Par Elodie Mercier
Posté le 2 décembre 2020
A travers un long métrage émouvant, Roma, réalisé par Alfonso Cuarón en 2018, dépeint la vie d’une famille bourgeoise de la ville de Mexico, l’intimité du quotidien, la tendresse maternelle et leurs drames.
Cleo est une jeune domestique indigène travaillant pour une famille aisée en plein déchirement. Soudain, Antonio, le père de famille, part, laissant son épouse Sofía avec leurs quatre enfants. La tourmente des deux femmes tisse entre elle un lien fort, mêlant pudeur et affection profonde.
Portant le nom d’un quartier en vogue de la ville de Mexico, Roma nous montre à merveille tout le charme de ses rues bordées de petites maisons avec leurs portes en fer forgé, leur patio et leur linge flottant sur les toits.
L’ambiance chaotique de la capitale est aussi transmise par la superposition des bruits qui la caractérise si bien : l’aboiement des chiens, la cacophonie des klaxons dans les interminables embouteillages, les cris des vendeurs ambulants….
Ce souci de fidélité à la réalité constitue l’essence même du film : Alfonso Cuarón s’est inspiré de sa propre enfance pour son œuvre. La façade de la maison où se déroulent les évènements est celle où il a grandi. Il a d’ailleurs fait le choix d’une actrice d’origine indigène, Yalitza Aparicio, venant de l’état d’Oaxaca dans le Sud du Mexique, et parlant en langue mixtèque avec ses semblables dans le film.
Roma montre aussi en filigranes les tensions qui traversent le pays au début des années 1970. Outre les violences morales, sexistes ou classistes (subies par les indigènes par exemple), des conflits politiques sont palpables. Les inégalités exacerbées entre les méso-américains et les descendants des européens sont très nettes dans le film, tout comme le machisme constant.
Un autre fléau du pays est mis en évidence : les abus de pouvoir par l’Etat. En effet, le Mexique a connu une importante mobilisation sociale dès 1968, à laquelle le gouvernement a répondu par l’intervention de l’armée. Le film se déroule en 1971, soit peu de temps après le terrible massacre de Tlatelolco par l’armée mexicaine, dans le centre de Mexico. Une tragédie ayant fait 200 ou 300 morts parmi les manifestants, ainsi que des centaines de disparus, qu’aucune enquête n’a pour l’instant élucidé.
La beauté des images en noir et blanc rapporte avec justesse la force des évènements qui se mêlent dans l’histoire. La lenteur du film nous invite d’ailleurs à savourer sa qualité photographique, à s’imprégner des souvenirs du réalisateur tout comme des émotions de ses personnages.
Pas étonnant que Roma ait été primé par le Lion d’or à la Mostra de Veniseainsi que le Golden Globe du meilleur film en langue étrangère.