« Paroles des peuples racines » : un retour aux sources pour appréhender l’avenir

Culture

Par Elodie Mercier

Posté le 2 novembre 2020

Photo Sources: Actes sud.

Sabah Rahmani donne voix à ceux de qui tout nous sépare en apparence, avec un objectif pleinement atteint : briser des idées reçues et construire des idées nouvelles. Parmi les 370 millions de personnes vivant au sein de peuples racines, dix-neuf d’entre elles, venus de tous les continents, nous livrent leur vision du monde, de la Nature, et de l'être humain qui l’habite.


L’utilité de la lecture des paroles des peuples racines vient d’un constat décevant : la technologie et le progrès technique ne sont pas en mesure d’apporter des solutions aux crises actuelles, qu’elles soient écologique, économique ou sociale. Pour imaginer demain, faut-il alors s’inspirer d’hier ? C’est l’idée de Sabah Rahmani.

Écouter les anciens pour porter un regard nouveau

Les solutions aux problèmes modernes, notamment environnementaux, existent déjà. « Gardiens de la nature », les peuples racines habitent depuis des millénaires des zones géographiques où la biodiversité est d’une richesse rare, et ils ont su la préserver tout ce temps. Comment ? Pour Déné Choazé, chef traditionnel de la tribu des Dénés au Canada, c’est grâce à la reconnaissance qu’ils expriment à la Terre pour chaque service qu’elle leur rend, reconnaissance inexistante au sein des sociétés occidentalisées. Pour Marishöri Samaniego Pascual, c’est grâce à une utilisation responsable des ressources : son peuple, les Ashaninka, ne prélève dans la forêt amazonienne que ce qui est nécessaire à sa survie.

Le dénominateur commun de ces cultures est sans aucun doute le rejet de la surconsommation, cause incontestée de la surexploitation des ressources.

Une universalité oubliée

Dès la préface, Pierre Rhabi, fondateur du mouvement Colibris, met en lumière la question sous-jacente à tous les discours recueillis dans cet ouvrage : celle de la déconnexion des sociétés modernes de la Nature. Pour lui, comme pour la plupart des personnalités livrant leur parole, le lien perdu entre les individus et leur environnement est la cause de la crise écologique actuelle.

Déné Choazé voit l’origine de cette rupture dans l’écriture de la Genèse, selon laquelle les humains seraient supérieurs à l’ordre naturel. Nous aurions, ainsi, oublié que nous étions des fragments de cet ordre naturel, des enfants de la Terre-Mère. Ici se trouve à la fois le lien entre tous les hommes et femmes et celui qui les relie aux autres éléments naturels, affirme le prince Appolinaire Oussou Lio, du peuple Tolinou au Bénin. La jeune Marishöri Samaniego Pascual invite tous ceux de sa génération à essayer de ressentir et vivre cette connexion universelle que notre sensibilité a oubliée.

Bientôt déraciné.es ?

Aujourd’hui, les peuples racines du monde entier sont menacés. De fortes pressions s’exercent sur leur environnement, leur territoire ainsi que leur culture. Premières victimes des catastrophes écologiques et de la pauvreté, ils ont chacun un message à nous délivrer. Engagés pour la valorisation de leur patrimoine naturel et culturel, les personnalités qui s’expriment nous appellent à des changements : dans nos comportements, dans nos modes de penser, dans nos modes de vie, afin de curer les maux de la société qui pèsent sur la planète.

Sabah Rhamani, dans sa conclusion, en présente une clef : l’amour. L’amour des autres, l’amour de ce qui nous entoure, pour vivre dans le respect et l’harmonie.