Par Laure Croiset
Posté le 3 septembre 2015
Derrière la crise sans précédent des migrants, se dissimulent des milliers de drames humains que le jeune réalisateur italo-américain Jonas Carpignano a choisi de mettre en lumière avec un docu-fiction sobre et digne baptisé "Mediterranea".
Ayiva quitte le Burkina Faso, traverse la Méditerranée et rejoint le sud de l’ Italie. Rapidement confronté à l’hostilité de la communauté locale, sa nouvelle vie s’avère difficile. Mais Ayiva reste déterminé : ici sa vie sera meilleure, quel qu’en soit le prix.
Après Samba et plus récemment Dheepan, Jonas Carpignano s’est intéressé au drame qui touche chaque jour des milliers de migrants. En janvier 2010, à Rosarno en Calabre, on assiste à la révolte d’ouvriers agricoles saisonniers originaires d’Afrique suite à l’agression violente subie par un des leurs par de jeunes Italiens. Depuis la lumière écrasante du désert algérien jusqu’à la noirceur de la traversée de la Méditerranée en passant par la violence quotidienne de ce qu’on pourrait considérer comme de l’esclavage moderne dans un pays qui n’est pas si éloigné du nôtre, cette fiction dresse le récit sans concession de ces migrants prêts à sacrifier leur vie pour atteindre l’impossible. Nourri de témoignages que le réalisateur a pris soin de récolter pendant de longues années de travail préparatoire, Mediterranea adopte le point de vue humain pour mettre en lumière ce que des statistiques nous dissimulent chaque jour au travers des journaux télévisés.
Sélectionné à La Semaine de la Critique au dernier Festival de Cannes, Mediterranea dévoile également le visage de la mondialisation en n’omettant pas de décrire des personnages dans une société rongée par le numérique et fascinée par une certaine Rihanna, symbole de la culture pop mondiale, qui apparaît à peu près partout dans ce film dénué de tout pathos. On a également affaire à un film digne de l’esprit Babel de par sa production, totalement internationale, qui inclut aussi bien la participation de l’Italie, la France, les Etats-Unis, l’Allemagne que le Qatar. Ici, on parle toutes les langues, aussi bien l’anglais que l’arabe et le bissa et l’humanité n’a pas d’autres frontières que celle du respect que l’on doit apporter chaque jour à autrui.