Par Sophie Noëlle
Posté le 9 février 2016
En Dominique, on ne badine pas avec le carnaval. The Real Mas, la vraie mascarade, se prépare des mois avant le lancement d’un - long ! - week-end de fête organisé tous les ans en février.
Le rythme s’intensifie en début de semaine, les costumes sont ajustés, danses et chansons répétées. Dans les écoles, les voix des enfants s’envolent au son des steel-drum, une percussion venue de Trinidad et devenue le symbole du carnaval. Certains ont déjà étrenné leurs costumes. Sorcières, pirates et Pères Noël circulent dans les rues de Roseau.
Le vendredi soir, les Dominiquais participent en masse aux finales de Calypso, une musique dont les rythmes collent à la peau. « C’est l’évènement que tout le monde attend, c’est aussi important que le carnaval » lance un jeune homme dans la foule. À grand renfort de costumes insolites, des chanteurs s’affrontent sur scène dans une véritable joute verbale. Le Calypso, c’est une histoire de politique où tous les coups sont permis. Les politiciens en prennent pour leur grade, au grand plaisir du public qui éclate de rire.
Il est 4 h du matin. Un coup de tambour annonce le J’ouvert, l’ouverture du carnaval. Un premier groupe de musiciens ouvre la voie, il réveille musiciens et danseurs prêts pour arpenter Roseau deux jours durant. Les rues gonflent au cours de la journée. La musique est collective, chacun, avec son instrument shack-Shack, boom Boom, tambour lay-lay ou cuivre, apporte sa note au convoi.
Des groupes de musique traditionnels circulent entre les sounds-systems, ces camions chargés de haut-parleurs. Ils attirent des jeunes capables de danser du matin à soir. Prêts pour maintenir les foules hydratées sous 30 degrés, les camionnettes remplies d’eau - et de bière - ne sont jamais bien loin !
Que serait un carnaval sans masque ? À Roseau, pas grand-chose ! Un masque, c’est tout un symbole : « Il représente l’aspiration à devenir autre chose que ce que nous sommes, à faire partie du monde des esprits, à exprimer un sentiment particulier, à représenter quelqu’un d’autre, à transmettre de la joie ou de la peur, à échapper à son identité et gagner en liberté, loin du monde réel » explique Lennox Honychurch, docteur en anthropologie et spécialiste du carnaval.
Aujourd’hui encore, les masques sont les réminiscences de ces traditions. Ils n’ont peu ou pas d’importance religieuse, mais tiennent un rôle essentiel dans la mascarade. Qui dit masque dit… costumes ! Décorés de plumes ou de capsules de bière, les personnages farfelus et souvent velus sont partout. Des formes patibulaires arpentent la ville. Les visages sont masqués et les corps dissimulés sous d’épaisses toges faites de franges de tissus. Les sensay, impressionnants costumes d’origine africaine, comptent parmi les plus anciens du carnaval.
Les influences étrangères ont, chacune à leur manière, apporté leur touche aux accoutrements dont certains trouvent leurs racines en Afrique, continent d’origine de nombreux esclaves envoyés sur La Dominique. Lennox Honychurch évoque ainsi des influences allant de la frontière du Sahara jusqu’au sud de l’Angola en passant par les profondeurs de l’Afrique Centrale.
Passent aussi les Darkies, des corps couverts d’une épaisse couche de molasse noire. Ils jouent le jab-jab (diable-diable) en lançant « gimme a penny, pay the devil » à la foule peu rassurée par l’usage de leurs fouets !
Les jeunes portent des tenues plus modernes. Certains se sont déguisés en touristes pour défiler, affublés d’un parasol et d’une casquette, devant des groupes d’étrangers descendus de leurs gros bateaux de croisière. Il n’est pas rare de croiser Wonderwoman attablée autour d’un verre avec une Tortue Ninja ou une infirmière danser avec un pirate. Des groupes de filles déguisées en pantins ou en hôtesses de l’air défient les lois du bon goût et... de l’originalité !