Par Laetitia Santos
Posté le 25 septembre 2012
Des petits bungalows proprets chez Sébastien, apiculteur, et sa femme Daisy, qui après une longue journée de crapahute vous prépareront un rougail saucisses au feu de bois à 1650 mètres d'altitude tout en bavardant avec vous sur la vie du cirque qui n’a presque pas changée ces dernières décennies.
S’il est un endroit où la vie s’écoule paisiblement en se fichant du monde moderne, comme si l’on était revenu 50 ans en arrière, c’est bien à Marla, un des charmants petits îlets du cirque de Mafate, en plein coeur de l’île de La Réunion, lequel ne se mérite qu’après une randonnée de plusieurs heures car aucune route ne conduit jusqu’ici. Seule la force de vos cuissots et de vos mollets vous permettra de goûter aux charmes de la vie des Mafatais. Et partager celle de Daisy, de Sébastien et de leur trois marmailles Marie-Jeanne, Nathan et Etan est un vrai délice.
Depuis 5 mois maintenant, ce couple métissé a décidé de recevoir chez lui les randonneurs de passage. Une idée délicieuse car leur chez-eux n’est pas tout à fait comme les autres maisons de l’îlet - c’est comme ça que l’on surnomme les minuscules villages de montagne à la Réunion. Sébastien, un ancien métropolitain originaire du Var et épris de nature, est éleveur d’abeilles à miel et sa maison n’est rien moins que la miellerie de Marla. Avec sa femme, originaire de St Leu, ils possèdent une dizaine de ruches et produisent une centaine de kilos de miel par an.
Leur production a ça de particulier qu’elle se fait selon les préceptes de la biodynamie, une agriculture biologique qui laisse le vivant aussi autonome que possible. Résultat, Sébastien ne nourrit pas ses abeilles au sucre comme la plupart des apiculteurs mais les laisse se débrouiller par elles-mêmes. Mieux, la biodynamie respecte un calendrier qui tient compte des rythmes lunaires, du cycle des planètes et même des étoiles. En matière d’adaptation à l’environnement, on peut donc difficilement faire mieux. Les récoltes ont lieu deux fois par an, en octobre et en mars, et pour savoir quel est le travail à réaliser sur le rucher au jour le jour, il suffit de consulter le calendrier des semis biodynamique. Petite explication : lorsque la lune passe devant les constellations bélier, lion et sagittaire, le temps serait propice aux fruits et aux graines. C’est donc l’époque du nectar, du temps chaud et la force associée est donc le feu. Les constellations gémeaux, balance et verseau agissent elles sur les fleurs. Les abeilles en profitent pour aller chercher du pollen et se nourrir, elles et les larves. L’air est à l’honneur. Lorsqu’il y a trop d’humidité dans l’air, il est fort probable que la lune soit liée au cancer, au scorpion ou au poisson et dans ce cas, on ne récolte pas. Les abeilles préparent le miel, il faut être patient. Enfin, lors d’un jour racine, il fait généralement frais, les constellations associées sont le taureau, la vierge et le capricorne et les insectes ailés noir et jaune construisent les gaufres. Une approche passionnante qui vous donne une idée un peu plus précise de la fabrication d’un miel biodynamique.
Juste à côté de leur maison de bois, Daisy et Sébastien ont aménagé deux chambres dortoir de quatre lits chacune tandis que le prolongement du bungalow offre deux belles douches, deux toilettes et deux vasques pour le brossage des dents. Encaissé en pleine montagne dans un endroit aussi désertique, on ne s’attend pas à autant de propreté et de confort. Tout est absolument niquel, profiter d’une douche bien chaude après la marche est un luxe et les épaisses couettes permettent de passer les nuits frisquettes avec douceur. Comme tout le reste de l’îlet, le gîte fonctionne à l’énergie solaire.
Le soir venu, les pattes pleines de fatigue mais le ventre gargouillant, on s’attable pour déguster la cuisine au feu de bois de Daisy : punch maison à l’apéro, salade de chou et carottes du jardin en entrée, énorme plâtrée d’un délicieux rougail saucisses accompagné d’un pain fait main, crêpes au maïs, voilà quelques-unes des spécialités que l’on a goûtées lors de notre passage dans sa salle à manger, bercés par la voix profonde et mélancolique de Davy Sicard.
La soirée sur ce bout de terre isolé, perché en altitude face aux vertes montagnes réunionnaises, s’est finie un rhum arrangé à la main, à refaire le monde : la vie à Marla coupée du reste du monde, le melting-pot de la population de l’île, la philosophie rasta, la musique qui adoucit les moeurs, l’accident d’hélico qui a coûté la vie au pilote mafatais que chacun ici aimait tant et qui approvisionnait tous les îlets du coin pour les courses, les matériaux de construction, qui se chargeait de la levée des déchets ou des urgences médicales, le sort des collégiens et autres élèves devant passer leurs semaines dans des familles d’accueil pour pouvoir étudier dans les villes alors que leur îlet est à des heures de marche du collège le plus proche, l’écologie, l’avenir de l’humanité... Voilà qui a rendu cette nuit à Marla inoubliable et qui nous fait vous conseiller sans hésiter d’aller toquer à la case de Sébastien et Daisy pour vous reposer sur l’épuisant mais somptueux chemin des cirques.
De là où elle est, Daisy nous fait d’ailleurs partager son coup de coeur musical avant qu’on ne l’abandonne à sa montagne, notre esprit porté par l’envie de Marla sur des rythmes de maloya...
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Des bungalows à 1650 m d'altitude qu'on ne peut atteindre qu'à pied et qui offrent une nuit au coeur d'une miellerie dès 19 € / pers.
0692 03 20 99
Îlet de Marla, Cirque de Mafate, 97433, RE