Par Laetitia Santos
Posté le 12 août 2017
8 jours d’un circuit alternatif et solidaire dans le sud d’Haïti, partagé entre montagne, plage et culture, pour un regard transformé sur cette île magnifique et une participation intelligente à son renouveau touristique.
Voyager en Haïti, ça ne se décide pas au pied levé ! Pays pétri de complexité de par son histoire actuelle et passée, malmené par le climat qui se déchaîne régulièrement sur ce bout de terre malchanceux, Haïti souffre de nombreux a priori et est loin de faire encore rêver les voyageurs.
Et pourtant, cette année, Babel Voyages et l’Office de Tourisme de Cergy-Pontoise ont fait le pari de mettre Haïti à l’honneur de leur No Mad Festival en tant que destination-révélation, persuadés que cette terre est idéale pour du voyage engagé et solidaire. Et que par le biais de cette économie touristique, si elle est bien menée, le pays pourrait trouver là une manne qui l’aide à se redresser.
Difficile pour autant de vous conseiller de partir en Haïti avec un vol sec et un sac sur le dos. La sécurité n’est pas certaine, les codes de vie ne se devinent pas, les transports et hébergements sont très onéreux et peu qualitatifs au regard du prix affiché, les routes - ou devrait-on dire les pistes - très difficiles… En bref, si l’on débarque en touriste, c’est le cas de le dire, le voyage risque d’être un mauvais souvenir, et Haïti de souffrir encore d’un bouche-à-oreille négatif.
Mais comme partout ailleurs, si l’on affine son regard et que l’on cherche à y voir de plus près, Haïti a de quoi passionner. Une culture incroyable, un peuple battant, une nature encore vierge par endroit, pas de touristes…
Vous souhaitez tenter l’aventure haïtienne ? Voilà une idée de parcours pour une semaine dans le sud haïtien mêlant culture, plage, partage, le tout accompagné par des personnalités haïtiennes fortes et pleine de vie qui veulent faire bouger les choses positivement. De quoi vivre une semaine à l’intensité humaine rare et une prise de conscience profonde…
« Pa kanpe la ! » scande le panneau au-dessus de nos têtes à la sortie de l’aéroport Toussaint Louverture ! Ça tombe bien, on ne comptait pas s’attarder ici pour démarrer, on se frottera à Port-au-Prince en fin de voyage... Pour le moment, les charmes de la campagne nous appellent.
Direction le sud et les montagnes de Petit-Goâve, bien plus accueillantes que la grouillante et crasseuse Port-au-Prince. 3 h de route et de blocus seront à coup sûr nécessaires pour rejoindre Vallue et Abner Septembre, le 1er hôte de notre voyage. Une belle leçon de vie en perspective sur la force de la communauté et la ténacité d’un homme à développer son petit coin de paradis sans aucune aide étatique.
Nuit à la Villa Ban-Yen, perchée à 750 m d’altitude, où vous serez bercé par la douce musique des grenouilles, criquets et autres oiseaux locaux.
Cette journée vous offrira des panoramas superbes sur la baie de Petit et Grand-Goâve depuis les hauteurs de Vallue. Et elle vous permettra de tremper dans la communauté de Vallue et d’expérimenter la vie ici : rencontre avec les représentants de l’Association des Paysans de Vallue afin qu’ils vous expliquent leurs engagements et leurs actions, balades avec les ruraux au beau milieu de leur campagne, visite d’une fabrique à fromage et du musée végétal de Zamor, randonnée à cheval, massage aux plantes locales… Le but de la journée étant d’avoir goûté à un concentré de la vie des paysans de montagne en Haïti et de soutenir leur économie grâce à votre présence.
Dans l’après-midi, vous serez reçu au sein d’une famille le temps d’un café ou d’un cacao bien chaud et après le dîner, vous jouirez d’une soirée musicale racine, le rythme traditionnel haïtien. Le tout arrosé du Chiligan maison, un cocktail à base de rhum brun, de fruits de saison et de sirop de grenadine, le tout rehaussé par du gingembre et du basilic ! Autant vous dire que la nuit sera bonne...
On quitte la montagne pour rejoindre la côte et ses plages. Depuis Petit-Goâve et son débarcadère, on grimpe à bord d’une pirogue à moteur et c’est parti pour 30 minutes de bateau en direction de la plage de Balanier, plus communément appelée... Bananier !
Durant la navigation, on ne manquera pas de s’émerveiller devant les dernières marines à voiles au monde, envoûtantes avec leurs voiles rafistolées gonflées de vent et le charme désuet de leur coque.
Puis on débarque sur une plage superbe, on passe la journée à se baigner dans une eau chaude et translucide, à marcher le long de la plage l’esprit ouvert aux rencontres et à siroter des noix de coco fraîchement descendues de l’arbre. L’heure du déjeuner sera un des temps forts de la journée avec ses lambis boucanés et ses langoustes grillées par les pêcheurs...
Montagne, plage... Place désormais à la culture grâce à la ville de Petit-Goâve, bien connu des amoureux de littérature qui la rattacheront instantanément à Dany Laferrière, l’auteur haïtien siégeant à l’Académie française. C’est là que l’homme a passé son enfance, rue Lamarre, aux côtés de Da, que l’on imagine encore un café à la main sur sa galerie. Visite de la maison familiale, lectures au fil des pas pour se plonger dans les ambiances décrites avec sensibilité par l’auteur dans ses romans les plus célèbres tels L’Odeur du Café ou Le charme des après-midi sans fin.
Au fur et à mesure de la journée, on s’imprègne de l’ambiance d’une ville de province, on déambule au marché et on déguste des poissons et des dous makos, la sucrerie locale qui fait la fierté de la ville.
Le soir, on découvre avec bonheur la douceur de vivre du Village Taïno, un écolodge bâti là par un Français en exil depuis plus de 7 ans, qui offre ses jolies cabanes colorées et sa vision fiévreuse d’Haïti aux voyageurs de passage. Le soleil couchant depuis le ponton sur la plage au fond du jardin est un bonheur tout simple à savourer avec quiétude, un verre de rhum arrangé à la main...
Après une baignade matinale dans les eaux de Petit-Goâve, sous l’oeil des pêcheurs curieux partant en mer, direction Bassin Bleu pour un plongeon d’un autre genre. La piste d’accès depuis Jacmel est difficile mais après s’être fait chahuter dans le 4X4, une agréable randonnée d’une vingtaine de minutes dans ces montagnes couvertes d’une végétation touffue permet de se délasser. Au fil de la marche, on accède à différents bassins, accompagnés par une ribambelle de villageois qui nous sera d’une grande aide pour nous montrer la voie et nous soutenir en cas de terrain glissant. Le bleu puissant de l’eau a bien évidemment donné son nom au site et s’il faut crapahuter un peu pour accéder à la dernière piscine, le décor enserré entre de hautes roches et la cascade qui semble débouler du ciel en valent largement la peine !
Après le déjeuner, on s’attaque à la visite de Jacmel, escorté par Expérience Jacmel, une association locale qui travaille à promouvoir le patrimoine de cette ville superbe classée par l’UNESCO pour son artisanat et ses arts populaires. Car Jacmel est célèbre pour son carnaval, un des plus beaux de la Caraïbe grâce à ses masques et costumes de papier mâché. Et vous ne resterez pas indifférent à son centre-ville décrépi qui compte des dizaines de bâtisses coloniales au charme fou et son spectaculaire marché de fer.
Dîner à Vue sur Mer, à une quinzaine de kilomètres de là, sur la route de Marigot, restaurant de bois surplombant l’océan qui vous servira un buffet de poissons et de crustacés sous une brise chaude qui fait tinter ses rideaux de coquillages...
Départ en 4X4 pour grimper dans les mornes jusqu’à 700 m d’altitude et atteindre la communauté des planteurs de café de Fonds Jean-Noël. Là, vous découvrirez un projet de tourisme durable et solidaire véritablement exemplaire, La Route du Café. Visite de la communauté, de la pépinière, rencontre avec ses habitants et participation à la préparation du café que vous dégusterez avec vos hôtes. Humainement, un des temps forts de votre voyage.
Retour à Jacmel dans l’après-midi pour flâner le long du front de mer au parterre de mosaïques et faire quelques achats d’artisanat.
La semaine s’achève et il est temps de délaisser la vie plus rurale pour rejoindre la capitale, s’y frotter et essayer de l’apprécier.
On démarre la découverte de Port-au-Prince par la visite guidée du parc de Martissant, oasis de verdure en plein chaos citadin qui fait grand bien.
Déjeuner dans l’agréable restaurant du MuPaNaH (Musée du Panthéon National Haïtien) avant la visite du musée en lui-même, leçon d’histoire haïtienne absolument bouleversante. La visite se termine par quelques oeuvres picturales qui vous permettront notamment de vous familiariser avec l’art naïf que vous avez aperçu un peu partout dans les rues au cours de votre voyage...
En fin d’après-midi, vous grimperez jusqu’à l’observatoire de Boutilliers où vous pourrez prendre un verre tout en admirant une vue aérienne sur Port-au-Prince et la mer des Caraïbes. Si le panorama est dégagé, la vue à cette heure-ci est à tomber...
Pour la nuit, direction le mythique hôtel Oloffson et sa plus belle suite, celle de John Barrymore & Leah Gordon. Sa terrasse panoramique qui domine tout Port-au-Prince jusqu’à la mer jouit d’un lit à baldaquin en acajou. Y dormir sous la moustiquaire, bercé par la moiteur des tropiques et le brouhaha de la ville est un plaisir divin à s’offrir. Romantisme assuré...
Avant de reprendre l’avion, on file à Pétionville, au coeur de l’atelier de Gary Pierre-Charles, architecte et plasticien qui réalise de superbes oeuvres à partir de pneus usagés. Un endroit insolite et une personnalité marquée par une profonde philosophie de vie...
Si le temps le permet, arrêt à la librairie La Pléiade pour acheter quelques romans haïtiens et au centre d’artisanat pour les derniers souvenirs...
À ce stade là, vous devriez déjà avoir une vision plus juste et plus positive d’Haïti et on l’espère, le voyage vous aura donné envie de revenir pour peut-être expérimenter le Nord autour de Cap-Haïtien et d’autres sentiers inexplorés...