Sonia Privat : "En voyage, nous ne sommes pas là pour prêcher en faveur de nos croyances"

Interview voyage

Par Laetitia Santos

Posté le 26 janvier 2025

Photo Sources: Sonia Privat.

On l'a convoitée pendant quelques années sur le No Mad Festival sans que les agendas nous permettent de la recevoir. C'est chose faite grâce à la 4ème édition du festival Porto-No Mad, au Bénin, qui nous a permis de présenter ses carnets de voyage du Sénégal, de Gambie et de Tanzanie. Elle, c'est Sonia Privat, une femme simple qui a peint toute sa vie, aussi généreuse qu'elle est talentueuse.


Sonia, peux-tu nous partager qui tu es en nous racontant d'où tu es originaire et comment tu es devenue artiste ?

« Je suis née à Saint-Ouen, aux puces, avec un père aux origines algériennes. J’ai toujours fréquenté beaucoup de gens parce qu’à l’âge de 10 ans, nous nous sommes installés à Rodez, chez mon grand-père qui était Algérien et qui a passé sa vie à accueillir ceux que l’on appelle aujourd’hui « migrants ». Mais lui, ce n’est certainement pas comme ça qu’il les nommait.

Chaque fois que j’étais ici en vacances, et plus tard, quand on s’y est installé, j’ai partagé le quotidien de beaucoup d'ethnies différentes. Et je crois que c'est vraiment ça qui a inspiré ma vocation et m’a motivée. »

C’est un bain très particulier dans lequel tremper durant sa jeune enfance ! Pas étonnant que ça ait fait naître une vocation chez toi, Sonia. As-tu fait des études en art du coup ou ton savoir-faire s'est-il développé avec la pratique ?

« J'ai fait une école de stylisme à Paris. J'y ai appris la couleur. Pas le dessin, mais la couleur. Et puis, j'ai continué et comme tous les artistes, j'ai galéré, presque 10 ans. J’ai fait plein de boulots différents comme de la publicité. Je travaillais à l'aérographe, c'était très recherché. J'ai fait des camions, des décors de théâtre... Ce n’est qu’après que j’ai testé l'aquarelle, ce qui m'a d'ailleurs valu d'être admise tout de suite dans la Société des Aquarellistes Français. C'est vraiment ce qui m'a fait sortir de mon atelier, en fait. Mais j'ai toujours dessiné, toujours du portrait, et cela depuis ma plus jeune enfance. »

« C'est la beauté que je revendique avant toute autre chose... »

Et le carnet de voyage, comment est-il apparu dans ta vie ?

« J’en faisais depuis très longtemps sans savoir en réalité que c’était devenu un art à part entière. Au départ, je réalisais surtout des carnets pour m'inspirer au retour de voyage et composer mes tableaux en atelier. En 2010, j’ai voyagé à Zanzibar et j'y ai fait un carnet de voyage qui a donné lieu à un livre que j’ai publié en auto-édition. Il a été vendu très rapidement, surtout au Festival du Carnet de voyage de Clermont-Ferrand. J'y ai remporté un prix pour ce carnet à Zanzibar. Et depuis, je n’ai jamais arrêté. Mais je n’aime pas me revendiquer carnettiste, ni peintre d’ailleurs ou quelque autre étiquette que ce soit. Moi c’est la beauté que je revendique avant toute chose… »

Est-ce le continent africain qui t'attire et t'inspire tout particulièrement ?

« Oui, c’est vrai que de nature, je suis plutôt Afrique. Peut-être parce que j’ai un sens de la famille très marqué, c’est ce qui est le plus important pour moi.

Et j’ai bien évidemment mes petits coins préférés comme Zanzibar, où je suis beaucoup allée. J’y ai déjà réalisé six voyages. J’adore aussi le Sénégal… Le premier voyage a été accidentel si je puis dire : mon mari, Dan, ne voulait pas que l’on passe le 1er de l'an en France parce que nous sommes toujours invités mais nous nous endormons à chaque coup ! Alors nous avons pris deux billets pour le Sénégal et on s’y est envolé. Souvent, nous prenons des billets simples, sans date de retour et sur place, on se débrouille. Moi qui pensais que le Sénégal se résumait à des hôtels-clubs, on a fini par barouder en brousse ! Un bonheur pour moi qui aime tant la rencontre avec l’Autre ! C’est ce qui me plaît le plus en voyage. Les rencontres, c’est aussi ce qui rend un voyage facile.

Au Sénégal par exemple, nous avons rencontré Mustapha, un taxi qui nous ramenait à Dakar. On a complètement accroché avec lui ! Depuis, c'est Mustapha qui nous traîne partout. La dernière fois, c'était un mois complet à ses côtés du Sud-Est du Sénégal jusqu'en Casamance. Je m’adapte à toutes les situations : dormir dans un hôtel 4 étoiles à Clermont ou de façon très rudimentaire en brousse avec un seul bol d’eau pour la toilette…

Nous sommes allés en Gambie aussi parmi les destinations africaines marquantes… Et là, c'est une première au Bénin alors je suis ravie ! »

Et nous sommes très heureux de t’avoir offert cette opportunité de voyage et d’avoir exposé au Bénin ton travail tanzanien, sénégalais et gambien justement. Au milieu des places vodùn traditionnelles de la ville, c'était vraiment superbe !

« Et ça m'a replongée dans l’histoire familiale car figurez-vous qu’un de mes oncles a vécu 40 ans au Dahomey ! Il y a créé les premières usines à pain. Et il nous parlait toujours de ce pays bien sûr… Bon je parle énormément d’Afrique mais j’aime aussi beaucoup l’Asie. Nous sommes rentrés du Népal en novembre dernier où, comme pour la Tanzanie, nous y avons voyagé à six reprises mon mari et moi. »

Comment tous ces voyages ont-ils démarré à l’origine, Sonia ? Tu nous as parlé du voyage par la rencontre avec les différentes personnes d’horizons divers accueillis par ton grand-père mais le premier déplacement, il advient à quel moment ?

« Gamine, je ne voyageais pas. Mes parents oui mais moi, je me contentais des mappemondes et de toutes les cartes géographiques qui passaient entre mes mains. Et je dois vous confier pour que l’on comprenne bien que, plus tard, Dan a été très malade. Il a notamment subi une trithérapie suite à des opérations. Alors nous ne pouvions voyager qu'à l'envers comme j’aime à le dire, c'est-à-dire dans des pays au Nord du globe comme le Canada et ce genre de pays où nous pouvions joindre facilement un hôpital. Ce n’est qu’en 2010 que nous avons véritablement voyagé vers les terres qui nous faisaient vibrer. Tardivement donc. Mais depuis, on ne s’est plus arrêté. »

« Je prends du temps pour parler aux gens et m'inspirer... »

Vous semblez très complices avec Dan, ton mari, très complémentaires aussi. Est-ce qu'il t'accompagne systématiquement sur tous les voyages ?

« Il m’accompagne toujours, en effet, et il peint aussi. On le surnomme le MacGyver des expositions ! Parce qu'il sait parer à toute éventualité technique. C’est super de l’avoir toujours à mes côtés. Notamment parce que je propose pas mal de stages à l’étranger, c’était le cas par exemple cette fois-là au Népal, et qu’il gère ça avec moi. »

Et quel est le rythme que vous adoptez en voyage ? Plutôt lent pour que ça soit compatible avec le dessin ?

« Je dessine beaucoup, mais je sais m'arrêter, je n’ai aucun mal à poser mon pinceau pour discuter. Je ne suis pas le genre à vouloir faire un maximum de dessins en un minimum de temps bien que je dessine vite. Non. Je prends du temps, beaucoup, pour parler aux gens et m’inspirer. »

Est-ce que ça a bien matché avec le rythme d’Olivier Föllmi, célèbre photographe de voyage pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, que nous avions d’ailleurs reçu en 2018 au No Mad Festival de Cergy-Pontoise ? C’est lui qui avait composé l’affiche à l’époque et te voilà aujourd’hui ayant composé celle de l’édition 2025 du Porto-No Mad… Tu as publié avec lui un magnifique ouvrage sur Zanzibar, "L'oeil et le pinceau"…

« J'ai rencontré la réalisatrice de "Fleuve gelé", Céline Moulys. C'était lors d’un festival à Beaurepaire. Nous avions un stand côte à côte. Lorsqu’elle a vu mon travail, elle m'a dit : « C'est dingue, c'est la même vision qu'Olivier, le même regard porté sur les personnes et les lieux ». Je n'ai rien dit mais ça m’a évidemment fait très plaisir. Ma fille m'achetait toujours les livres d'Olivier, elle me les offrait depuis très longtemps et je connaissais bien son travail.

Le commentaire de Céline m’a donné l’impulsion pour lui écrire. Je lui ai envoyé un mail en lui disant « Je vous écris de la part de Céline, j'aime beaucoup votre travail… » De façon très modeste. Et il m'a répondu tout aussi simplement : « Mais moi aussi, j'adore ton travail ! On part quand ensemble ?! ». Pour moi, Olivier Föllmi était un grand type extraordinaire. Quand je l’ai vu quelques temps après à Albertville, je me suis retrouvé face à monsieur finalement pas si grand, en tout cas pour moi qui fait presque 1m80 ! Il s'est approché : « Bonjour, je suis Olivier » et moi j’ai répliqué : « Quel Olivier ?! » (rires)

Mais on a pourtant décidé de partir ensemble. Je lui ai dit : « Moi, je suis en tong en permanence, alors pour ne pas avoir froid aux pieds, j’aimerais mieux une destination pas trop au nord ! » C’est comme ça que nous nous sommes envolés pour Zanzibar. Notre relation avec lui a été facile. Nous sommes des gens simples et lui aussi. Notre voyage ensemble a été tout simplement génial. On s'est éclaté. On avait loué une maison sur la plage et on travaillait chacun de notre côté. On se voyait surtout le matin à 5h, pour le lever du jour. On se retrouvait le midi. Et puis le soir, pour boire des coups. Nous étions là pour nous inspirer. On ne s'est mis aucune pression. On s'est dit qu’on en ferait peut-être quelque chose ou alors rien du tout... Et puis après quelques mois, il m'a appelée et m'a dit : « Je déboule, on fait le livre ! »

Et vous avez réussi à assembler les photos et les dessins sans souci aucun ?

« Oui, on s'est bien amusé. Notamment sur Photoshop, pour fondre mes dessins dans ses photos. C'était une très belle expérience, vraiment une chouette collaboration. »

Comment composes-tu tes carnets de voyage en temps normal ? Est-ce que tu glanes beaucoup d'éléments ? Est-ce qu'il y a beaucoup de collages ? Ou est-ce que tu dessines surtout pour ensuite t'inspirer sur les toiles au retour ?

« D’abord, je ne suis pratiquement que sur papier et feuilles libres. Parce que je suis un peu fainéante, je n’aime pas avoir trop de poids. Et puis je ne sais jamais quelle va être la thématique car je n’aime pas travailler chronologiquement. India Express, par exemple, c'était un abécédaire. Alors j’embarque simplement quelques feuilles tous les jours et je ramasse un maximum d'informations et de choses sur place. Je fais les poubelles souvent. Et ce n'est qu'au retour que je compose mon carnet. »

Et au niveau de la technique, est-ce véritablement l’aquarelle qui l'emporte ?

« Oui, c’est ma technique de prédilection, avec du stylo BIC et un crayon plutôt gras. Au retour, lorsque je fais des tableaux et vu que je réalise des formats de plus d'1m80, ça peut être à l'aquarelle, toujours avec du crayon, mais aussi de l'huile sur bois. Sur un même support, je peux utiliser l'aquarelle, l'acrylique et l'huile. Je n’ai pas de règles, sans doute parce que je n'ai pas fait les Beaux-Arts. Mon père ne voulait pas mais finalement, j’en suis très contente. Je n’ai pas peur de tester et de ne pas être académique. »

On va essayer d'évoquer quelques souvenirs de voyage. Peut-être sur le Sénégal, que tu connais bien. Si je te demande une ou deux rencontres phares à nous partager, laquelle serait-ce ?

« J’en ai deux qui me viennent spontanément à l'esprit. La première, c'est ma rencontre avec Mustapha, chauffeur de taxi qui nous a ramèné de la brousse jusqu’à Dakar, j'en ai parlé un peu plus tôt. À ce moment du voyage, nous sommes un peu crevés, Dan et moi. Mustapha, c’est le genre d’homme très sérieux. Je lui demande si on peut s'arrêter manger. « Oui, oui », réponds-t-il. Et on s’arrête. Puis je lui demande combien il nous reste de temps avant d’arriver à Dakar. « Trois quarts d'heure - deux heures ! » m’a-t-il alors répondu. Je n'ai pas compris de suite ce qu'il voulait dire. Ce n’est que plus tard que j’ai saisi que c'était une fourchette qui dépendait de la circulation. Et je me suis dit qu’on pouvait vraiment avoir confiance en lui. À partir de ce moment-là, on est devenus amis. Et lorsque l’on voyage au Sénégal, c’est toujours Mustapha que l’on appelle.

La deuxième rencontre, c'est une autre faites en brousse. Il s’agit d’un petit garçon, prénommé Mustapha lui aussi. Son père ne pouvait pas nous accompagner, et c’est lui qui l’a remplacé, avec un âne pour porter de l’eau potable afin que l’on puisse tous se désaltérer, et nos affaires aussi, même si nous avions peu de choses. Ce petit garçon avait 11 ou 12 ans, je ne sais plus exactement. Il était habillé tout en kaki, tel un enfant soldat. Il ne parlait pas français, bien sûr, mais il avait un regard qui en disait long. Pendant notre voyage, j'ai bien sur commencé à dessiner. J'ai sorti mon petit matériel, trois fois rien. Mais au fil du dessin, c’est comme s’il s’était senti investi d'une mission. Il s'est mis à ranger mes pinceaux. C'était extraordinaire parce qu'il ne parlait pas un mot de français, ne connaissait rien en peinture mais plus les jours passaient et plus il parvenait à déterminer s'il devait me tendre un pinceau carré, un pinceau fin ou autre. C'était magnifique. On est resté 15 jours dans ce coin auprès de lui. À la fin de notre séjour, il avait complètement changé, c'est comme s’il était redevenu un gamin… Aujourd’hui, il a 17 ans et il est couturier. C'est une des plus belles rencontres que l'on ait faites au Sénégal. On a senti combien notre lien avait changé quelque chose en lui positivement. »

« Le Népal est le plus beau pays qu'il m'ait été donné de voir... »

Très jolie rencontre, en effet... Merci de nous la partager. Nous avons pas mal parlé du continent africain que tu aimes tout particulièrement, prenons un peu de temps à présent pour parler du Népal. Qu’est-ce qui t'a amené là-bas à l'origine ?

« Tout bêtement parce que Dan est un ancien routard et hippie. Nous étions en Inde, crevés par le voyage dans ce pays et j’ai pensé qu’une semaine à Katmandou nous ferait du bien et que Dan en serait heureux. Et nous avons accroché tout de suite avec le Népal ! Même si bien évidemment, le seul hippie que l’on a vu devait avoir 90 ans ! (rires) C’est véritablement un endroit merveilleux, pour moi le plus beau pays qu’il m’ait été donné de voir d’ailleurs. Que ce soit en termes d'architecture ou humainement car les gens y sont super. Comme pour le Sénégal, nous avons eu la chance d’y effectuer six voyages déjà. »

Mais du coup je me questionne, Sonia : toi qui es connue pour ne jamais quitter tes tongs, comment fais-tu au Népal ?! D’autant plus que c’est une destination réputée pour le trek. Les troques-tu contre des chaussures de rando ?

« Non, je suis véritablement toujours en tongs ! (rires) La dernière fois où nous sommes montés pour voir les Annapurna, même si ce n’était pas très haut, j’ai quand même pris des chaussures fermées. Mais on n’a pas vu les Annapurna ce jour-là alors ça ne m’a pas vraiment porté chance ! Nous ne faisons pas de trek, de toute façon. Souvent, ce sont des groupes que j’emmène au Népal, pour partager l’art du carnet de voyage mais notre programme ne se compose pas de grands itinéraires de marche. »

J’aimerais revenir sur ce que tu disais tout à l'heure, que ton grand-père accueillait chez lui des migrants. Toi qui as fait ta vie depuis, qui es pétrie de voyages et de toutes les rencontres faites au fil de la route, quel regard portes-tu sur ces voyageurs forcés et sur l’actualité politique et sociale en France liée à ce sujet ?

« Je me dis que la France ne fait pas son travail. Nous devrions accueillir correctement ces gens. Je ne regarde pas trop les infos mais les fois où je les regarde, je me dis qu’on manque de bons sens, que l’on n’a rien compris. Tous ces gens, ce sont de futurs consommateurs ici sur le territoire, ces enfants, de futures personnes éduquées grâce à l’école obligatoire… Rien n’a beaucoup changé depuis les années de mon grand-père. Lui a épousé une Française mais il subissait le racisme, alors très présent. Il l’est toujours malheureusement. Et il faudra bien du temps avant que quelque chose ne change véritablement, à mon sens. Nous avons un fils Dan et moi originaire de la Côte d’Ivoire. Quand nous sommes en Afrique, c'est un blanc à leurs yeux. Quand nous sommes en France, c'est un noir. Ça aussi cette une position pas évidente que vous font ressentir les autres. Mais pour en revenir aux migrants, ce sont des gens qui se déplacent car ils ne peuvent pas faire autrement. Ils ne le font pas par gaieté de coeur. On ne laisse jamais son chez soi derrière par plaisir. C’est terrible bien souvent ce que doivent affronter ces gens et on doit pouvoir leur ouvrir les bras. »

As-tu poursuivi d’une quelconque façon l’engagement de ton grand-père, qui t'a pétrie depuis toute petite ?

« Oui, je crois que l’on peut dire ça… Il se trouve que Dan a le même parcours que mon grand-père. Tous deux orphelins. Mon grand-père est Algérien et Dan de père algérien également. Ils se sont l’un et l’autre construits seuls. Ils ne savaient ni lire ni écrire à la base mais ont su se fabriquer une très belle vie. Mon grand-père n'a jamais oublié ses débuts, même quand il est devenu riche. Il a acheté cette maison à Rodez où nous vivons aujourd’hui, celle-là même dans laquelle il a accueilli tous ces gens gratuitement pendant des décennies. Il y avait des Espagnols, des Italiens, des Yougoslaves, beaucoup d'Algériens de Tizi Ouzou... Et nous, nous avons fait pareil : Dan est éducateur et chaque fois qu'il y a eu un gamin qui ne savait pas où aller, nous le gardions. C'est comme ça que l'on a récupéré Milan, notre troisième enfant. Et lui, il est resté... »

C'est une belle histoire. Une histoire forte qui se transmet dans votre lignée, de votre grand-père jusqu’à vous…

« Oui, c’est vrai, et nous avons la chance d’être une belle tribu avec cela. La famille pour nous, c’est notre essentiel. »

« C'est parce que trop souvent on se pense supérieur que l'on passe à côté de beaucoup de choses... »

Tu n'es pas sans savoir, Sonia, que le festival promeut le voyage engagé et responsable, à la rencontre des peuples, dans le respect de l'environnement, des cultures, etc. Peux-tu nous parler toi de tes engagements en voyage ? Est-ce que tu en as des particuliers ? Est-ce qu'il y a des choses qui te tiennent à cœur, que ce soit sur un plan environnemental, social ou bien culturel ? Qu'est-ce qui te définit en tant que voyageuse ?

« Avec Dan, nous tâchons d’être toujours dans le respect. Le respect des autres, le respect du pays... En voyageant les yeux grands ouverts, sans juger de la façon de faire. Je pense par exemple aux enfants talibés du Sénégal. Je pense aussi à l’environnement car au Sénégal, de nombreux endroits sont noyés sous le plastique, c'est impressionnant. Quand on peut, on essaye d'éduquer, de passer la bonne parole à propos de ce fléau mais en étant conscient que nos préoccupations ne peuvent pas être les mêmes partout. Les vieux ont leurs habitudes et n’y changeront rien, les jeunes en revanche font bouger les lignes. Ce qui est sur c’est que mon truc à moi, c’est la rencontre et l’observation de ces différentes cultures, des modes de vie et des croyances de chacun. C’est l’essence même de mon travail de retranscrire toute cette richesse alors je me garderai bien de tout jugement.

Un exemple tout bête : avec notre cher Mustapha, la première fois où il nous a conduit chez lui dans sa case, nous avons été frappés parce que c’était petit et très sombre à l’intérieur. Sa femme y faisait la cuisine et c’était donc enfumé au possible. Dan, mon MacGyver, leur a proposé de leur construire une cheminée, de manière à ce que les fumées puissent s’échapper et qu’ils puissent habiter leur case dans de meilleures conditions mais ils ont refusé. Ils ont toujours vécu ainsi et changer cette habitude ne leur plaisait guère. Notre voyage donc, il est dans le respect de la nature mais surtout dans le respect de la façon de vivre de chacun : nous ne sommes pas là pour prêcher en faveur de nos croyances et de nos habitudes et pour les obliger à s'occidentaliser. Ce serait le pire, je pense, et ce serait se sentir supérieurs. Quel que soit le domaine d’ailleurs… Je pense au médical par exemple : eux ont leur façon de se soigner, par le biais des plantes traditionnelles et elle n'est pas si mal, loin de là. C’est parce que trop souvent on se pense supérieur que l’on passe à côté de beaucoup de choses... »

Qu'est-ce que tous ces voyages t'ont apporté humainement ? Qu'est-ce que tu en as retiré de plus fort, si je puis dire, ou de plus conséquent dans votre personnalité, votre vie quotidienne, peut-être ?

« Nous sommes toujours partis voir l'ailleurs pour apprendre comment ça se passe et à quoi ressemblent les autres. Ce que j'en retire, c'est qu'on est tous des humains avec les mêmes sentiments, les mêmes émotions. On les vit différemment, c'est le cas en Inde par exemple, mais nous sommes tous identiques malgré nos différences. J'en retire donc une conscience et de la joie d'avoir rencontré toute cette diversité. Une forme d'adaptabilité aussi car lorsque l'on voyage, on vit différemment. »

Quelle prochaine destination aimerais-tu pouvoir découvrir et travailler ?

« Récemment, j'ai rencontré Simon, un carnetiste vraiment super, et sa femme Li, qui est chinoise. Ils vont nous embarquer avec eux l'an prochain. Et en attendant, ce sera l'Inde du Sud, que nous ne connaissons pas du tout : le Kerala, le Tamil Nadu... Ce n'est rien que du bonheur d'aller voir les autres et de communiquer. »