan sur le choix des chaussures à mettre avec le joli sarong qu’elle m’avait prêté pour aller au temple. Elle me montre mes tongs. Je trouvais qu’effectivement la couleur de mes tongs s’accordait très bien avec le joli tissu brun et doré du sarong. Va pour les tongs pour aller au temple !
Plus tard, dans l’après midi, je lui demandais si elle pouvait m’emmener à la rivière. "Dans une demi-heure, ok !" elle me répond. Quelques heures avant, j’avais bien fait quelques tentatives pour descendre seule à la rivière dont les clapotis me chatouillaient gentiment l’oreille et me susurrait : "Mmmm ! Viens te délecter dans la fraîcheur de mon eau pure ! Tu vas voir…. Tu ne vas pas le regretter !". J’avais tenté de m’enfiler dans un tout petit sentier qui semblait se diriger vers cette oasis de fraîcheur qui m’appelait de sa voix si douce et si convaincante. Ouh la ! Le sentier se révéla très rapidement impraticable. Au détour, j’avais bien rencontré deux magnifiques vaches, sacrées sans nul doute, vue le poil luisant et l’allure fière qu’elles avaient. Elles étaient parquées en contre-bas dans un abri, bien cachées. Je leur ai exprimé mon admiration en les prenant en photo et je décidai de continuer la marche en me repérant à l’abri. Quelques pas plus tard, plus de sentier et plus d’abri... et ces moustiques de partout ! La peur me prend : La peur de me perdre, la peur de me faire dévorer vivante par toutes ces bestioles volantes et piquantes qui avaient ce point commun de venir toute sans exception se délecter de ma peau blanche et sucrée. Tout en faisant demi-tour, j’eus une pensée émue pour tous les défricheurs, découvreurs et autres aventuriers moins pétochards que moi.
Je renouvelai donc ma question à Wayan : "Qu’est-ce que je mets aux pieds pour aller à la rivière?". Elle me montre mes tongs. Et là, j’ai cette pensée qui me traverse : "Si elle me dit de mettre mes tongs, c’est qu’il y a un chemin pratiquable que je n’ai pas vu". Ouf ! je me vois déjà revenir seule à la rivière plus tard avec un maillot de bain… Et éventuellement, sans, à la mode balinaise qui ne s’embarrasse pas de ces détails. Je me réjouis d’avance à l’idée de ces bains à venir. Nous voilà donc parties. Nous passons par chez elle en contre bas et descendons des tas de marches plus ou moins praticables et déjà bien glissantes. Bonjour grand-mère. Bonjour à la grande fille au passage… Puis, bonjour aux poules et aux coqs hurlants de mes aubes un peu trop blanches. Bonjour aussi à la truie étalée sur le flanc dans la puanteur de son abri. Et l’on descend, on descend… et plus l’on descend, plus je comprends que les tongs brésiliennes n’étaient pas le bon choix pour cette escapade… Enfin, pour moi. Pour elle, pas de problème ! Ses pieds semblaient à l’aise sur ce terrain qui est le sien. Plus de sentier ? Qu’à cela ne tienne. Elle virevolte d’un pas léger, comme un oiseau joyeux, au dessus de la boue de cette jungle dans laquelle je m’enfonce lourdement, dans laquelle je glisse, dans laquelle je patauge lamentablement . Mes tongs souffrent de douleur, tordues par mes pas maladroits. Et la peur est là : "Et comment je vais faire pour remonter ce merdier après ? Aurai-je assez de souffle ? On voit rien, là-dedans. Je vais me casser la gueule, à tous les coups !!!" Wayan a alors ce mot incroyable : "Enlève tes tongs sinon tu vas les casser !". Les tongs ! Ce qui est important pour elle dans cette situation, c’est les tongs ! J’hallucine ! Au diable les tongs ! Je veux juste sortir vivante de ce trou, moi !
Ce matin, nous sommes parties au marché. Je ne lui ai pas demandé quoi me mettre aux pieds. J’ai mis mes sandales et j’ai enfourché la Vespa, derrière elle. Elle avait bien évidemment ses tongs !
Au marché, il y avait des étals plein de tongs. Pas des Havaianas, bien sûr. Que des productions locales. De toutes les couleurs. De toutes les tailles. Pur plastique. C’était donc là qu’elle se fournissait !
Ça y est ! J’ai enfin compris que Wayan ne connait rien d’autres que les tongs et que sa vie est très simple. Le matin, elle ne se demande pas ce qu’elle va se mettre aux pieds. Elle met ses tongs, quel que soit son plan de la journée, quel que soit le sol qu’elle va fouler.
Tout à coup, je me demande comment elle me voit, hésitant devant mes 3 paires de godasses et complètement inadaptée sur son terrain. J’espère qu’elle rigole au moins…