Quand le Louvre nous fait pénétrer la Cité Interdite...

Culture

Par Laetitia Santos

Posté le 18 décembre 2011

Histoire croisée des dynasties de Chine et de France sur près de 800 ans, étayée par tout un tas d’œuvres rares prêtées par la Cité Interdite de Pékin. A découvrir au Louvre jusqu’au 9 janvier prochain.


L’exposition La Cité Interdite au Louvre, empereurs de Chine et rois de France, croise habilement des siècles de relations entre l’Hexagone et l’Empire du Milieu et nous donne l’occasion de découvrir de rares trésors qui prennent exceptionnellement l’air en dehors des épaisses murailles de la Cité Interdite de Pékin. La déambulation se fait dans quatre salles différentes et pas forcément juxtaposées ce qui a tendance à diluer l’imprégnation orientale que l’on recherche en venant ici. Dommage, mais ça ne nous empêchera pas de mettre le nez sur tout un tas de petites merveilles et de ressortir un peu plus fortiches en histoire...

Salles d’Histoire du Louvre

On entame la visite de la première salle par un grand portrait peint sur soie de l’empereur Yongle, à l’origine des premères relations entre la France et la Chine au tout début du XVe siècle. Puis on découvre les lettres adressées à Philippe le Bel par un souverain mongol, lettres auxquelles le roi de France ne prit d’ailleurs jamais le temps de répondre, le goujat !

Voilà les pièces qui nous plongent en plein Moyen-Âge, qui introduisent un parallèle entre deux des plus grands musées au monde qui furent tour à tour résidences des souverains, sièges des gouvernements et lieux de conservation de bien des collections amassés au fil des ans. Et c’est ainsi que l’on se retrouve avec sous les yeux, une patente en lattes de jade annonçant la succession Ming, le Livre des Merveilles de Marco Polo, qui a résidé à Pékin à la fin du XIIIe siècle ou encore avec des pièces de jade blanc ciselées telles cette petite verseuse et cette coupe.

On reste ébahi devant le portrait de l’empereur Xangxi en armure d’apparat mis en regard avec la vitrine d’à côté où l’on découvre justement... la fameuse armure ! Étonnant travail de conservation... Il est également déconcertant de découvrir ce même empereur en tenue de tous les jours, peint dans une bibliothèque, une façon d’adresser un petit clin d’oeil aux Européens et de leur signifier sa curiosité pour l’Occident. Puis viennent deux des oeuvres les plus touchantes de l’exposition, deux portraits de l’empereur Yongzheng, peint tel un aristocrate européen avec sa perruque à boucles et son col jabot. Toute la raison d’être de cette expo se résume sans doute ici...

Dans la deuxième salle se poursuit la chronologie dans le temps et l’on passe donc au règne d’un empereur très cultivé qui aimait se faire représenter à cheval, à l’européenne, l’empereur Qianlong. Ici, c’est Louis XV sur son destrier qui lui est opposé.

On fond devant une ribambelle d’objets de la vie quotidienne comme ce sceau de jade blanc ou ce porte-pinceaux finement travaillé qui témoignent du raffinement des artistes chinois tandis que notre coeur hésite à lui préférer une pièce retrouvée dans les appartements de Marie-Antoinette, une petite fontaine et une paire de perroquets d’un turquoise ahurissant.

Deux trois tuniques chinoises fleuries, quelques vases colorés et le temps file déjà vers le Louvre de Napoléon Ier avant qu’une immense peinture sur soie de la Cité Interdite ne soit apposée à une peinture du Louvre sous Napoléon III signée Victor Chavet. Deux styles, deux cultures qui n’ont vraiment rien en commun et qui font toute la richesse de cette expo croisée.

Salle de la Maquette

On quitte les salles d’Histoire du Louvre pour traverser les fossés médiévaux de pierre brutes sur les murs desquels sont projetés de la poésie chinoise.

On pénètre alors dans la salle de la maquette où sont présentées conjointement une immense maquette de la Cité Interdite accompagnée de fragments d’architecture et d’uniformes de la garde des Huit Bannières, unité d’élite qui avait pour mission de protéger ce centre du pouvoir.

Galerie Richelieu

La quatrième et dernière étape de notre visite nous emmène sous le règne de Qianlong au XVIIIe siècle alors que la Chine n’a jamais été aussi puissante et étendue. Le souverain, grand peintre et collectionneur, en profite pour faire fleurir un art de cour.

On appréciera tout particulièrement cette encre sur papier où l’on découvre l’empereur entouré des pièces de collection qui font sa fierté tandis que dans les vitrines autour, on retrouve justement chacun des objets dessinés là. De quoi se plonger sans mal dans la Chine ancienne.

On craque pour Message d’un printemps de paix sur un fond bleu lapis intense où l’on voit un vieil empereur offrir un rameau d’olivier à un plus jeune, allégorie de la transmission du pouvoir, tandis qu’une série de toiles avec des représentations équestres d’une infime précision, souvent peintes par des Européens, témoigne de l’amour de l’empereur pour les chevaux.

On clôt cette exposition en beauté avec la salle du trône, où l’on constate que le siège royal en bois sculpté est assez simple si l’on dresse une comparaison avec les trônes dorés et baroques à souhait de nos rois. Un trône donc, un paravent juste derrière comme écran contre les influences néfastes venant du nord et des instruments de musique.

Dernier coup de coeur, la très grande toile sur soie, L’empereur Qianlong joue de la cithare en contemplant des fleurs de lotus, qui nous dévoile en arrière-plan des falaises escarpées et brumeuses évocatrices de lointaines contrées exotiques. La culture chinoise, et donc son empereur directement, semble ici entrer en harmonie avec l’univers...

La Cité Interdite de Pékin. Le Louvre de Paris. Deux lieux de pouvoir devenus des musées ouverts qui, malgré leurs différences de culture et d’histoire, résument à eux seuls les deux pays qui en sont à l’origine.