Roselyne Charpentier : "Chacun d'entre nous est une lumière pour l'autre"

Interview voyage

Par Laetitia Santos

Posté le 17 mars 2025

Roselyne Charpentier a partagé sa vie entre un cabinet de thérapie régressive et les sentiers du monde, qu'elle a parcourus le cœur grand ouvert, en quête de sens, de réponses, et à la rencontre de l'Autre. Aujourd'hui retraitée, elle se fait conseillère en vertus voyageuses pour la toute nouvelle agence Noé Voyage, à l'ADN boosté à l'idéal. Comment ? En éclairant de sa connaissance en caractérologie humaine les groupes et les destinations à composer pour partir avec harmonie. Un entretien d'une heure trente retranscrit dans sa quasi totalité, bercé de psychologie, de développement personnel, de spiritualité... Le voyage toujours en trame de fond.


Roselyne, nous allons commencer à l’origine de ton histoire et dérouler petit à petit le fil de ta vie. Raconte-nous déjà d’où tu es originaire avant que l'on ne discute de toutes les contrées où tu t'en es allée...

« Je suis née à Albertville, en Savoie. Depuis que je vis dans le Sud, je suis moins loin d'Albertville. Parce qu'en fait, six mois après ma naissance, mes parents ont déménagé et sont retournés dans leur contrée d'origine, le Poitou. J’ai été élevée là-bas, dans un petit village, d'un père auvergnat et d'une mère poitevine. Plus tard, je suis allée dans la grande ville, à Poitiers, avant d’atterrir à Paris à la suite d’un gros souci avec maman. Voilà qui situe un peu et introduit déjà la notion de voyage dès mes six mois ! »

«La rencontre, la parole et l'énergie, voilà ce qui a toujours motivé mes voyages »

Quel a été ton parcours d’études en grandissant ?

« J'étais en rébellion complète alors même si j'étais une élève assez douée, j'ai quitté le lycée. Je suis arrivée à Paris pour travailler le 2 mai 68. Rébellion, gauche politique… Ça donne une idée de la vibration que je traîne ! (rires) J’étais engagée dans mes idées mais pas du tout sur le plan concret. Même si nous étions sur les barricades à cette époque et que nous allions écouter les discours de « Dany le Rouge » à la Sorbonne ! Mais nous avions 19 ans et ne comprenions finalement pas grand-chose à ce qui se déroulait sous nos yeux. Il n’empêche : ça m’a bâtie.

À 20 ans, j'étais mariée et j'avais déjà une enfant. J'ai eu mon deuxième à 22 ans. Mais cette envie d'apprendre, de connaître, de découvrir, ne m’a jamais quittée. Je savais que j'avais des capacités, que c’était les circonstances qui avaient fait que je n’étais pas allée plus loin. Alors j'ai fini par reprendre mes études : j'avais 26 ans. Je suis allée à l'IUT de Poitiers pendant 2 ans pour étudier les ressources humaines. Puis je suis rentrée en psycho où j’ai obtenu ma maîtrise au bout de quatre ans. Mais ça ne m'intéressait pas du tout, c'était beaucoup trop conventionnel. Alors je me suis tournée vers la formation pour pouvoir accompagner les gens. Le gros de mon travail à ce moment-là était thérapeutique.

Bien plus tard, j’ai eu mon propre cabinet, vers l'âge de 40 ans. J'ai croisé Patrick Drouot, un physicien qui faisait des formations sur des techniques régressives. Petite enfance, ventre de la mère, vies antérieures… Parallèlement à ça, je menais une quête spirituelle et je lisais tout ce qui me tombait sous la main, notamment beaucoup sur le bouddhisme. »

Il y a plein d'éléments constituants dans ce que tu viens de nous partager : soixante-huitarde, des enfants, de la formation, un cabinet de thérapie, de la spiritualité... Nous allons revenir sur tout ça mais avant, dis-nous, et le voyage dans tout ça... ?

« Le voyage intervient un petit peu plus tard, bien que je sois allée passer un mois à Londres en 66, j’avais alors 17 ans. Je devais partir en tour du monde avec mes copains à 18 ou 19 ans, à bord d’une 2CV, mais ma mère n'a pas voulu signer. Alors j'ai ravalé ma soif de voyage et je l'ai mise dans un coin.

Parce qu’après il y a eu les enfants, la galère au niveau du couple… Je recommence à voyager à 37 ans, ça a été mon cadeau de divorce ! (rires) C'était un rêve ! Mon amie d'enfance était partie aux États-Unis où elle avait épousé un Américain. Moi j’en rêvais des États-Unis, de la Route 66… J'ai embarqué mes deux enfants et nous sommes partis six semaines en Floride. C’était en 87. Je ne me suis plus jamais arrêtée de voyager depuis.

Et j'ai été vraiment très heureuse. J'ai découvert un monde qui me correspondait totalement. Je suis fondamentalement nomade dans l'esprit, tel un maître itinérant. J’adore rencontrer des gens, la parole est importante pour moi, tout comme l'énergie. Voilà ce qui a toujours motivé mes voyages.

Et puis je suis allée vivre dix années au Canada. Les enfants étaient grands et déjà partis. J’ai vécu là-bas avec mon deuxième conjoint… qui lui a fini par rester avec une Canadienne ! Tu peux comprendre pourquoi je suis finalement rentrée en France... »

Aïe… Comment te sens-tu à ce moment-là et comment parviens-tu à rebondir ?

« J’étais très meurtrie. Le Canada était un projet commun et je pensais y finir ma vie. J'ai la double nationalité depuis. Mais j'ai finalement choisi de revenir en France parce que le Canada, c'était nous, et qu’à partir de là, je n'avais plus rien à y faire du tout. Donc bien cassée…

Mais ça fait partie des histoires de vie. Lesquelles requièrent du détachement et du renoncement pour pouvoir rebondir. Il faut savoir faire du grand nettoyage et libérer son âme. C'est comme ça que je perçois les choses. Nous avons une personnalité, une façon de faire, mais à l'intérieur de nous, il existe un autre, et c'est notre essence profonde. Le travail dans cette vie-là selon moi, c'est l’évolution : mettre en phase ce que l'on est profondément avec la façon dont on se comporte et dont on vit. Le « walk the talk », c'est vraiment quelque chose de très fort chez moi, qui me meut : être constamment dans l'authenticité et non pas dans la représentation. Quand ce n'est pas en phase avec qui je suis, c'est ciao, y compris pour les relations ! Plus jeune, tu as toujours besoin de plaire, d'être aimé, d'être en harmonie etc. OK mais pas d'harmonie à n'importe quel prix. Surtout pas celle qui t'emmène loin de tes valeurs, loin de tes principes. J'en ai quelques-uns qui sont fortement ancrés mais en même temps, je pense que je suis très adaptable.

Cette quête-là, c’est elle qui m'a permis de rencontrer des gens absolument fabuleux, y compris le Dalaï Lama, mais pas mal d’autres rencontres qui ont éclairé ma vie. Pas forcément des gens engagés spirituellement mais des personnes qui m'ont vraiment énormément apporté en engageant une réflexion autour de l'humain parce qu'en fait, il n’y a que ça qui m'intéresse. »

Toute cette expérience douloureuse a-t-elle influé sur ton travail ?

« Tout mon boulot a été centré là-dessus. Je suis sortie des sentiers battus pour accompagner des gens en rupture, qu’elle soit professionnelle, de couple, familiale… Et j'ai aussi beaucoup travaillé sur la réinsertion de jeunes en difficulté. Voilà qui situe un peu le personnage, n’est-ce pas ? »

En effet, on commence à saisir des bribes de toute ton épaisseur, Roselyne… Quand tu rentres du Canada, laissant ton cabinet outre-Atlantique derrière toi, que décides-tu de faire ?

« J’ai donné des cours à la fac de Poitiers et à l'école d'infirmière. On est en 2000 – 2001… Et là - merci les anges, ou la conscience supérieure, je ne sais pas - je rencontre un monsieur très engagé au Népal. Il m'a séduite, si je puis dire, par son engagement auprès de la population népalaise. Il avait monté une association, Santé sans frontières, à laquelle j'ai par la suite appartenu pendant plusieurs années. Santé sans frontières venait en aide à trois pays : le Mali, le Niger et le Népal. Mon cœur allant plus vers l'Est, je suis rentrée à corps perdu dans ce projet-là. »

Quel a été ton rôle au sein de cette association, Santé sans frontières ?

« Il m'a vraiment confié la responsabilité des projets. On a construit une école, des dispensaires, des toilettes à Chitwan et dans le parc national de Bardia. On a aussi construit des villages, restauré des maisons... Il y a eu un projet de 42 maisons qui ont été bâties dans les villages à Thakurdwara, dans le parc national de Bardia. J'avais commencé dans les montagnes, mais très vite, mon cœur est allé dans la jungle népalaise. Et j'y suis retournée deux fois par an pendant dix ans pour suivre l’évolution des projets. »

Le Népal est donc une des destinations chère à ton cœur...

« Oui mais entre deux missions là-bas, j'ai aussi pas mal voyagé ailleurs. D’autant plus que ma fille a suivi les pas de sa mère en matière de voyages : elle est partie en Floride à 17 ans où elle a fait ses études, puis elle a voyagé dans le monde entier : elle a habité deux ou trois ans à chaque fois en Australie, à Bali, aux Philippines... Et je suis toujours allée la voir là où elle posait ses valises. J'ai beaucoup voyagé, tout le temps… Personnellement ou pour le travail. En 1998, j'ai fait ma formation de professeure de yoga aux Bahamas, à l'école Sivananda, et j'ai donné des cours au Canada en plus de la France. »

Mais un autre bouleversement de vie vient à nouveau te mettre à l’épreuve...

« Nous sommes en 2004. Là survient le décès de mon fils, Greg. Il a 32 ans. Ça a complètement modifié ma façon de voir les choses… Je suis entrée dans le grand détachement : plus grand-chose n'avait d'importance pour moi à cette période en dehors de cette perte-là. Mon fils m'a énormément fait travailler sur le détachement, la compréhension, l'accompagnement...

C'est lui qui a choisi de partir... Il était malade et il s'est pendu dans son appartement. Donc quand tu vis ça... Je ne suis pas du genre à être dans la culpabilité, plutôt dans la compréhension et là, j'avais saisi que c'était une âme en détresse, qui n'avait pas sa place ici, qui s'était un peu trompée de siècle, mais qui m'avait choisie pour maman. Je suis restée en lien vraiment très longtemps avec lui, et souvent quand j'ai besoin d'inspiration, c'est vers lui que je me tourne, il me guide. Du moins, c’est l'idée que je m'en fais... »

On sent combien il t’a fait cheminer en tout cas…

« Oui, ça a été une quête vraiment très très forte... »

À quel âge t’es-tu arrêtée de travailler ?

« J'ai pris ma retraite à 68 ans et je suis allée vivre en Tunisie. J’y ai posé mes valises avec des va-et-vient pour rentrer en France quand c'était nécessaire. Puis il y a eu le Covid, qui m'a stoppée dans mon élan et ne m’a pas permis de rentrer chez moi, je suis restée chez des amis.

J’ai fini par rendre mon appartement là-bas mais j’y suis repartie plus tard et là, j'ai vécu en colocation pendant six mois. Lorsque j’ai voulu reprendre un appartement bien à moi, je me suis crashée : je suis tombée et je me suis fracturée le trochanter. Là j’ai compris que la Tunisie, ce n'était visiblement pas pour moi, il y avait eu trop d’obstacles. Ça a été un coup dur parce que j'ai été arrêtée en plein vol, j’y avais plein de projets… J’ai eu du mal à l’accepter mais je devais me rendre à l’évidence.

Et puis, peut-on réellement dire que j'ai été arrêtée quand, même avec ma jambe et mes béquilles, je suis allée en Bulgarie, au Canada, en Suisse, je suis allée en Égypte… Je suis allée voir Virginie, ma fille, en Équateur où elle vit. Et je reviens d’Inde et du Népal. Ça n’a donc pas tout stoppé mais en tout cas, ça m'a permis de poser les choses et de faire le point. »

Quel parcours de vie incroyable en tout cas… avec de grandes douleurs, mais aussi des choses merveilleuses !

« Oui… J'ai 75 ans, 76 au mois de juin, et je me dis que je peux mourir demain. Mais si ça arrive, je suis comblée. Je n'ai aucun regret dans ma vie. J'ai été là où je devais au moment où je le devais et j'ai fait ce que j'avais à faire. Je pense notamment à l'engagement que j'ai pris il y a 24 ans maintenant auprès des jeunes de Bardia, cette école… etc. Je n'ai pas de maison. J'habite dans un joli petit appartement qui est un appartement social. Je n'ai pas de propriété parce que toutes mes économies sont parties à Bardia. J’ai aidé à la construction, nous avons bâti douze classes. Et ça a été mon choix.

Car pour la petite histoire, lorsque mon président est décédé, la personne qui a repris l'association a affecté le montant qui était prévu pour l'école à un autre projet. J'ai été extrêmement choquée et j'ai quitté l'association parce que ce n'était vraiment pas conforme à mes valeurs et à l'engagement qui avait été pris au départ. Je me suis sentie vraiment très mal. Mais il n’était pas question de laisser les garçons qui nous faisaient confiance là-bas. Alors j'ai fait appel à tous mes amis, aux chefs d'entreprise que je connaissais, etc. Tout le monde a mis la main à la poche pour pouvoir aider à finir cette école et pour qu'elle fonctionne. Aujourd'hui, on a 135 gamins inscrits et ça augmente tous les ans. C'est vraiment quelque chose de très beau et j’ai d'ailleurs pu y retourner lors de mon voyage de décembre dernier. Je suis quelqu'un d'extrêmement loyal, je suis gémeau ascendant verseau. Deux signes d'air et le verseau est quelqu'un de fidèle. Ce sont vraiment deux valeurs très importantes pour moi. »

« Mon rôle a été de mettre le doigt sur la dissonance de chacun et de créer des prises de conscience »

C’est tout à ton honneur, Roselyne… Revenons sur le travail de thérapeute que tu as exercé une bonne partie de ta vie, si tu veux bien. Quelle était véritablement ta spécialité ? Et parle-nous des accompagnements que tu faisais auprès des personnes qui venaient te consulter.

« Mon premier cabinet, je l’ai ouvert lorsque j'étais au Canada. Avant cela, je faisais de la formation auprès de jeunes à la fac. Je leur parlais communication, je les préparais à leurs entretiens d'embauche, je les faisais réfléchir sur eux etc. Je faisais aussi de la formation auprès d’élèves infirmières. On appelait ça, intervention holistique à l'époque.

Et avec mon cabinet, que j’ai ouvert à 42 ans à Poitiers, j’ai pratiqué la thérapie régressive. Les personnes venaient me voir, m’exposaient leurs problèmes et pour les aider, soit j'utilisais mes techniques régressives, soit j'utilisais des techniques de communication et de psychologie. L’accompagnement se faisait sur 3 à 5 séances et ça suffisait. Ce n'était pas un accompagnement psychanalytique, je n'ai pas cette compétence là et ce n’est pas mon truc. Moi j’ai toujours préféré dialoguer avec la conscience... »

Et quelles étaient ces techniques de régression que tu utilisais ?

« Les EMC, les états modifiés de conscience. Je mettais une musique très douce, en hémi-synchronisation avec des écouteurs pour chaque patient. Et pendant ce temps, moi je parlais à leur conscience, tout doucement.
« Allongez-vous tranquillement et laissez-vous aller. Vous avez tel problème qui se renouvelle dans cette vie-là : est-ce qu'on peut demander à la conscience qu'elle nous emmène là où il y a le problème ? » Très souvent, les gens basculaient. Ils se voyaient tout petits, avec un grand frère qui les tabassait, qui leur piquait leur vélo... Il y a eu des rémissions spectaculaires, toujours dans un grand respect de ce qu'était la personne.

J'utilisais donc ces techniques-là mais j'utilisais aussi des techniques de communication. Analyse transactionnelle, un peu de numérologie et surtout beaucoup de caractérologie. Je prenais comme base la grille de caractère et ça me permettait d'avoir une idée vraiment immédiate de ce que la personne était en train de vivre et la façon dont elle le vivait. C'est véritablement mon outil. Je l'ai utilisé pendant 40 ans avec presque 20 000 analyses à mon actif. »

C'est quoi concrêtement cette grille de caractère, Roselyne ? Explique-nous.

« La caractérologie a été enseignée à la fac jusque dans les années 70. Je l'ai découverte lorsque j'étais à l'IUT avec notre prof de psycho qui nous avait fait remplir le questionnaire. À la suite de ça, j'ai croisé un monsieur prof à la fac, qui l'utilisait pour savoir quelle était l'orientation la plus adaptée pour chaque étudiant et quelle entreprise leur seyait le mieux.

Ensemble, nous avons monté une association de développement de la caractérologie. J’en ai été la présidente pendant longtemps. Le but était de permettre aux gens de mieux se connaître, pour mieux communiquer, mieux se sentir, etc. Et au sein de l'association poitevine, ce monsieur, qui avait une vraie réflexion, avait observé un comportement X chez les étudiants lorsqu’ils étaient en classe et un comportement Y lorsque ces mêmes jeunes étaient en stage dans leur entreprise. Alors, il s'est beaucoup interrogé et il a bâti un questionnaire de comportement qu'il m'a demandé de tester puisqu’à l'époque, je faisais de la formation auprès beaucoup de groupes. Je l’ai donc testé sur mes étudiants. Et on a décidé de garder ce deuxième questionnaire. Le premier avec 100 questions qui révèlent ce que tu es là, aujourd'hui. Parce que c'est évidemment très mouvant, une personnalité évolue. Celui-là permet d'établir une courbe bleue sur la représentation visuelle. Et le questionnaire de comportement, que nous avons donc élaboré et testé à l’école de Poitiers, et qui permet d'élaborer une courbe rouge. J'avais ensuite un logiciel qui superpose la courbe de ce que je suis sur la courbe de mes comportements et là, immédiatement, tu vois les écarts qu'il peut y avoir entre ce que je suis et la façon dont je me comporte. À ce moment-là, mon rôle est de mettre le doigt sur la dissonance. Ça crée d'abord une prise de conscience incroyable chez l'autre. Et puis en même temps, une réflexion sur "Pourquoi je fais ça ? À cause de quoi ? Quel est le point qui pose problème ?" J'ai toujours utilisé cet outil-là comme support, y compris quand je régressais les gens. C'était génial parce que ça me donnait une porte d'entrée pour la relation, pour la rencontre et un contact direct avec leur âme, c'est-à-dire qui ils étaient derrière cette personnalité visible. Voilà, c'était un peu technique mais je me devais de t’expliquer cela pour bien comprendre l’expérience que j’ai vécu dans la connexion à l’autre… »

Tu as vraiment touché à des choses très variées, la caractérologie, la numérologie…

« La numérologie sur un plan superficiel parce que ce n’est pas vraiment ma compétence. J'ai aussi fait de la grapho, de la morpho… Toutes les sciences humaines possibles car j'étais très curieuse. Avant de finir par me centrer sur une spécialité parce que je me dispersais trop. »

« La bienveillance n'est pas une faiblesse : être attentif à l'autre, c'est vraiment un don »

Et tu disais au début que tu avais été très attirée par le bouddhisme également, que tu as beaucoup étudié. Comment est apparue cette attirance ?

« Je suis catholique d'origine avec une mère très croyante, même si pas forcément pratiquante car elle avait trois enfants et un commerce. Mon père lui, était pâtissier et athée. Pendant que maman était à l'église, papa était au bistrot. Mon père était gémeau : créatif, qui se foutait de tout... Et ma mère, lion : une dominante. Tu vois le genre de couple ! Moi, je me suis réfugiée dans le mysticisme. L'histoire sainte, la vie de Jésus... J'adorais ça ! À tel point que le curé de la paroisse me faisait venir dans les petits groupes déjà à l'époque, alors que j'avais peut-être dix ans, pour raconter l'histoire sainte.

À 12 ans, j’ai fait ma communion solennelle et à 13, j'ai renouvelé mes voeux avec la profession de foi. Il s'en est fallu de peu que j'entre dans les ordres. Parce que je trouvais que ça nourrissait mon âme. Sauf qu'à 13 ans, très précoce, je suis rentrée en seconde, dans la grande ville où j'ai découvert le monde. Les garçons, l'homosexualité du censeur de l'époque, etc. Un monde que je ne connaissais absolument pas. J’avais été très préservée dans mon petit village. En évoluant dans cet autre monde, j'ai tout balancé ! Ce qui veut dire que je ne me suis pas mariée à l'église, que les enfants ne sont pas baptisés... Rien du tout ! »

Tu veux dire que ce détachement vis-à-vis de la religion catholique t’est venu lorsque tu t’es aperçue de tout ce qui t’était encore inconnu et que tu ne comprenais pas ?

« Exactement. Je me suis dit que je ne voulais pas m'enfermer. Cette prise de conscience, ça a énormément éclairé mon voyage. Ce besoin de découvrir, de connaître… c’est vraiment ce qui m’a motivée. Et la bascule a été complète lorsque je suis tombée enceinte. Il y a un livre aussi, qui m'a été offert lorsque j'avais 19 ans à peu près : Le troisième œil, de Lobsang-Rampa. J'ai plongé là-dedans. Et je ne me suis jamais arrêtée. Tu vois derrière moi, il y a la Bhagavad-Gita, il y a la Bible ici, le Coran là ou encore mon petit livre de messe… J’ai tout ici. Et puis cet énorme livre sur toutes les religions du monde. Ça m'a passionnée parce que je trouvais que la source était la même et que la division des Hommes était dans les religions. Dès l’instant où j’ai compris ça, je n’ai plus du tout voulu être associée à une religion spécifique. »

Après ces innombrables lectures, qu'est-ce que tu gardes de toute cette spiritualité que tu emmagasines à ce moment-là ? Quelles sont les valeurs ou les grandes idées qui ne t’ont pas quittée depuis ?

« Ce qui me vient spontanément, c'est le beau, le bon, le vrai. Je pense que ces trois éléments résument ma pensée.

Être entourée de beau tout le temps, pas forcément de riche, mais juste de beau. Quand je vois une Népalaise qui rentre des champs avec son fagot et qui sombre sous le poids, cette image dans la forêt, ça m'émeut aux larmes pour plusieurs raisons. La beauté esthétique déjà, que l’on trouve là-bas un peu partout. La beauté du sacrifice de cette femme pour sa famille. La beauté de cette vie pourtant dure. Trouver le beau dans la rudesse, dans le vrai, ça me motive. C’est le chemin vers l'authenticité je crois. En voyage, c’est pareil. Je me rappelle d’un moment à Sidi Bou Saïd, un jour où j'étais vraiment en extase devant une ancienne porte… j'ai vu débarquer 800 personnes d’un énorme bateau. Ça m'a tout bonnement donné envie de vomir. Vraiment. Il n’y a rien de beau dans le tourisme de masse selon moi.

Le bon, parce que je pense que la bienveillance n'est pas une faiblesse : être attentif à l'autre, c'est vraiment un don. Lorsque j’avais 5 ans, ma grand-mère m'emmenait à l'hospice pour aller voir les vieux, et elle me disait : « Tu vois, tu viens d'illuminer leur journée... » Je suis intimement convaincue que chacun d'entre nous est une lumière pour l'autre. On croit qu'il faut être un guerrier en permanence. Oui, mais un guerrier pacifique comme dirait Dan Millmann. Moi, ça me convient bien le guerrier pacifique : monter au créneau encore et encore, mener des combats, lutter contre l’injustice... Oui mais sans faire de mal à qui que ce soit. »

On sent bien que les valeurs sont fondamentales pour toi. Tu as parlé de loyauté, de bonté… Est-ce qu’il y en a d’autres qui te constituent avec force, qui te déterminent ?

« Une des valeurs que je revendique, c'est l'intégrité. Je ne sais pas gérer la mauvaise foi. Je suis désarmée face à elle. Donc je défends l’intégrité, la loyauté, l'engagement. C’est valable dans la vie professionnelle comme pour toute relation, amoureuse ou amicale. Il y a des moments où pour des raisons extérieures à soi, on ne peut tenir son engagement. Il faut s’écouter et en tenir compte. Accepter de se retirer, de se désengager. Mais avec élégance. Parce qu'il y a des gens qui comptent sur toi.

Les valeurs et la philosophie du yoga, c’est important aussi pour moi. J'ai pratiqué la méditation zen pendant très longtemps, la méditation yogique bien évidemment. Je la pratique toujours. Ça fait cinq ans que tous les lundis soirs, je suis avec un groupe international, des gens en provenance du Canada, du Danemark, de Suisse… et nous nous retrouvons pour une méditation pour le monde. Je crois à l’intérêt de faire passer le collectif avant l'individuel. Je ne m'oublie pas mais ma dimension personnelle n'a vraiment pas d'importance au regard de la dimension collective.

Et puis, je terminerai là-dessus, je ne suis pas adepte des combats inutiles. Monter au créneau pour monter au créneau, ce n'est pas mon truc. Parce que je suis très consciente de la loi karmique. Je sais que toute action aura tôt ou tard ses conséquences, positives ou négatives. Tu ne peux pas le savoir au moment de l'action. Mais ce qui compte, c'est l'intention. Quelle intention je mets dans ce que je fais ? In fine, si mon intention est juste, mon comportement sera juste, ma parole sera juste, etc.

Aujourd'hui, j’éprouve une grande paix intérieure. Malgré les bouleversements, malgré les gros deuils, comme mon fils ou mes deux parents que j’ai accompagné jusqu'au bout et qui sont partis à 90 et 92 ans, je suis en paix. Je n'ai pas peur de la mort, tout peut s'arrêter demain, j’ai fait ce que j’avais à faire… »

« En voyage, je veux être dans l'être »

Merci Roselyne de ces partages très intimes. Maintenant que l’on en sait davantage sur ce qui a animé ta vie professionnelle, tes combats personnels, tes valeurs en tant qu’être-humain, tes intérêts… revenons-en au voyage pour éclairer notre sujet de prédilection de tout ton savoir. Comment toute cette matière s’incarne-t-elle dans la voyageuse que tu es ? Tu évoquais tout à l’heure cet énorme groupe qui a débarqué et qui t’a littéralement écœurée... Qu’est-ce qu’un voyageur éclairé selon toi ?

« Pour moi, la réponse est très claire : c'est l'intention. "Pourquoi je voyage ? Qu'est-ce que je veux aller faire ?" Je ne veux pas « faire » le Népal. Je veux « aller » au Népal. Je veux aller à la rencontre de sa population.

Il y a trois dimensions : être, avoir et faire. Je ne veux rien prendre lorsque je voyage. Je veux rencontrer, être dans l’être. Je n’irais pas dire qu’il y a un bon ou un mauvais voyageur parce qu'on sait très bien que dans la loi de l'équilibre, il y a du mauvais dans le bon et du bon dans le mauvais. Et par moment, on se surprend soi-même à avoir des bascules d’un côté alors qu’on se pensait de l’autre bord. Ce que je veux simplement, c'est avoir la bonne intention mais surtout, rencontrer et respecter l'humain. C'est-à-dire que même s'il ne fonctionne pas comme moi, je respecte sa différence. Pour moi le bon voyageur, c’est celui qui est curieux, ouvert, réceptif à l'autre.

Je vais te raconter une anecdote pour illustrer cela, à propos d’une jeune femme rencontrée au Vietnam avec qui je suis restée en lien. Gam, c'est une jeune femme qui était dans l'hôtel où nous étions Pascal (Falcone, fondateur de Noé Voyage, ndlr) et moi dans le Nord Vietnam, auprès des ethnies. Nous déjeunions et elle est venue s'asseoir avec nous, comme ça, juste pour échanger. Le soir à 7 h, une fois nos visites terminées, ça frappe à la porte de ma chambre. C'était Gam. Elle avait les deux mains derrière le dos. Elle me dit : "Je suis désolée, je viens vous dire au revoir parce que demain, je ne travaille pas et je sais que vous partez. J'ai un cadeau pour vous." Et elle sort un petit sac avec des éléphants pour moi et une pochette pour Pascal. J’ai été très touchée et je l’ai invitée à entrer dans ma chambre. On s’est assises sur le lit et on a commencé à jaser toutes les deux. De nos enfants et autres. Et voilà que je lui parle de Greg, du fait qu'il soit parti. Je ne l'oublie pas : même s'il n'est plus là, j’ai deux enfants. Je lui parle de ma fille, qui à l'époque était aux Philippines. Elle, me parle de son fils, de ses espoirs… Nous avons échangé une bonne trentaine de minutes et puis elle est partie, elle ne voulait pas abuser. On s'est dit aurevoir en échangeant nos noms et nos coordonnées. J’étais à peine rentrée en France qu'elle me demandait comment s'était passée ma fin de voyage, comment j’allais etc. Et depuis 4 ans, je suis en relation avec elle. Elle a été enceinte. Elle a mis au monde un petit bébé. Elle m'a envoyé des photos. Et elle vient d'ouvrir un petit écolodge familial de 3 chambres pour accueillir les gens chez elle, au milieu de sa famille. »

C’est une très jolie rencontre, en effet…

« La rencontre avec Gam, je trouve qu'elle illustre parfaitement ce que je suis dans le voyage. Je ne conçois pas de passer à côté de l’autre. Je ne peux pas. »

Sur la route qui m’a menée à ce séminaire pour le lancement de Noé, un ami m'a dit cette phrase : "Bien voyager, c'est une forme d'intelligence". Qu'est-ce que tu en penses ?

« Je suis complètement d'accord, ça me séduit énormément. Placer son intelligence au cœur du voyage, voilà tout. Faire attention. Ne pas monter sur les temples sous prétexte de faire un Tiktok ! Respecter, s’inquiéter, s’agenouiller. Il y a une nécessité à s'adapter en voyage, à la culture, à l'autre. »

« Rencontrer l'Autre, c'est se rencontrer soi. Noé propose un voyage à l'intérieur de notre être... »

Justement, si tu te réfères à tout ton travail sur la caractérologie, penses-tu que tout le monde est à même de s'adapter ? Et j’aimerais que tu lies ta réponse au concept même de Noé Voyage, qui est de penser la destination et les rencontres en fonction du caractère et de la personnalité de chaque voyageur qui s’adressera à l’agence. Est-ce que tu peux nous expliquer ?

« C’est une excellente question, Laetitia. Non, je pense que tout le monde n'est pas capable de s'adapter. Ou en tout cas pour quelques-uns, il leur faut un certain temps, voire un temps certain ! À ma connaissance, il y a deux grandes catégories de personnes : les sédentaires et les nomades. Le nomade, on n'en parle pas, bien que son aspect négatif serait qu’il court d'un endroit à un autre sans jamais se poser et sans jamais s'intégrer. Le sédentaire, lui, ne bouge pas. Mais quand il bouge, il peut bouger à bon escient.

Je crois que le tourisme de masse peut correspondre à certaines personnes qui, noyées dans la masse justement, ne vont pas se confronter à elles-mêmes. Parce qu'un vrai voyage, pensé comme on l'a pensé chez Noé, te met un miroir en main. C'est là où tu te rencontres. Rencontrer l’autre, c’est se rencontrer soi. Noé propose je pense un voyage vers soi, à l'intérieur de notre être.

On a vraiment travaillé à se demander comment faire voyager des personnes seules ensemble et sur la nécessité de définir leurs intentions, leurs objectifs. On ne peut pas proposer le même voyage à quelqu'un qui veut profiter des musées qu'à quelqu'un qui lui veut vivre une aventure sportive. Nous voulions mettre ensemble des gens différents mais susceptibles pour autant de vivre ensemble. Car contrairement à ce que l’on peut penser, mettre des gens ensemble avec la même personnalité, ça pètera forcément à un moment donné ! C'est insupportable d'avoir un miroir permanent face à soi. Pourquoi est-ce que dans les couples on est si différents ? Parce que c'est la complémentarité qui permet l'harmonie. Avec de l'amour évidemment. Car lorsqu'il n'y a plus d'amour, il reste la différence et c'est intolérable. Ce que l'on appelle complémentarité quand on aime, on l'appelle différence quand on n'aime plus ! Ce que l'on trouvait mignon quand on était amoureux devient insupportable quand l'amour s'éteint. L'idée de Noé, c'est de faire en sorte, à travers 10-15 questions posées, que ça matche.

Il y a par exemple un facteur de caractère qui est terrible, c'est la largeur de champ de conscience, en lien avec la gestion de l'espace. Soit tu es large, soit tu es non large. Aucun jugement là-dedans, la caractérologie ne juge pas. Mettez ensemble dans une chambre un large et un non large : le large va en mettre partout et bouffer l'espace de l'autre. Le non large, lui, catégorise, range, ordonne. Un enfant de chaque dans une même chambre et le non large va faire des crises d'asthme parce qu'il n'a plus d'espace et qu’il étouffe ! C’est la même chose dans le couple. Ça c'est vraiment un facteur qui provoque énormément de problèmes relationnels.

Un autre, c'est le primaire et secondaire. Le primaire est vif, spontané, il démarre au quart de tour. Le secondaire lui, prend son temps, réfléchit avant d'agir, pèse le pour et le contre, ne fait rien à la légère. Si tu ne connais pas ces mécanismes, il y en a un des deux qui va monter au cocotier ! »

Mais alors pour un bon groupe en voyage, quelle est la formule magique ? Est-ce qu’il faut regrouper des personnes qui se ressemblent ? Ou au contraire mélanger les personnalités ?

« Il faut de la mixité. Il n'y aurait rien de pire que de compartimenter. Noé est hors cadre alors pas question d’enfermer les gens dans des cases. Ne mettre ensemble que des colériques, par exemple, ou que des nerveux ou rien que des passionnés, c'est avoir tout faux. D'abord parce qu'il n'y aura aucune richesse : on s'enrichit par la différence des autres. Je suis d’ailleurs riche moi-même de tous ces gens que j'ai croisés et de tous les pays que j'ai visités. »

Attardons-nous justement sur les pays que tu as visités : on a bien saisi ton affection particulière pour le Népal. Est-ce qu’il y a d’autres destinations qui t’ont fortement marquée et pourquoi ?

« Bali et l’Indonésie que j’ai visitée en 92. Ce n’était pas le Bali d’aujourd’hui. C’est une drôle d’histoire d’ailleurs ce voyage parce qu’en y allant, un réacteur a explosé en plein vol ! Je suis restée quelques jours coincée à Dubaï et j’ai adoré le Dubaï de cette époque-là ! Une ambiance de village de pêcheurs où j’ai flâné toute une journée… Mais la marque indélébile, c’est l’Indonésie : Sulawesi aux Célèbes, chez les Toraja. Nous avons vraiment été considérées comme de la famille là-bas. C'était incroyable. J’étais avec ma sœur et ce voyage, très loin d’être touristique puisque nous étions invitées chez les ethnies, ça m’a laissé des traces. Les rites funéraires Toraja sont magnifiques. La Mauritanie également m'a beaucoup touchée. Son hospitalité… Je pense à Abdou, un guide humaniste qui a une association sur place : nous avons été invités chez lui, à manger, à jouer avec les enfants… Je le garde dans mon cœur. Le Sud tunisien également, qui est encore authentique, beau, avec un accueil mémorable... En Asie, j'ai beaucoup aimé la Thaïlande, j'y suis allée régulièrement, dans le Nord et j'y ai gardé de très bons amis. Le Laos et le Cambodge m'ont beaucoup plu aussi. L'Équateur, parce que ma fille y vit et que je suis au cœur de la population Quechua lorsque je vais lui rendre visite. »

Tu nous as parlé de nombreuses rencontres au fil de cet échange, mais revenons sur l’une d’elle, capitale : ta rencontre avec le Dalaï Lama. Est-ce que ça a été aussi marquant que ce que l'on peut imaginer ?

« Oui. Ça s'est fait en Inde, à Dharamsala. Merci de me ramener là-bas … J'étais dans les montagnes himalayennes, dans une maison de raja où j’étais seule. Un décor extraordinaire même s’il faisait très froid… J’ai assisté au festival tibétain et dans ce cadre-là, j’ai demandé rendez-vous. Ce rendez-vous m'a été accordé. C'était juste après la mort de Greg. Je lui ai dit : « Je suis là juste pour mon fils… ». Il m'a répondu : « Just karma ». Il n’y a pas eu grand-chose, seulement ce simple échange. Mais ça a été un switch dans ma façon de penser son départ. J'ai revu le Dalaï Lama en 2005 à Paris, où j'ai pris l'initiation du Kalachakra à ses côtés. Mais j'avais déjà pris refuge à ce moment-là. »

Quand il te dit ces 2 mots « Just karma », qu’est-ce qu’il se passe en toi alors ?

« C’est comme une révélation. J’ai entendu : « Ne te sens pas coupable. Ne te sens pas mal. Ne te sens pas responsable. C'est juste le choix de l'âme de ton fils. Cette âme, c'est ce qui vous a réuni et c’est ce qui a fait qu'il est parti comme ça. Just karma ». Ça n’était pas grand-chose. Mais ça a été dit avec tant de bienveillance et d’autorité que ça m’est apparu comme une évidence et que ça a canalisé mes émotions. Je me suis alors dit : « C’est juste… c’est la juste chose ». »

Merci Roselyne de revenir sur cet épisode douloureux pour nous… C’est le bouddhisme dont tu te sens le plus proche aujourd’hui, toi qui étais une fervente chrétienne enfant ?

« Oui. Parce que le bouddhisme inclut toutes les religions. Tu peux être chrétien et prendre refuge. Si tu veux être hindouiste en revanche, tu ne peux pas, il faut naître dans une famille hindouiste, il n'y a pas de conversion possible. Cette inclusion dans le bouddhisme me parait véritablement correspondre à ce que je suis. Et la valeur même du bouddhisme aussi : je me reconnais complètement dans le sentier, la compassion du bouddha, la bienveillance… Ce sont les mêmes préceptes que chez les cathos sauf que c'est beaucoup plus ouvert. Mon cœur est plus proche du bouddhisme tibétain. »

Nous allons terminer sur Noé Voyage. Peux-tu qualifier en quelques mots ce que représente Noé pour toi et quelle est sa singularité comparativement à d'autres agences de voyage ?

« Pour moi, Noé, c'est une autre forme de voyage. Un voyage différent et intelligent pour plagier un peu ton ami, c'est-à-dire un voyage en conscience. La destination que je choisis en tant que voyageur n'est pas une destination anodine parce que je ne veux pas « la faire » juste pour m’en vanter auprès de mes copains. Je souhaite que la rencontre, la vraie, se fasse aussi bien au niveau du groupe qu’avec les locaux sur place. Noé va permettre, je l’espère, l'harmonie avec les uns et les autres. Pour moi, c'est un groupe qui serait capable d'être un phénix en quelque sorte, c'est-à-dire de laisser mourir ses habitudes vécues en France pour renaître à des habitudes de voyageur engagé, ouvert et intelligent. »

Est-ce que ça implique une préparation du voyageur en amont ?

« Je trouve que ça serait indispensable mais pour le coup, l'organisation ne me revient pas. Ce qui est certain c’est que dans le cadre de Noé, si j’accompagne un groupe au Népal par exemple, je peux t'assurer qu’avant de démarrer, je fais un briefing. Pour parler sérieusement et éviter tout comportement inacceptable une fois sur place. »

Tu leur dirais quoi concrètement ? Quelles seraient les grandes lignes de ce briefing ?

« Qu'on ne touche pas la tête des enfants comme on le ferait chez nous : ici, c'est le siège de l'âme. Que les bébés ont du khôl autour des yeux et que c’est normal, c'est pour éloigner les esprits... Je leur raconterai que les femmes travaillent beaucoup pendant que les hommes palabrent, qu’il faut en prendre l’habitude. Que même s'ils mangent par terre en nous tournant le dos, c'est correct. On n'a pas besoin d'être en face d'eux pour manger, ça ne se passe pas comme ça là-bas. Que s'ils mangent deux fois par jour du dal bhat, c'est qu'ils n'ont pas les moyens pour autre chose et que s'ils mangent à 11h et à 5h, nous devons nous aussi manger à 11h et à 5h. Je leur parlerai de l'hindouisme et du bouddhisme, de tout ça imbriqué l'un dans l'autre. Des castes aussi. Qu’ils soient briefés pour éviter les jugements, les a priori, et surtout les mauvaises paroles. »

Le mot de la fin, Roselyne, pour clôturer ce passionnant entretien ?

« Je te remercie de la pertinence de tes questions et de m'avoir permis de faire le point, ça m'arrive rarement, moi qui ai l’habitude de faire parler les autres plus que de parler de moi-même. En déroulant tout mon parcours, je me dis que j'ai eu plusieurs vies. Et que j’ai été à ma place et ça dans tout ce que j'ai pu faire. J’ai donc un sentiment très serein. J’espère encore pouvoir insuffler dans l'esprit de Noé ce qui m'a animée tout au long de ma vie et qui m'a fait rencontrer les autres. L'accent doit être mis sur l'humain, la population, les rites, les traditions, la façon dont les gens vivent, leurs habitudes… En fonction de l’endroit du monde où l’on se trouve, tout est tellement différent et ça ne doit pas choquer, ça doit être une richesse au contraire. Ces mots de voyage intelligent que nous avons posé, ça me plaît beaucoup. Merci infiniment, Laetitia… »